BASSANO Bruno

Par Jacques Girault, Jean-Marie Guillon

Né le 12 septembre 1896 à Sarzana (Italie), mort à Draguignan le 14 juillet 1978 ; marchand de tableaux ; président de la section italienne des droits de l’Homme de Toulon et de la fédération du Var.

Bruno Bassano
Bruno Bassano

BFils d’Oreste et Ersilia Bassano, Bruno Bassano se réfugia en France en 1923. Il dira être parti d’Italie à la suite de trois procès qui lui avaient été intentés. Il arriva à Nice en juin 1924 venant de Paris. Il fréquentait alors les communistes, diffusait la presse communiste italienne et écrivait dans le journal socialiste l’Avanti et dans La Riscossa. Il fut arrêté en novembre 1924, alors qu’il sortait d’une réunion communiste et un ordre d’expulsion fut pris le 12 décembre 1924. Il quitta alors la ville et vécut à Lyon, à Bordeaux puis à Perpignan, comme placier en librairie. L’autorisation de résider en France fit l’objet d’une décision ministérielle, le 21 novembre 1927. Après avoir vécu quelque temps à Lens, il arriva à Toulon à la fin de 1927. Six ans plus tard, l’arrêté d’expulsion de 1924 fut définitivement rapporté.
Il ouvrit à Toulon un magasin d’antiquités, rue Denfert-Rochereau tandis que sa compagne, Antoinette Lesourd, qui avait chanté au Grand théâtre de Bordeaux (Gironde) et qui allait décéder en 1930, s’installait comme esthéticienne. Bassano découvrit en 1928 dans une exposition des peintres qu’il allait soutenir toute sa vie, le Toulonnais José Mange et le Russe Simon Segal dont le tableau « L’Âne », vu comme un manifeste dadaïste, suscita la polémique. Dans sa défense, il se trouva avec le poète Léon Vérane avec qui il se lia. Il devint une personnalité du tout petit monde culturel non officiel de Toulon. Il ouvrit en 1929 une première galerie de peinture, qui déménagea en 1931. Cette galerie, appelée Le Trident, fut décorée par le peintre André Marchand d’Aix-en-Provence qui était l’un des artistes qu’il défendait. Elle fut déplacée en 1933 rue Chalucet. Il lui adjoignit un théâtre de poche, le Salon de Thé, où se produisit notamment la troupe marseillaise du Rideau Gris de Louis Ducreux et André Roussin. Le Trident devint un lieu d’accueil pour les artistes et écrivains de passage (Francis Carco, Cromelynck, Joseph Delteil, Vildrac, Bernanos, etc.). Bassano exposa Otton Friesz, Lurçat, Mélik, Marcoussis et nombre d’artistes régionaux de bonne tenue et plutôt en marge. En même temps, son magasin et sa galerie furent le siège d’une activité importante pour l’immigration italienne et pour la vie culturelle des socialistes toulonnais. Il démissionna en 1931 du Parti maximaliste italien pour adhérer au Parti socialiste italien dont il fut exclu en 1936, pour « attitude équivoque », selon la police. Peu de temps après, il adhérait, à titre exceptionnel, à la SFIO dont il devint membre de la section internationale. Membre du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, en 1938, il fut élu secrétaire, puis président de la section italienne des droits de l’Homme de Toulon et président de la Fédération varoise. Il entretenait aussi des liens avec les milieux anarchistes immigrés. Aussi, intervint-il pour la libération de certains d’entre eux en mai 1940. Antimunichois, il appela ses compatriotes avec le comte Carlo Sforza à combattre aux côté des Français. Le 2 août 1940, il demanda sa naturalisation. L’avis défavorable fut émis par la préfecture. Il participa à une réunion publique aux côtés de René Belin à la Bourse du Travail, le 4 juin 1941. Malgré ces engagements, il fut assigné à résider à Trans (Var), le 1er août 1941, puis à Aups (Var). Le 12 mars 1942, la police annonçait qu’il avait accepté d’être rapatrié en Italie. Il dira avoir été menacé de mort en Italie et emprisonné. En février 1945, il franchit la ligne de front en traversant à pied les Alpes apuanes et rejoignit Florence où, devenu journaliste et critique d’art, il reprit ses activités militantes, fonda Les Amis de la France, créa une association culturelle avec l’universitaire démocrate-chrétien Giorgio La Pira, plus tard maire de la ville, et le poète Eugenio Montale, futur prix Nobel. Pourtant, il demanda à revenir en France en février 1946 et se réinstalla à Toulon où il resta jusqu’en 1952, année de la mort de sa femme, Marie Chelozzi, avec qui il s’était marié en 1939. Il avait alors obtenu sa naturalisation. Il avait ouvert en 1951 une succursale de sa galerie toulonnaise à Aix-en-Provence, mais, finalement, il décida de s’installer à Paris. En 1952, il ouvrit une galerie, 9 rue Grégoire-de-Tours. Il l’inaugura avec une rétrospective José Mange. Jusqu’au bout, il y défendit une peinture figurative, œuvre de des peintres « non officiels », non reconnus, français et étrangers (comme Fikret Moualla), de style très divers, artistes de la capitale regroupés sous l’étiquette d’« École de Paris », ou des provinciaux comme les peintres de l’École de Bourges. Il ne cessa de pourfendre la peinture abstraite et les célébrités du moment, à commencer par Picasso. Petit, volubile, passionné, il se voulait marchand de tableaux, choisissant les artistes qu’il voulait faire reconnaître, et non un commerçant vendant n’importe quoi. Vers la fin de sa vie, il écrivit ses mémoires - Ombres et lumières (Souvenir d’un homme debout) - mais il ne semble pas qu’elles aient été éditées. En mai 1975, il fit donation à Pise, ville où il avait des racines familiales, d’environ trois cents œuvres (peintures, dessins, lithographies), exposées depuis lors au Palais Moscou. La donation fut consacrée avec l’exposition « Simon Segal et l’École de Paris ». Peu après, en 1977, il fit une deuxième donation, cette fois-ci à la commune d’Aups qui l’avait accueilli en 1941 et où il était revenu s’installer. Cette donation, « hommage de ma reconnaissance envers la France – ma seconde patrie – afin de la remercier de l’hospitalité qu’elle m’a donnée, à partir de 1923, comme réfugié politique », comprend deux cent quatre-vingts tableaux, rassemblant des artistes dont il a soutenu l’œuvre (Mange, André Marchand, Verdilhan, Pertus, Olive Tamari, etc.). La donation, installée dans la chapelle de l’ancien couvent des Ursulines, fut inaugurée le 14 octobre 1980 par Gaston Defferre, président du Conseil régional. Elle prit le nom de Musée Simon Segal puisqu’elle rassemblait une cinquantaine de ses œuvres. Ses amitiés socialistes avaient joué en faveur de cette création. À Toulon, il s’était lié à Édouard Le Bellegou, sénateur du Var, maire d’Aups après avoir été celui de Toulon et c’est sa fille, Geneviève Le Bellegou-Béguin, qui avait succédé à son père à la tête de la commune, qui avait reçu la donation et qui ouvrit le musée.
Décédé le 14 juillet 1978, Bruno Bassano a été inhumé au cimetière d’Aups. Il a légué ses archives à l’Université de Pise.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22613, notice BASSANO Bruno par Jacques Girault, Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 19 octobre 2010, dernière modification le 15 septembre 2022.

Par Jacques Girault, Jean-Marie Guillon

Bruno Bassano
Bruno Bassano

SOURCES : Arch. Dép. Var, 4 M 59 2 ; 3 Z 7 1 ; 3 Z 4 14. — www. comune.pisa.it. — Presse locale — Sources orales. — Ville d’Aups, Simon Segal et l’École de Paris. Donation Bruno Bassano, sd (1980). — Presse locale — Sources orales. — Renseignements fournis par sa veuve.

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