NAVILLE Jean, Marie, Jacques

Par Jean-Marie Guillon

Né le 17 janvier 1921 à Lyon (Rhône), tué le 19 août 1944 à Oppède (Vaucluse) ; étudiant ; agent du réseau de renseignement Jacques (Office of Strategic Services/OSS).

Maubec (Vaucluse), stèle aux résistants abbatus à Coustelet le 19 août 1944
Maubec (Vaucluse), stèle aux résistants abbatus à Coustelet le 19 août 1944

Fils de la directrice d’un home enfants de Saint-Genis-Laval (Rhône), catholique pratiquant, il faisait des études de Lettres classiques et préparait l’agrégation quand il entra dans la Résistance. Il décida alors de ne la présenter qu’une fois la guerre terminée. Il écrivit à sa mère : « Actuellement ma paix est subordonnée à cette paix pour laquelle nous travaillons sans aucun sentiment de haine, je t’assure, mais avec une implacable résolution. Tu sais comme moi qu’aucun succès personnel, aucun épanouissement ne me ferait-t accepter un monde dominé par une victoire allemande. Je compte sur ma foi restée intacte, sur la force que ce métier me donne, sur l’élargissement qu’il opère en moi. » (cité par Fabrice Calvi, p. 419-420) . Pour s’assurer quelques revenus, il était répétiteur privé de grec et de latin. Il fréquentait la conférence Ampère, institution jésuite de la rue Duquesne, dont il avait suivi les cours. C’est par son directeur, le père Chaine, qu’il entra en contact avec Jean Alziary de Rochefort alias Jacques qui avait été parachuté le 17 août 1943 pour créer un réseau de renseignement pour l’OSS dans le sud de la France en prévision du débarquement. Jean Naville et son ami Jacques Bonvallot mirent sur pied en octobre l’un des trois sous-réseaux de l’organisation Alziary de Rochefort. Naville recruta ses agents parmi ses condisciples de la conférence Ampère ou les familles de ses élèves, que ce soit pour recueillir des informations, effectuer des liaisons ou pour assurer la logistique. Circulant avec la fausse identité d’un représentant de maison d’édition, en constants déplacements, il fit preuve d’« une activité extraordinaire » pour son chef de réseau qui l’avait chargé de repérer les défenses allemandes sur la Côte d’azur. Il aurait réussi à inspecter une base allemande avec la complicité d’un entrepreneur en dératisation de Cavaillon (Vaucluse). Il remontait les renseignements à Lyon, d’où émettait le radio. Il fixait ses rendez-vous dans les églises, notamment dans celle de l’Immaculée conception. Après les arrestations du radio et de Jacques Bonvallot les 11 et 13 avril 1944, Jean Naville se replia sur Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), Avignon et Apt (Vaucluse). Il choisit cette dernière ville, où la « Gestapo » était absente et où la population était plutôt sympathisante comme base de ses activités. Grâce aux jésuites de la conférence Ampère, Naville et son adjoint Jacques Lévy purent trouver asile à l’hôtel Brémondy et, grâce au curé, ils eurent contact avec le garagiste Fernand Jean, chef de la très importante Section atterrissages et parachutages (SAP) du Vaucluse. Celui-ci les confia à Antoine Chatagnon, membre de la SAP et des Francs-tireurs et partisans (FTP), qui assurait leurs liaisons et leur protection. Naville et Lévy mirent en place un émetteur radio à Apt. Ils avaient reçu un parachutage une vingtaine de jours après leur arrivée. Leur chef, Alziary de Rochefort, rapporte sans son témoigange l’anecdote suivante : la nuit suivante, un autre parachutage était tombé par erreur sur la ville ; le lieutenant de gendarmerie avait saisi certains colis parachutés et avait fait arrêter des hommes qui essayaient de les récupérer ; joints par une personne qu’ils ne connaissaient pas pour savoir si le parachutage leur était destiné, il leur avait été demandé d’intervenir auprès de l’officier de gendarmerie pour qu’il libère les hommes arrêtés, ce qu’ils firent ; le lieutenant accepta, leur remit certains colis récupérés tout en en gardant quelques-uns pour donner le change aux Allemands. Son sous-réseau prenant de l’ampleur, Naville recruta le frère de Jacques Lévy, Maurice, pour prendre la direction du secteur Montpellier-Sète-Nîmes. Maurice Lévy (voir ce nom) fut arrêté à Nîmes (Gard) et fusillé le 18 juillet à Signes (Var). Au lendemain du débarquement américain du 15 août dans le Var, Alger ordonna de suivre les Allemands dans leur repli le long de la vallée du Rhône. C’est dans ces circonstances que Naville fut tué le 19 août. Il était parti en vélo pour Avignon. Il fut tué le soir à Coustelet, important carrefour routier, partagé en quatre communes vauclusiennes (Cabrières d’Avignon, Maubec, Oppède, Roubion). Les circonstances de sa mort ne sont pas connues. On le dit tué par hasard par une balle perdue. Ce qui est assuré, c’est qu’il se trouvait là au moment où un détachement FTP composé de résistants de la région de Pertuis (Vaucluse) et de maquisards de La Roche d’Espeil (commune de Buoux, Vaucluse) essayait d’intercepter une importante colonne motorisée allemande. Un premier barrage avait tiré, avant de se replier. Les Allemands avaient pris le contrôle du hameau lorsqu’un deuxième détachement arriva à 20 heures 45 au pont de Sénancole (commune d’Oppède), à 1 km et demi de Coustelet. Stoppés par le tir d’un blindé, les résistants s’éparpillèrent, mais onze d’entre eux y laissèrent la vie. Jean Naville se trouvait là. D’après Pierre Heckenroth, après les avoir fouillés et défigurés à coup de mitraillette, les Allemands empêchèrent d’approcher des corps dispersés dans un champ au nord de la distillerie jusqu’à ce que le maire d’Oppède obtiennent qu’ils soient regroupés. Ils furent inhumés au cimetière de Maubec.
Jean Naville reçut la mention « Mort pour la France. »
Deux monuments rappellent le drame de Coustellet. Le premier, à la sortie du hameau sur l’ancienne RN 100, fut inauguré dès le 8 octobre 1944. Le deuxième se trouve square du Souvenir français à Maubec.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article226034, notice NAVILLE Jean, Marie, Jacques par Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 15 avril 2020, dernière modification le 6 juillet 2021.

Par Jean-Marie Guillon

Maubec (Vaucluse), stèle aux résistants abbatus à Coustelet le 19 août 1944
Maubec (Vaucluse), stèle aux résistants abbatus à Coustelet le 19 août 1944
Coustelet (Vaucluse), monument aux résistants abattus le 19 août 1944
Coustelet (Vaucluse), monument aux résistants abattus le 19 août 1944

SOURCES : Arch. nat. 72 AJ 231 (fonds Comité d’histoire de la 2e Guerre mondiale, témoignage de Jean Alziary de Roquefort). ⎯ site internet Mémoire des hommes SHD Caen AC 21 P 106529 et SHD Vincennes GR 16 P 440959, GR 28 P 4 396 159 et GR 28 P 11 81 (à consulter). ⎯ Association des amis du Musée de la Résistance et de la Déportation, La mémoire gravée. Monuments, stèles et plaques commémoratifs de la Seconde Guerre mondiale dans le département de Vaucluse, Fontaine-de-Vaucluse, Musée d’Histoire, 2002, p. 52. ⎯ Fabrizio Calvi, OSS, la guerre secrète en France. Les services spéciaux américains, la Résistance et la Gestapo 1942-1945, Paris, Hachette, 1990. ⎯ Louis Coste (dir.), La Résistance du pays d’Apt, de la Durance au Ventoux. Historique, Apt, 1974, rééd. 1982, p. 239-240. ⎯ Pierre Heckenroth, Oppède en Comtat-Venaissin, Oppède, chez l’auteur, 1992. ⎯ Vaucluse 44. L’armée de la liberté retrouvée. Aspects de la Résistance et de la Libération, Avignon, ONAC, 2004, p. 40.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable