Par Alain Dalançon
Né le 27 juin 1906 à Alais [Alès] (Gard), mort le 16 janvier 1995 à Paris (XVIe arr.) ; professeur agrégé d’histoire-géographie ; secrétaire général du SNES (1955-1966) ; vice-président de la MGEN (1963-1971) ; secrétaire général de la Cité universitaire de Paris (1966-1971).
Fils d’Elie Dhombres et d’Alma Bazalgette, Pierre Dhombres fut élevé dans une vieille famille protestante du pays cévenol. Son grand-père paternel avait été un célèbre pasteur (Ernest Dhombres) ; son père était fonctionnaire à la sous-préfecture d’Alès puis directeur de l’hôpital ; sa mère, institutrice puis directrice d’école maternelle à Alès, membre du Syndicat national des instituteurs et institutrices, pédagogue adepte des méthodes de Maria Montessori, apprit le piano à son fils.
Après l’école primaire à Alès, Pierre Dhombres fit ses études secondaires au lycée J. B. Dumas de la ville, obtint le baccalauréat latin-sciences en 1923 et entra en khâgne au lycée Louis le Grand (1923-1925) à Paris. Il obtint sa licence d’histoire à la Sorbonne puis son diplôme d’études supérieures (juin 1928) et fut reçu à l’agrégation d’histoire-géographie en 1929.
Il se maria le 22 décembre 1928 à Paris (XXe arr.) avec une institutrice, Suzanne, Madeline Lavoisier, née le 25 novembre 1904 à Paris (XIIIe arr.), fille d’un des tout premiers inspecteurs du travail, Alfred Lavoisier, qui eut beaucoup d’influence sur lui. Son épouse, catholique, mais enseignante très laïque à Clichy, adhérente au SNI, décéda en 1978. Ils laissèrent à leur fille la liberté de choisir sa religion ; celle-ci se fit baptiser à la Libération, sous l’influence de l’aumônier du lycée Carnot de Paris.
Lors de son service militaire effectué après sa réussite à l’agrégation, Pierre Dhombres suivit les EOR à Saint-Cyr et en sortit sous-lieutenant en 1930. Il remplaça, à la fin de l’année scolaire 1929-1930, un professeur d’histoire en congé au lycée Janson-de-Sailly à Paris. Puis il fut nommé au lycée de garçons de Limoges (Haute-Vienne) en octobre 1930, au lycée Thiers de Marseille (Bouches-du-Rhône) à la rentrée 1932, avant d’être muté au lycée Carnot à Paris à la rentrée 1935, où il termina sa carrière administrative en 1971.
Membre du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes au moment du Front populaire, il ne militait cependant pas activement dans le syndicalisme ni en politique. Mobilisé comme lieutenant le 24 août 1939 au 128e Régiment d’infanterie, il fut fait prisonnier le 25 juin 1940, et passa sa captivité en Autriche, contribuant à faire de son Oflag XVII un foyer de vie intellectuelle et de réflexion sur la justice sociale.
Libéré par les troupes américaines le 10 mai 1945, il reprit son enseignement au lycée Carnot, très apprécié de ses élèves et des proviseurs successifs de son lycée, Ennemond Casati puis Henri Fauré, anciens résistants, militants syndicalistes engagés dans le combat laïque. Pédagogue, Pierre Dhombres conserva toujours un enseignement dans une classe de 6e ou de 5e « pilote », même quand il était secrétaire général du SNES avec seulement quatre heures de décharge de service ; il était en outre conseiller pédagogique et correspondant du Bureau universitaire de statistiques. Il complétait son service en classe préparatoire à HEC où il avait commencé à enseigner en 1938-1939. Il eut aussi l’occasion de donner des cours à l’École Saint-Cyr et d’être membre du jury de son concours d’entrée, ainsi qu’à ceux de l’École nationale de la France d’Outre mer, de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, de l’École normale supérieure de l’Enseignement technique, de l’École nationale d’administration et de l’agrégation de géographie.
Membre du Syndicat national de l’enseignement secondaire depuis la Libération, militant à la section académique de Paris, Pierre Dhombres fit brusquement apparition sur la liste A des « autonomes » aux élections à la commission administrative nationale en 1954 et fut élu au poste particulièrement important de secrétaire de la commission pédagogique, puis de secrétaire général de 1955 à 1966. Il prit la succession d’Albert-Claude Bay et essaya de conduire le syndicat dans un esprit plus fédérateur et plus fédéral à la tête d’une équipe de direction dans laquelle cohabitaient Ghouti Benmerah, Pierre Sénécat, l’ancien président de la Société des agrégés qui prit sa succession à la responsabilité de la commission pédagogique, Robert Chéramy et Pierre Broué. Il participa à la CA nationale et au bureau fédéral de la Fédération de l’Éducation nationale de 1955 à 1966. Il préfaça la brochure éditée par le SNES en 1958 de Camille Girault,Action laïque, instruction religieuse en aumônerie dans le second degré (24 p.)
Après l’opposition au projet de réforme Billères en 1956-1957, qui brouilla un peu plus le SNES avec la direction du SNI, Pierre Dhombres essaya de défendre les intérêts des personnels du second degré dans le cadre fédéral pour leur reclassement, et celui du Comité national d’action laïque contre les lois anti-laïques Marie-Barangé puis Debré. Il s’entendait plutôt bien avec le secrétaire général de la FEN Georges Lauré. Mais il ne put réussir à établir une unité de vues suffisante sur un projet de réforme de l’Ecole et de la formation des maîtres avec la direction du SNI, malgré l’amitié qui le liait, ainsi que son épouse, avec Denis Forestier. Bien plus, il fut très vite plus que réservé lors du lancement par ce dernier du « Pour un mouvement syndical uni et démocratique » et, au milieu des années 1960, il préférait l’unité d’action avec la CGT et la CFDT.
Ses efforts pour tenter de trouver des solutions fédérales acceptables pour le SNES ne lui attirèrent pas que des amis dans son propre courant. Ainsi Dhombres ne put empêcher la création de la liste « C » sur laquelle se retrouva son prédécesseur Bay, défendant de façon intransigeante les intérêts de l’enseignement secondaire et de ses maîtres et refusant que le syndicat prenne position sur le terrain politique. Il se fit en effet remarquer par ses prises de position sur des sujets mettant en cause les grands principes de la démocratie : ainsi il fut plus précocement favorable à l’autodétermination des Algériens que ses camarades de la direction du SNI et de la FEN. Il manifesta surtout son hostilité au « coup d’Etat » du 13 mai 1958 du général de Gaulle et au régime de la Ve République. Il vouait une admiration certaine à Pierre Mendès France mais n’eut jamais de sympathie pour François Mitterrand.
Membre de la Société des agrégés, représentant le SNES au bureau de 1955 à 1968, Pierre Dhombres n’y siégea pourtant jamais et prit de la distance avec les positions conservatrices de la Société. Il demanda une action d’ensemble contre la réforme Fouchet et contre la Commission Laurent en 1963. Mais les hésitations de son équipe à engager la bataille sans attendre le feu vert de la FEN, furent à l’origine d’une érosion de la majorité au bénéfice de la liste B « Unité et Action » conduite par André Drubay.
Pierre Dhombres fut un artisan convaincu de la fusion du SNES et du Syndicat national de l’enseignement technique qui se réalisa au congrès de Pâques 1966. Il démissionna à ce moment, après le rejet du rapport d’activité par les syndiqués en mars 1966, à la suite de l’insuccès de la grève administrative de 1965. Chéramy lui succéda donc quelques semaines avant que ne soit élu le secrétariat général bicéphale du nouveau SNES (Louis Astre et André Mondot).
Ayant eu l’occasion de tisser de très nombreuses relations en France et à l’étranger dans les milieux universitaires, il fut détaché de 1966 à 1971, pour exercer la fonction de secrétaire général administratif de Fondation nationale de la Cité internationale de Paris (Cité universitaire du boulevard Jourdan). Il eut à gérer la période des événements de 1968 en évitant les incidents majeurs. Vice-Président de la MGEN de 1963 à 1971, il proposa sans succès que sa succession à cette responsabilité soit assurée par Drubay quand celui-ci devint secrétaire général de 1967 à 1971.
Homme d’une grande courtoisie, d’une haute culture, faisant preuve d’aisance dans son expression orale et par sa plume, Pierre Dhombres était estimé pour la rigueur de sa pensée, ses convictions et son ouverture d’esprit, que certains de ses amis - beaucoup plus que ses adversaires - lui reprochèrent.
Ses obsèques eurent lieu au temple de Paris du XVIe arrondissement. Une nécrologie parut dans Le Monde. Monique Vuaillat, André Drubay et Etienne Camy-Peyret, ses successeurs au secrétariat général du SNES, assistèrent à ses obsèques.
Pierre Dhombres était commandeur des Palmes académiques (1969) et officier de la Légion d’honneur (1977) après avoir longtemps refusé cette distinction à l’époque où il était secrétaire général du SNES.
Par Alain Dalançon
ŒUVRE : Les relations internationales de 1870 à nos jours, t. 1 : Impérialismes et démocraties. Études et documents d’histoire contemporaine, Jacques Vaudrain, 1946, 249 p. — Avec Henri Fauré, De la 6e au baccalauréat, Fédération des conseils de parents d’élèves, Éd. sociales françaises, 1963, 72 p.
SOURCES : Arch. Nat., AJ/16/8954. — Arch. IRHSES (Congrès SNES, CA, secrétariat, L’Université syndicaliste, L’Enseignement public. — Interview de l’intéressé par P. Antonini et A. Dalançon à son domicile en 1993. — Témoignages divers. — Renseignements fournis par sa fille, Éliane Dromer. — Notes de Jacques Girault.