DEUDON Janine, Marthe

Par Éric Belouet, Monique Leblanc

Née le 18 février 1931 à Paris (XIIe arr.), morte le 5 juin 2014 à Paris (XXe arr.) ; soudeuse-câbleuse ; permanente de la JOCF (1955-1959) ; syndicaliste CFTC-CFDT ; membre du comité national de l’ACO de 1968 à 1977.

Fille d’un parqueteur dans le bâtiment, syndiqué à la CGT, Janine Deudon, deuxième enfant d’une fratrie de trois (un frère et sœur), avait des parents athées. Son père était contre l’Église « parce qu’elle était liée aux riches ». Elle fréquenta d’abord l’école primaire de la Brèche-aux-Loups à Paris (XIIe arr.) puis celle de Fontenay-sous-Bois (Seine, Val-de-Marne) où la famille avait déménagée.

Elle obtint son certificat d’études avec la mention « Très bien », mais les moyens financiers de la famille ne lui permettant pas de continuer ses études, elle commença à travailler en 1945, à l’âge de quatorze ans, comme ouvrière spécialisée, dans de petits ateliers. Elle changea souvent d’entreprise, car à l’époque, le travail ne manquait pas et changer d’entreprise était la seule façon d’améliorer son salaire.

C’est dans cette première période qu’elle découvrit la Jeunesse ouvrière chrétienne féminine (JOCF) où elle devint rapidement une militante active. Elle se syndiqua également à la CFTC et mena avec ses camarades de l’atelier ses premières actions pour améliorer les conditions de travail. Sollicitée pour être permanente de la JOCF d’avril 1955 à juillet 1959 pour la région parisienne et, en particulier, la Seine, elle fut en 1956 responsable de la branche « apprenties ». Quand elle quitta ce mouvement en 1959, elle était rattachée aux branches « Aînées » (17-21 ans) et « Action au travail ».

En 1959, Janine Deudon entra à la Compagnie générale de constructions téléphoniques (CGCT) à Paris (XVe arr.), comme soudeuse-câbleuse où elle milita à la CFTC puis CFDT au côté d’une autre ancienne permanente jociste, Marguerite Dumonet. Elle fut successivement déléguée du personnel, secrétaire du comité d’entreprise et du comité central d’entreprise, représentante syndicale au CE. Elle fut membre du syndicat de la construction électrique et électronique CFTC puis CFDT, dès sa création en 1962, et elle représenta son syndicat au conseil de l’UPSM (Union des syndicats de la métallurgie de la région parisienne) où elle fit entendre la voix des ouvrières femmes peu présentes dans l’ensemble de la métallurgie. Elle milita également à l’Union locale de Paris (XXe arr.) où elle tint des permanences.

Au congrès de 1964 où la CFTC devint CFDT, elle représenta le syndicat de la Construction électrique et électronique, dont le secrétaire était Jean Auger. Elle travaillait au rendement, ce qui était très pénalisant pour les délégués : en effet, les délégués étaient souvent dérangés par leurs camarades de travail, ce qui, à chaque fois, faisait baisser leur rendement et, donc, leur salaire. À cette époque, les ouvrières étaient enchaînées aux machines afin que leurs mains soient retirées automatiquement quand les presses tombaient. Toutes les OS étaient des femmes, mais il n’y avait pratiquement aucune femme chef. Janine Deudon était une battante et elle mena de nombreux combats, notamment celui de la réduction du temps de travail et de la reconnaissance de la qualification des soudeuses-câbleuses qui purent devenir professionnelles. En 1968, Janine Deudon occupa son usine et participa à la grève générale qui permit notamment la mensualisation des ouvriers (les ouvriers touchèrent des indemnités maladie comme les autres salariés) et la suppression du travail au rendement.

De 1960 à 1975, la CGCT se développa et comptait en 1975, 12 000 salariés répartis dans cinq usines. Janine Deudon, secrétaire du Comité central d’entreprise, allait démarrer ou soutenir des sections en province, notamment à Longenesse, Saint-Omer (Pas-de-Calais) et Rennes. À partir de 1975, la situation des emplois dans l’industrie téléphonique s’inversa totalement. En effet, à la suite de l’évolution technologique et au passage au matériel électronique, il n’y avait plus besoin que d’une seule ouvrière là où il en fallait dix auparavant pour la même fabrication. Le travail des soudeuses-câbleuses, qui avaient réussi à faire reconnaître leur qualification professionnelle, était totalement robotisé. La période des licenciements massifs commença, la destruction des 12 000 emplois sur l’ensemble du pays se fit en quelques années et Janine Deudon, en tant que déléguée fut une des dernières à être licenciée en 1981.

Elle se présenta alors au concours de la fonction publique de conseiller à l’ANPE, concours ouvert exceptionnellement aux plus de cinquante ans pour les travailleurs manuels. Aidée par les formations auxquelles elle avait participé aussi bien à la JOC qu’à la CFDT à Bierville et par l’expérience acquise sur le tas dans ses responsabilités syndicales, elle fut reçue la première de Paris. Elle travailla ensuite jusqu’à sa retraite en 1993, dans l’agence ANPE de Paris (XIe arr). Elle était notamment chargée les chômeurs étrangers de plus de cinquante ans, ceux que l’on avait été cherchés dans les années 1960 pour les licencier vingt ans plus tard. Son expérience d’ouvrière syndicaliste lui permettait de les comprendre et de les aider efficacement.

Demeurée célébataire, Janine Deudon milita dès qu’elle prit sa retraite à l’Union des retraités CFDT de Paris. Ayant rejoint l’ACO, elle faisait partie du comité de secteur en 1964 puis, du comité national de 1968 à 1977. Elle milita de 2005 à 2008 dans l’association CATRED (Collectif des accidentés du travail retraités) qui accompagne les immigrés pour l’obtention de leurs droits sociaux.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22593, notice DEUDON Janine, Marthe par Éric Belouet, Monique Leblanc, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 22 novembre 2022.

Par Éric Belouet, Monique Leblanc

SOURCES : Archives UPSM. — Arch. Dép. Nord, M 37/94. — Le Réveil du Nord, 30 octobre 1933. — La Vie socialiste, 14 mai 1932. — Les Cahiers d’information du militant, 16, mai 1936. — JOCF (SG), fichier des anciennes permanentes. — Témoignage, 170, juillet 1968 ; 199, juin 1971, p. 12. — Renseignements communiqués par Pierre Hadj-Amar. — Notes de Nathalie Viet-Depaule. — État civil de Paris (XIIe arr.). — Entretiens avec Janine Deudon.

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