DESSON Guy, Félicien

Par Didier Bigorgne, Gilles Morin

Né le 7 avril 1909 à Chelles (Seine-et-Marne), mort le 4 avril 1980 à Chardeny (Ardennes) ; professeur de lettres, journaliste, puis chef de cabinet ministériel ; franc-maçon ; résistant ; militant socialiste, secrétaire fédéral du Parti socialiste SFIO des Ardennes (1951-1952, puis 1957-1958), du PSA (1958-1960) et du PSU (1960-1966) ; maire de Grandpré (1953-1969), conseiller général (1950-1970), député des Ardennes (1947-1958, 1967-1968) ; président délégué de France-URSS (1973-1980).

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1956]

Guy Desson était le fils de Félicien, Émile Desson, administrateur des Câbleries métalliques parisiennes, et d’Éva Bickart, sans profession. Son grand-père maternel, Alexandre Bickart, radical-socialiste, fut maire de Chelles de 1904 à 1911, puis de 1925 à 1929.

Après avoir fréquenté les écoles communales à Chelles, Guy Desson entra en pension au collège de Meaux où il réussit le baccalauréat. Il poursuivit ses études à la faculté de lettres de Paris qu’il quitta avec deux certificats de licence. À la rentrée scolaire d’octobre 1934, il exerça les fonctions de professeur d’Histoire et Géographie à l’Institut privé Marigny de Vincennes. À partir de 1936, il enseigna en qualité de professeur de lettres à l’École Pascal de Paris. Le 28 janvier 1931, Guy Desson avait épousé Marie Bernier, couturière, qui lui donna deux filles mais une seule survécut. Divorcé depuis 1937, il se remaria en 1939 avec Renée Lambert-Arnould, fille d’un industriel de Vrigne-aux-Bois (Ardennes).

Guy Desson découvrit très tôt le militantisme politique. À l’âge de dix-sept ans, il adhéra au Parti socialiste SFIO, dans la promotion de Max Lejeune. Deux ans plus tard, il était le secrétaire adjoint de la section socialiste de Chelles. En 1930, il en devint le secrétaire. L’année suivante, il fut élu membre du bureau fédéral de Seine-et-Marne. Dans le même temps, Guy Desson avait rejoint la loge maçonnique « La Solidarité chelloise » : initié le 30 octobre 1930, il fut élevé au grade d’apprenti le 11 janvier 1931. Il démissionna le 29 novembre de la même année, prétendant par la suite être « en sommeil », c’est-à-dire franc-maçon sans activité. Arrêté le 6 février 1934 à la suite d’une bagarre, Guy Desson représenta son parti aux élections des 7 et 14 octobre 1934 pour le conseil d’arrondissement dans le canton de Lagny : arrivé en dernière position avec 1 662 voix, il fut éliminé au premier tour. En 1935, il demanda sa mutation dans la fédération socialiste des Ardennes, département dont il connaissant le sud agricole pour se rendre fréquemment dans le village de Chardeny où ses parents possédaient une maison. Aux élections des 10 et 17 octobre 1937 pour le conseil général, il fut candidat dans le canton de Vouziers : il échoua au premier tour en recueillant 285 suffrages sur 2 053 inscrits et 1 630 votants. Par contre, il ne fut pas membre du bureau fédéral comme il l’écrivit dans une lettre au comité directeur du Parti socialiste SFIO datée du 11 septembre 1954.

Le 4 septembre 1939, Guy Desson fut affecté à la Compagnie mixte du Train avant d’être muté à la compagnie hippomobile 77/17. À sa demande, il suivit des cours à l’école militaire et d’application de la Cavalerie et du Train à Saumur à partir du 1er février 1940. Nommé aspirant officier le 1er mai suivant, il participa aux combats de la campagne de France pour finalement être démobilisé le 26 juillet 1940 en Dordogne. D’abord réfugié à Marseille, Guy Desson y rencontra Gaston Defferre, Pierre Bloch et Jacques Grumbach. En compagnie d’un israélite, Krinsky Sach, il loua ensuite une scierie à Saint-Hilaire-le Château dans la Creuse, transformée pour produire des douelles de tonneau avant de devenir une fabrique de jouets en bois. Cette activité lui permit de cacher des jeunes qui voulaient échapper au STO. Dans le même temps, Guy Desson et son épouse effectuèrent des liaisons pour la Résistance, en particulier avec Pierre Viénot qu’ils retrouvaient à Cabris près de Marseille ; un rapport des Renseignements généraux daté du 11 octobre 1942 classe Guy Desson sur la liste « B », concernant les individus dangereux à arrêter à l’occasion d’événements importants.

À la Libération, Guy Desson sortit de l’anonymat en collaborant au Populaire, dans lequel il signa une vingtaine d’articles du 12 septembre 1944 au 10 avril 1945. D’abord secrétaire général adjoint du journal socialiste, il occupa le poste de secrétaire général à partir d’octobre 1945. Il reprit aussi sa place dans la fédération socialiste SFIO des Ardennes en étant élu membre de la commission exécutive le 11 mars 1945. Aux élections pour la seconde Assemblée constituante du 2 juin 1946, il figura en deuxième position de la liste de son parti qui recueillit 33 161 suffrages sur 148 950 inscrits et 124 936 votants, ce qui lui donna un député, Andrée Viénot, nommée sous-secrétaire d’État à l’Éducation nationale chargée de la Jeunesse et des Sports. Guy Desson devint alors son chef de cabinet avant d’être chargé de mission au cabinet de M.E. Naegelen, puis à la présidence du Conseil durant le ministère Ramadier en 1947. Après la démission d’Andrée Viénot qui avait été réélue député des Ardennes le 10 novembre 1946, Guy Desson lui succéda à l’Assemblée nationale le 14 novembre 1947. Il fut réélu aux élections législatives du 17 juin 1951 et du 2 janvier 1956, bénéficiant d’une progression constante des voix (29 769 en 1951, 48 178 en 1956). Son œuvre parlementaire fut considérable. D’après Le Journal du Dimanche daté du 19 février 1956, il était le député le plus sollicité par courrier, avec Pierre Mendès France et Paul Reynaud. Il prit la parole plus de deux cents fois pendant les séances à la Chambre et déposa soixante-dix propositions de loi. Plus particulièrement, il prépara et rapporta la loi adoptée le 24 juillet 1953 portant sur la création d’un fonds de développement de l’industrie cinématographique qui porte son nom. Le 2 septembre suivant, il devint président du Conseil supérieur de la cinématographie, fonction qu’il occupa jusqu’en août 1958. Il présida aussi la commission de la presse à l’Assemblée nationale à partir du 20 janvier 1955. À ce titre, il effectua son premier voyage en URSS. À son retour, il fit son compte rendu dans le Réveil Ardennais dans lequel il se disait impressionné favorablement par l’atmosphère qui préludait au XXe congrès du PCUS et à la déstalinisation.

Sur le plan départemental, Guy Desson imposa vite sa forte personnalité. Il fut d’abord élu conseiller général dans le canton de Grandpré lors de l’élection partielle des 25 juin et 2 juillet 1950 : arrivé nettement en tête au premier tour avec 712 voix sur 2 022 suffrages exprimés, il l’emporta en réunissant avec 980 voix au scrutin de ballottage. Aux élections cantonales des 7 et 14 octobre 1951, il fut réélu dès le premier tour, obtenant 960 voix sur 2 200 inscrits et 1 615 votants. Il assura sa réélection dans les mêmes conditions le 20 avril 1958 en recueillant 790 suffrages sur 2 045 inscrits et 1 615 votants. Il devint aussi maire de Grandpré en mars 1959, fonction qu’il exerça une dizaine d’années.

Dans le même temps, Guy Desson occupa des responsabilités importantes au sein du Parti socialiste des Ardennes, en étant secrétaire fédéral de mars 1951 à avril 1952, puis du 14 décembre 1957 au 14 septembre 1958. Pendant toutes ces années, il participa aux débats internes à son parti. De 1952 à 1955, il fut avec sa fédération un des principaux opposants socialistes au réarmement de l’Allemagne et au projet de CED (Communauté européenne de défense). Le 30 décembre 1954, il fit partie des dix-huit députés socialistes SFIO qui refusèrent de voter la ratification des accords de Londres et de Paris admettant le réarmement de l’Allemagne intégrée à l’OTAN. Cet acte d’indiscipline lui valut d’être exclu du Parti socialiste SFIO, avec l’autre député socialiste ardennais Camille Titeux. Malgré cette sanction, les deux élus furent réélus membres du bureau fédéral du Parti socialiste des Ardennes lors du congrès départemental du 30 janvier 1955, avant d’être réintégrés dans le parti par le 47e congrès national tenu à Asnières en juillet 1955. Après la formation du gouvernement Guy Mollet, Guy Desson fut l’un des premiers députés socialistes à critiquer la politique menée en Algérie. Il signa les textes pour la paix et pour l’ouverture des négociations lors des congrès de Lille (1956) et Toulouse (1957). Il devint alors un des principaux leaders de la minorité d’opposition dans le Parti socialiste SFIO qui fit scission au congrès d’Issy-les-Moulineaux le 14 septembre 1958, après avoir refusé l’investiture du général de Gaulle et appelé à voter « Non » au référendum du 28 septembre 1958.

Aux élections législatives des 23 et 30 novembre 1958, Guy Desson perdit son siège de député. Candidat avec l’étiquette « socialiste indépendant » dans la troisième circonscription Sedan-Vouziers, il arriva en deuxième position au premier tour avec 7 219 voix sur 52 772 inscrits et 42 490 votants ; il rassembla 16 029 suffrages sur 43 342 votants au scrutin de ballottage, mais il fut battu par le général Noiret, son adversaire de l’UNR. À sa création le 27 mars 1959, Guy Desson devint le secrétaire fédéral du PSA (Parti socialiste autonome) des Ardennes, puis membre de la commission administrative permanente issue du congrès de Montrouge. À l’unification de l’UGS (Union de la Gauche socialiste) et du PSA au congrès d’Alfortville (1er au 3 avril 1960) qui donna naissance au PSU (Parti socialiste unifié), il fut élu secrétaire fédéral du nouveau parti et membre du premier Comité politique national du PSU avant de siéger au bureau national, deux fonctions qu’il conserva jusqu’en 1966.

Avec Andrée Viénot, Guy Desson prit la tête de l’opposition au pouvoir gaulliste dans les Ardennes. Dans L’Espoir, journal fédéral du PSU dont il fut le directeur politique de 1960 à 1967, il plaida pour la paix en Algérie, il dénonça la force de frappe, il lutta pour le progrès social. Il représenta son parti aux élections législatives des 18 et 25 novembre 1962 dans la troisième circonscription Sedan-Vouziers : arrivé en deuxième position au premier tour avec 7 610 voix sur 52 213 inscrits et 37 144 votants, il rassembla 19 165 suffrages sur 39 992 votants au scrutin de ballottage, échouant de justesse (383 voix) face au député sortant UNR. Par contre, il fut réélu conseiller général aux élections cantonales des 8 et 15 mars 1964. La même année, il devint secrétaire de la Fédération des élus municipaux et cantonaux, vice-président de l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC). En 1965, il occupait la fonction de secrétaire du mouvement contre l’armement atomique.

Le 12 mars 1967, Guy Desson fut réélu député des Ardennes dans la troisième circonscription de Sedan-Vouziers. Placé en tête au premier tour avec 12 888 voix sur 51 989 inscrits et 42 274 votants, il l’emporta au scrutin de ballottage en rassemblant 23 978 suffrages sur 43 193 votants.

Il rompit avec le PSU en janvier 1968 pour protester contre l’exclusion de ce Parti de Jean Poperen avec qui il avait pris position au Congrès de juin 1967 en faveur d’une association du PSU avec la FGDS, et avec qui il avait créé l’Union des groupes et clubs socialistes (UGCS), qu’il représenta alors avec J Poperen au comité exécutif de la FGDS. D’abord simplement apparenté - avec les autres députés PSU - au groupe parlementaire FGDS, il le rejoignit à la veille de mai 68 et ce fut sous cette étiquette qu’il se représenta aux élections législatives des 23 et 30 juin 1968. Bien qu’arrivé en première position avec 11 222 voix sur 51 641 inscrits et 41 860 votants au premier tour, il fut battu au second tour en obtenant 19 643 suffrages sur 42 809 votants. Las de la vie politique, Guy Desson démissionna de son mandat de maire de Grandpré en décembre 1969 et ne sollicita pas le renouvellement de son siège de conseiller général aux élections cantonales de mars 1970.

Toutefois, Guy Desson se présenta une dernière fois à la députation aux élections des 4 et 11 mars 1973, comme candidat d’« Union populaire » soutenu par le Parti communiste ; il fut éliminé au premier tour en recueillant 7 722 suffrages sur 52 967 inscrits et 43 531 votants. Membre du Mouvement de la paix depuis 1970, il devint président délégué de l’association France-URSS en novembre 1973. Le 9 avril 1979, en l’honneur de ses soixante-dix ans, il reçut la médaille d’or de l’ordre de « L’Amitié des peuples » des mains de l’ambassadeur de l’Union Soviétique.

Retiré dans sa maison à Chardeny, Guy Desson mena alors une vie consacrée à la culture et au jardinage. Il mourut d’une crise cardiaque sans jamais avoir adhéré au nouveau Parti socialiste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22555, notice DESSON Guy, Félicien par Didier Bigorgne, Gilles Morin, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 18 août 2022.

Par Didier Bigorgne, Gilles Morin

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1956]

SOURCES : Arch. Dép. Ardennes, 3 M 5, 7, 8 et 9. — Arch. OURS. — Arch. PSU. — Arch. Assemblée nationale. — Le Réveil Ardennais, 1945 à 1958. — Le Narrateur, 1958 à 1960. — L’Espoir, 1960 à 1968. — Le Monde, avril 1980. — Presse locale. — Notice DBMOF par Gilles Morin. — Gilles Déroche, Guy Desson, la politique, la culture. Itinéraire d’un député ardennais, Charleville-Mézières, Éd. Terres Ardennaises, 1996. — Le Monde, 4 mai 1968. — Témoignage de Madame Desson. — Note de Roger Barralis.

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