ROCHARD Mado [ROCHARD Madeleine, Emilie, Jeanne, Marie, dite]

Par Louis Thareaut

Née le 19 février 1935 à La Pommeraye (Maine-et-Loire) ; ouvrière puis employée de bureau dans l’industrie de la chaussure ; permanente nationale de la JACF (1958) ; militante CFTC puis CFDT ; membre du Bureau du syndicat CFDT de la métallurgie d’Angers (Maine-et-Loire) (1962-1970), membre de la Commission exécutive de l’Union départementale CFDT de Maine-et-Loire (1965-1978) ; militante socialiste, secrétaire de la section du Parti socialiste d’Angers (1978-1982), membre du Conseil fédéral du PS de Maine-et-Loire à partir de 1972 ; co-fondatrice de SOS Femmes et de Femmes dans la Cité à Angers (1983).

Fille de Mathurin Rochard et de Mélanie Fouquet, agriculteurs dans une petite ferme de six hectares à La Pommeraye, Madeleine Rochard fut l’avant-dernier enfant d’une famille catholique pratiquante composée de cinq filles et d’un garçon, nés entre 1922 et 1936. Son père fut le président cantonal du Syndicat des producteurs laitiers. À la Libération, il fut sympathisant du Mouvement républicain populaire (MRP) et, plus tard, il vota à gauche. Son frère Joseph fut permanent national des Chrétiens dans le monde rural (CMR), puis de la Fédération nationale des malades infirmes et paralysés (FNMIP).

Madeleine Rochard fut scolarisée à l’école primaire catholique de La Pommeraye jusqu’à l’obtention de son Certificat d’études primaires. En 1950, à quinze ans, Mado Rochard entra à l’usine de chaussures Bordais à La Pommeraye. Avec son frère Joseph et Francis Gabory, elle créa en 1956 une section syndicale CFTC dans l’entreprise et fut élue déléguée du personnel. En septembre 1957, elle quitta l’entreprise pour travailler aux chaussures ERAM à Montjean (Maine-et-Loire). De plus en plus de jeunes filles du milieu rural travaillant en usine, la Jeunesse agricole chrétienne féminine (JACF) créa une branche ouvrière dans laquelle elle milita. Le 13 mai 1958, elle partit à Paris comme permanente nationale de la JACF. Hélas, un mois et demi après sa prise de fonction, on découvrit qu’elle était atteinte de la tuberculose. Elle séjourna dix-neuf mois en sanatorium à Hauteville dans l’Ain jusqu’en janvier 1960. Après six mois en convalescence chez ses parents, elle partit en septembre 1960 à St-Cyr-sur-Loire (Indre-et-Loire) dans un centre de réadaptation professionnelle pour faire une formation de sténodactylo correspondancière qui dura jusqu’en juillet 1961.

En septembre 1961, Mado Rochard fut embauchée comme employée de bureau au garage Citroën situé rue de Brissac à Angers. C’est à partir de là que son engagement syndical s’accélérera. Dans un milieu essentiellement masculin de mécaniciens et de représentants, sans tradition syndicale, elle mit en place en 1962 une section syndicale et demanda l’organisation de l’élection de délégués du personnel. Aussitôt, elle s’engagea dans le développement du syndicat CFTC des garages avec notamment Jean Chouteau, Michel Larzul, André Brevet et participa au bureau du syndicat de la métallurgie d’Angers.

Début 1962, l’Union départementale CFTC de Maine-et-Loire, dont Jean Monnier était le secrétaire général, invita les adhérentes à une réunion ayant pour but de faire se rencontrer les militantes souvent isolées et de les amener à prendre des responsabilités syndicales. Ce furent les prémices d’une prise de conscience de la nécessité d’agir sur les problèmes féminins au plan départemental.

Dans les mois qui suivirent, se créa une commission féminine dont elle fut l’une des animatrices. Le 14 janvier 1964, Mado Rochard et Marie-Jo Ayrault furent invitées à assister à la Commission exécutive(CE) de l’UD pour faire un compte rendu d’activités de la commission féminine. Peu après, la décision fut prise de coopter au Conseil de l’UD deux représentantes titulaires de cette commission, ainsi que deux suppléantes. Ainsi, le 1er mars 1964, Mado Rochard et Madeleine Bremaud rejoignirent au Conseil de l’UD Marie-Anne Pasquier de Saumur (Maine-et-Loire), seule femme membre du Conseil jusqu’ici.

Lors de préparation du 26e Congrès départemental d’octobre1965 un des groupes de travail, présidé par Louis Thareaut, proposa qu’au moins deux femmes puissent participer à la CE de l’UD, à condition qu’elles soient présentées par les syndicats et élues au Conseil par le Congrès et non par cooptation. Au Congrès, Mado Rochard et Madeleine Bremaud, présentées respectivement par le syndicat de la métallurgie d’Angers et par le syndicat des cliniques d’Angers, furent donc élues au Conseil et à la Commission exécutive de l’UD CFDT du Maine-et-Loire.

En avril 1966, Mado Rochard quitta le garage Citroën pour entrer le 2 mai à l’usine Bull, en qualité d’employée de bureau. Rapidement, elle fut élue déléguée du personnel et, en 1968, devint déléguée syndicale et secrétaire de la section. Pendant l’occupation de l’usine, en mai 1968, elle fut toujours sur la brèche entre la Bourse du Travail et l’usine Bull, allant jusqu’au bout de ses forces. À tel point qu’un jour de cette période agitée, voyant son état de fatigue évident, Jean Monnier lui conseilla de dormir pour tenir le coup. Au cours de l’année 1972, les travailleurs de chez Bull firent en grève pour obtenir le treizième mois. Le conflit dura deux semaines. Les responsables CFDT eurent à prendre la parole chacun leur tour, deux fois par jour. La première semaine, ce fut elle qui rédigea toutes les prises de parole.

Au début de son engagement syndical, le combat pour l’égalité des droits entre les femmes et les hommes n’était pas une priorité pour Mado Rochard. Elle évoluait et militait dans un milieu masculin sans se poser de question. En 1966, l’Union locale CFDT d’Angers fut relancée avec Louis Thareaut comme secrétaire de l’UL. La Commission féminine se développa et elle en prit la responsabilité avec Marie-Jo Ayrault de chez Excelsia, Marie-Thé Galisson de Thomson, Madeleine Bremaud de la Clinique Saint-Louis, Madeleine Belliard de Cibié. Pendant les années qui suivirent, la Commission féminine, en liaison avec la Confédération, établit des argumentaires, des documents dont l’un fut repris au niveau national. Elle rédigea et distribua des tracts dans les entreprises à personnel féminin, interpella les militants dans les conseils et les congrès, organisa des conférences.

En Février 1969, sous l’impulsion de Marie-Thé Galisson, la sociologue Evelyne Sullerot fut invitée pour une conférence à la Bourse du Travail, à laquelle assistèrent trois cents femmes et une trentaine d’hommes. La presse se fit l’écho du succès de cette initiative. La Commission féminine de l’UL eut ainsi un impact certain dans la CFDT de Maine-et-Loire et au-delà. Pour la première fois, furent posés publiquement les problèmes de la double journée des femmes, de leur formation professionnelle, de l’égalité des salaires, de l’accès aux responsabilités et aussi de la contraception.

En 1974, Mado Rochard devint trésorière de l’UD en remplacement de Marcel Jollivet et, en 1978, elle abandonna toutes ses responsabilités syndicales dans et hors entreprise pour se consacrer à l’action politique. Dès 1962 Mado Rochard avait adhéré au Parti socialiste unifié (PSU). Si elle n’eut jamais de responsabilité importante dans ce parti, elle participa au congrès de Lille en juin 1971 d’où elle revint très impressionnée par Michel Rocard.

En 1972, après le Congrès d’Epinay, comme une majorité de membres du PSU, elle adhéra au Parti socialiste (PS) et fut membre du Conseil fédéral de Maine-et-Loire. En 1978, Mado Rochard devint secrétaire de la section PS d’Angers et, à ce titre, membre du Bureau de la Fédération départementale du parti. Elle apporta un soutien constant à la municipalité d’Union de la gauche élue en 1977 et conduite par Jean Monnier. Elle demeura dans ces fonctions jusqu’en 1982. Ensuite, elle continua à participer à l’animation de la Commission féminine du PS et resta membre du secrétariat de la section d’Angers et du Conseil fédéral de Maine-et-Loire. Elle défendit à l’intérieur du parti la position des quotas de femmes pour les candidatures aux élections.

En 1983, avec Marie-Jeanne Ragueneau, conseillère municipale PS d’Angers, Mado Rochard fut co-fondatrice de "SOS Femmes", association qui venait en aide aux femmes subissant des violences conjugales. Elle participa également à la création du groupe de réflexion "Femmes dans la cité" qui s’adressait aux femmes engagées à gauche et à la création de l’association « Espace Femmes ». Dans son quartier d’Angers, à Belle-Beille, elle participa au groupe de réinsertion "Jeunes Emploi Formation".

En retraite de l’entreprise Bull depuis juin 1991, elle exploita une parcelle de terrain avec une association de jardins ouvriers et, là encore dans un univers d’hommes, cultiva ses légumes avec un bonheur et un plaisir gourmand, tout en continuant à militer au PS et pour la cause des femmes. Sa plus grande fierté est d’avoir été capable, en 1962, de créer et d’animer une section syndicale d’hommes et, malgré son statut de femme et son "petit gabarit", d’avoir été écoutée et suivie.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article225525, notice ROCHARD Mado [ROCHARD Madeleine, Emilie, Jeanne, Marie, dite] par Louis Thareaut, version mise en ligne le 18 mai 2020, dernière modification le 18 mai 2020.

Par Louis Thareaut

SOURCES : Arch. UD CFDT de Maine-et-Loire. — Entretien avec Mado Rochard le 2 février 1998.

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