PEYRIÈRES Marc, Raymond

Par Alain Raynal

Né le 1er février 1893 à Septfonds (Tarn-et-Garonne), militant communiste dans le Tarn-et-Garonne ; arrêté le 23 juin 1941, condamné et emprisonné, mort en déportation.

Fils d’un ouvrier chapelier et d’une ouvrière en chapeaux de paille qui donnèrent naissance à deux garçons, Marc Raymond Peyrières et son épouse Marie Agathe, née Roldès le 22 février 1898 à Vaylats (Lot), mariés à Septfonds le 22 octobre 1920, partirent quelques années à Pantin. Marc Raymond travailla comme poinçonneur au métro parisien. C’est pendant cette période qu’il rencontra des communistes parisiens. De retour à Septfonds vers 1936, il travailla comme représentant commercial d’une entreprise locale de chapeaux avant de créer sa propre affaire de fabricant de bérets.
Il existait déjà avant guerre à Septfonds une activité communiste importante : soutien aux ouvrières et ouvriers chapeliers nombreux sur le secteur de Septfonds et Caussade ; dénonciation du fascisme, organisation d’une fête militante ; en 1939 solidarité avec les républicains espagnols internés au camp de concentration de Judes situé sur la commune, aide à l’évasion de membres du PCE.
Avec notamment Aimé Durou, charcutier à Septfonds, qui occupa des responsabilités départementales au sein du PCF et fut candidat dès 1925 aux élections locales et en 1936 aux Législatives à Castelsarrasin ; avec Maurice Gros, cordonnier ; François Frauciel ; Ange Huc de Caussade, Marc Raymond Peyrières et son frère Édouard poursuivirent leurs actions militantes. Bravant l’interdiction de toute activité communiste, ils participèrent activement au réseau local (Caussade, Septfonds, Puylaroque, Saint-Antonin, Laguépie) de diffusion clandestine de tracts et de journaux dont l’Humanité et La Terre. Un rapport du commissaire spécial daté du 15 mars 1941 alertait déjà le Préfet du département sur : « Une distribution de tracts communistes à Septfonds » et la tenue « de réunions clandestines à Caussade en fin janvier et début février 1941... ». Le commissaire signalait aussi que des perquisitions chez Raymond Peyrières et son frère Édouard « n’avaient rien données ». Qu’interrogés, les deux frères reconnurent les faits qui leur étaient reprochés, y compris la réception de l’Humanité et de La Terre.
Juin et juillet 1941 furent marqués par la grande rafle contre les milieux communistes de Caussade, Septfonds, Saint-Antonin. Une importante opération de police débuta dès le lundi 23 juin et s’étendit dans tout le département jusqu’en septembre.
« A la suite de plusieurs informations intéressant la Région de Toulouse et de Montauban », relata La Dépêche datée du 11 juillet. C’est-à-dire sur dénonciation. L’article précisait : « Menée de concert par la police mobile et la police spéciale, cette opération a abouti à cinquante et une arrestations, soit : vingt et un Français, deux Italiens naturalisés Français, un Italien et vingt sept Espagnols ». « Ces individus, était-il ajouté, avaient constitué quatre cellules communistes actives, deux émanations du PCF à Caussade et Réalville, les deux autres à l’initiative des communistes espagnols, dont l’une à l’intérieur du camp de Judes ».
Parmi les premiers militants arrêtés figuraient Marc-Raymond Peyrières, son frère Édouard Peyrières, Maurice Gros, Aimé Durou, Ange Huc, François Frauciel… Conduits à la mairie de Septfonds puis transférés en fin de matinée au camp Judes ils furent interrogés et violemment frappés pendant trois jours. Le 26 juin, ils furent transportés en camion vers la prison de Montauban. Ils y croupirent jusqu’en janvier 1942 avant de comparaître les 14 et 15 janvier parmi vingt-sept autres militants devant le tribunal militaire permanent de la 17è Région siégeant à Montauban.
Que leur était-il reproché ? « 1°) Dans une intention d’activité communiste ou anarchiste (…) au cours du 4e trimestre 1939, en 1940, 1941, distribué ou détenu en vue de la distribution, de l’offre, de la vente ou de l’exposition dans un but de propagande des tracts, bulletins et papillons d’origine étrangère de nature à nuire à l’intérêt national
« 2°) « Dans une intention d’activité communiste (…) propager les mots d’ordre émanant ou relevant de la 3e Internationale communiste ou d’organismes contrôlés en fait par cette 3e Internationale... ».
Dix-sept furent condamnés, dont Raymond Peyrières à cinq ans de travaux forcés.
En octobre 1943, Marc Raymond Peyrières fut transféré, comme la plupart des détenus politiques de la zone sud à la Centrale d’Eysses (Lot-et-Garonne). Il participa à la révolte des résistants emprisonnés le 19 février 1944.
Déporté en juin au camp d’extermination de Dachau puis à Auschwitz d’où il ne revint jamais. Même sort pour ses trois autres camarades : Maurice Gros, Ange Huc et Aimé Durou qui décéda dès les premières heures de son retour en France.
Sur le site de la Fondation pour la mémoire de la Déportation, il est rappelé que Marc-Raymond Peyrières (matricule 73 873) figurait parmi les 1 299 autres déportés dans le convoi quittant le 18 juin 1944 Compiègne pour Dachau. Avec comme seule mention : « décédé en déportation en Allemagne ultérieurement au 18 juin 1944 ».
Du 26 juin 1941 au 9 octobre 1943, Marc Raymond Peyrières pris soin de relater des informations concernant son vécu quotidien sur un cahier aux pages quadrillées. Trente deux feuillets finement écrits composent un précieux et émouvant document conservé par la famille et son petit-fils Marc Pujol.
Il y nota attentivement toutes les visites régulières de son épouse et de sa fille.
Il y retraça les conditions de son arrestation avec ses camarades, les interrogatoires musclés et les sévices de la part de la police française. Le 28 août 1941, il appris par la bouche du juge que la justice civile s’était dessaisi pour laisser place libre à la justice militaire en raison de la loi adoptée quelques jours plus tôt, le 14 août, créant des sections spéciales auprès des tribunaux et rendant impossible tout recours.
Dans son cahier, Marc Raymond Peyrières donna régulièrement des nouvelles d’autres militants incarcérés, de Septfonds et d’ailleurs, confrontés aux changements fréquents de cellules, aux brimades des gardiens. A l’issue du procès les 14 et 15 janvier 1942 des vingt-sept communistes du département, il détailla les condamnations pour chaque condamné. Le 12 novembre, il mentionna le bruit des nombreux avions allemands qui sillonnent le ciel de Montauban, l’armée hitlérienne venait d’occuper la zone sud.
À la date du 22 janvier 1943, il revendiqua avec force devant le directeur de la prison son statut de prisonnier politique. « Moi, détenu politique, je suis fier de tout mon passé d’honneur et d’honnêteté... », devait-il insister.
Dernière page et derniers mots rédigés à la date du 9 octobre 1943. A la veille du transfert vers la centrale d’Eysses en Lot-et-Garonne.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article226736, notice PEYRIÈRES Marc, Raymond par Alain Raynal, version mise en ligne le 27 avril 2020, dernière modification le 26 novembre 2020.

Par Alain Raynal

SOURCES : Fonds Marcel Maurières déposé aux Archives départementales du Tarn-et-Garonne. — Le parti communiste français dans la Résistance en Tarn-et-Garonne, 1985. — Archives familiales de Marc Pujol, petit-fils de Raymond Peyrières.

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