Par Gilbert Déverines
Né le 2 janvier 1923 à Arnac-la-Poste (Haute-Vienne), mort le 11 août 2009 à Sainte-Feyre (Creuse) ; instituteur ; résistant ; syndicaliste SNI ; militant communiste, maire d’Arnac-la-Poste.
La ferme de Neuville (61 hectares) où naquit Georges Déverines était une métairie exploitée familialement depuis 1855 ; ses grands-parents Eugène Déverines et Alexandrine née Dufénieux dirigeaient l’exploitation ; en 1940, ses parents, Fernand Déverines et Germaine née Gaulier, leur succédèrent. Le grand-père paternel et le père étaient socialistes, mutualistes, coopérateurs, militants laïques, anciens combattants, chasseurs et pêcheurs ; les oncles Louis, Pierre* et Eugène partageaient les mêmes opinions. Les grands-parents maternels Jean et Marie Gaulier, étaient métayers dans une ferme toute proche. Fernand, son père, qui cumulait le travail à la ferme et la gérance militante de la coopérative agricole La Semeuse du centre, conduisit la liste à orientation socialiste aux élections municipales de 1935. Cette liste battit la liste de droite du maire sortant soutenue par le député de la circonscription, André Bardon, natif d’Arnac-la-Poste. Fernand devint premier adjoint de son oncle François Riffaud d’opinion radicale-socialiste. Sous le régime de Vichy, la municipalité fut destituée et remplacée par une délégation spéciale composée des candidats battus du suffrage universel de 1935.
Dans cet environnement social et politique, Georges Déverines grandit, fils unique, dans la cohabitation de trois couples avec trois cousins germains et cousines dont il se considérait comme le « frère aîné » ; des ouvriers agricoles, des valets, et une servante partageaient les repas de la famille patriarcale. Il avait treize ans lors de sa première manifestation politique : le banquet de la victoire du député socialiste Tessier, nouvel élu de l’arrondissement de Bellac aux élections législatives de mai 1936. Ses parents s’étaient mariés civilement, ce qui valut la rupture du bail de métayage à ses grands-parents maternels. Georges Déverines, enfant d’une lignée d’incroyants, fut donc baptisé.
Brillant élève en primaire, reçu premier du canton au certificat d’études, Georges Déverines réussit le concours des bourses et devint interne à l’école primaire supérieure de La Souterraine (Creuse) en octobre 1936. Il réussit le concours d’entrée à l’École normale d’instituteurs de Guéret en 1939. La rentrée d’octobre ayant été retardée en raison de la mobilisation d’une partie des professeurs, il prolongea les vacances en participant à l’accueil et à l’installation d’habitants alsaciens du canton de Wissembourg évacués en raison de la situation de leur habitation entre la ligne Maginot et la ligne Siegfried.
À la fin de ses études, Georges Déverines effectua ses stages de formation professionnelle dans la Creuse, à Saint-Dizier-Leyrenne, Aulon et Bénévent-l’Abbaye puis, au Theil (commune de Saint-Martin-Sainte-Catherine) comme instituteur stagiaire. Il exerça comme instituteur ou directeur dans des communes de la Haute-Vienne : à Rempnat (en 1943-1944 et en 1946-1947), à Nedde (à partir de 1947) où il fut en charge des cours post scolaires agricoles en 1954 ; il revint dans sa commune natale à partir d’octobre 1958 où il prit sa retraite ; dans ce dernier poste il assura les cours post-scolaires agricoles pour le canton avant d’être nommé directeur.
Georges Déverines avait effectué, par devancement d’appel, le service obligatoire aux Chantiers de jeunesse d’Auvergne n° 39, en forêt de Tronçais (13 novembre 1942-20 juin 1943) ; il fut nommé chef d’équipe le 8 mars 1943 ; les observations du certificat de moralité et d’aptitude sont les suivantes : « Élément intelligent, ayant de l’initiative, mais très indiscipliné et possédant un esprit critique trop développé. » Il quitta le camp à bicyclette la veille de sa libération officielle, évitant ainsi d’être embarqué pour le Service du travail obligatoire, comme le furent certains de ses camarades le jour même de la fin de leur service.
Georges Déverines épousa le 28 août 1943, à Arnac-la-Poste, sa camarade d’École normale Anne-Marie Védrenne ; à la rentrée ils furent nommés sur un poste double à Rempnat. Ils furent ensuite nommés sur des postes doubles. Elle termina sa carrière comme directrice à Arnac-la-Poste. Le couple n’eut pas d’enfant. Ils accueillirent à leur foyer Mariane, la troisième fille du cousin germain de Georges, Gilbert Déverines* et l’élevèrent comme leur fille.
Anne-Marie Déverines était la fille de petits propriétaires exploitants du village de Samis (commune de Saint-Julien-le-Petit). Dans cette région de la Haute-Vienne, limitrophe de la Corrèze et de la Creuse, après une période d’activités communistes clandestines dès septembre 1940, l’instituteur révoqué Georges Guingouin* commença à organiser la résistance puis à implanter les premiers maquis. Georges Déverines et son épouse vécurent intensément cette période au cours de laquelle se conjuguaient les actions des « clandestins » et le soutien des « légaux ». Après le débarquement allié, la libération de tout le département fut à l’ordre du jour. Le colonel Guingouin, chef départemental des FFI, nomma Georges Déverines, par décision du 5 août 1944, « chef de place » pour les communes de Rempnat et de Saint-Julien-le-Petit avec le grade de sous-lieutenant. La mission consistait « à entraîner les groupes légaux et à préparer la mobilisation de tous les effectifs du territoire de la commune ». Cette mission prit fin la 10 septembre 1944. Entre-temps, Limoges avait été libéré le 22 août et il fut démobilisé des FFI.
Georges Déverines fut appelé sous les drapeaux du 3 février au 13 octobre 1945, au titre de la classe 42-43, comme soldat de 2e classe dans l’armée de l’air ; il servit successivement sur la base aérienne de Cognac (Charente), puis au sein du Groupement des liaisons aériennes ministérielles à Villacoublay (Seine-et-Oise).
Il adhéra au Parti communiste français en 1947. Nommé à Nedde, il eut comme directeur et directrice un couple de communistes connus en Haute-Vienne, les Lenoble. Marcel Lenoble avait été candidat du PCF aux élections législatives de 1936 ; il avait été arrêté en octobre 1939, interné en camp en France puis déporté en Algérie à la construction du chemin de fer transsaharien. Georges Déverines participa aux campagnes électorales dans la commune et le canton de Nedde. Jusqu’alors, il avait pu mener de front ses activités professionnelles et politiques tout en pratiquant la chasse et, surtout, la pêche à la truite dans la Vienne et les ruisseaux affluents.
Aux élections municipales de 1959, il constitua à Arnac-la-Poste une liste d’union à majorité communiste qui fut élue. Il succéda comme maire au docteur Foucault, socialiste qui ne se représentait pas. Vingt-quatre ans après la première municipalité socialiste, Arnac-la-Poste avait sa première municipalité communiste. Il fut réélu en 1965, 1971 et 1977 sur des listes à référence communiste ouverte à d’autres candidats de gauche. En 1981, demeurant conseiller municipal, il démissionna de son mandat de maire pour faciliter la renouvellement des responsabilités. Jean-Pierre Drieux lui succéda. Georges Déverines, élevé à la dignité de maire honoraire, reçut la médaille d’honneur régionale, départementale et communale et fut nommé Officier des Palmes académiques.
Il présida le Syndicat intercommunal d’électrification rurale de 1959 à 1981 et fut vice-président du Syndicat d’étude et d’aménagement de la vallée de la Benaize. Il refusa d’être candidat au conseil général dans le canton de Saint-Sulpice-les-Feuilles et fit campagne pour l’élection de René Buxeraud, maire de la commune voisine de Mailhac-sur-Benaize, qui devint le premier conseiller général communiste de ce canton du nord du département.
Parmi les nombreuses réalisations pendant ses mandats demeuraient les transports scolaires, le complexe sportif, l’adduction d’eau dans les hameaux, la construction de logements sociaux (HLM), l’assainissement collectif du bourg, l’aménagement d’un premier lotissement pour accession à la propriété.
Georges Déverines vécut mal la rupture de l’union de la gauche dans les années soixante-dix. S’étant toujours tenu à l’écart des structures départementales et nationales, il ne jugea pas nécessaire de proclamer ses différences. Sans sortir de sa réserve, il désapprouva l’intervention de la direction nationale du PCF lors de la crise qui affecta la fédération de la Haute-Vienne au milieu des années quatre-vingt ; il y vit des pratiques contraires aux objectifs affirmés du PCF qu’il avait soutenus ; il en fut affecté.
Son épouse partageait ses opinions, avec une certaine distance par rapport aux contingences locales. Leur fille, Mariane, ancienne élève des Écoles normales d’institutrices de Châteauroux et de Tours, psychologue scolaire dans la Creuse, devint conseillère municipale d’Arnac-la-Poste le 9 mars 2008.
Par Gilbert Déverines
SOURCES : Arch. comité national du PCF. — Monographie du canton de Saint-Sulpice-les-Feuilles. — Arch. Com. Arnac-la-Poste. — Arch. du quotidien L’Écho du Centre. — Monographie de l’agriculture de la commune de Nedde. — Divers tracts électoraux. — Archives de la famille Déverines. — Souvenirs de Mariane Déverines.