Par Alain Dalançon, Jacques Girault
Né le 17 avril 1920 à Saint-Symphorien-Tours (Indre-et-Loire), mort le 10 février 2012 à Paris (VIIIe arr.) ; professeur d’université à Poitiers (Vienne), spécialiste de la philosophie d’Hegel ; intellectuel, militant communiste.
Son père, Charles, Hermann D’Hondt, peintre décorateur venu d’Anvers, s’était engagé en 1914 dans la Légion étrangère et obtint la nationalité française en 1921. Sa mère, Mélanie Meyer, institutrice d’origine juive alsacienne, fut internée à Drancy et deux de ses sœurs périrent en déportation.
À 14 ans, marqué par le Premier conflit mondial, Jacques D’Hondt adhéra aux Jeunesses communistes à l’insu de ses parents. Elève au lycée Descartes de Tours, il eut pour professeurs Léopold Senghor et surtout Jacques Decour dont l’enseignement le marqua.
Après le baccalauréat, il fut élève de la khâgne du lycée Henri IV de Poitiers (Vienne) de 1938 jusqu’en juillet 1940. Licencié en philosophie à la faculté des lettres de Poitiers, il fut nommé en octobre 1941 délégué rectoral pour enseigner la philosophie au collège de Chinon (Indre-et-Loire).
Membre du Parti communiste depuis le début de ses études, en 1938, très actif dans les années 1940-1941, il ralentit son activité clandestine après une perquisition et un interrogatoire par la police en septembre 1941. Affilié à un groupe de communistes clandestins, il échappa, à la différence de cinq de ses camarades qui furent fusillés en mai 1942, à la répression, et put terminer son diplôme d’études supérieures consacré à Spinoza. Il se maria en mai 1942 à Chinon avec Hélène Bouloux (1917-2007), fille de l’instituteur et dirigeant communiste Alphonse Bouloux. Cependant, il ne put échapper au STO et partit dans un camp de travail en Bavière.
Après la guerre, Jacques D’Hondt reprit ses études de philosophie, fut reçu à l’agrégation en 1949 (8e), la même année que Lucien Sève et Jean Lefevre d’Ormesson. Affecté au lycée de Toulouse, il continua à militer au PCF qui le présenta à plusieurs élections. Puis il fut nommé chargé de cours et maître assistant à la faculté des lettres de Poitiers. Après avoir soutenu ses deux thèses sur Hégel, en 1966, sous la direction de Jean Hyppolite (Hégel, philosophie de l’histoire vivante) puis en 1968, sous la direction de Paul Ricoeur, il fut nommé maître de conférences puis professeur en 1970 à Poitiers et dirigea le département de philosophie.
Jacques D’Hondt participait peu à la vie du groupe des intellectuels communistes de la Vienne. Il quitta d’ailleurs le Parti communiste en 1968, réprouvant la politique du Parti communiste soviétique notamment en Tchécoslovaquie.
Il fonda en 1969, puis dirigea jusqu’en 1975, le Centre de recherches et de documentation sur Hegel et Marx, animant un séminaire de recherches fort renommé jusqu’en 1981. Il présida la Société française de philosophie de 1982 à 1995 puis l’Association des sociétés de philosophie de langue française (ASPLF) de 1988 à 1996 et fut membre du comité directeur de la Hegel-Vereinigung.
Son œuvre considérable (ouvrages, directions d’ouvrages collectifs, articles de revues, conférences) avait une renommée internationale soulignée à maintes reprises. Son séminaire fut le lieu de formation de très nombreux intellectuels français et étrangers. Il ne se consacra pas seulement à une « réhabilitation » du Hegel vivant en son temps, participant ainsi à la reconnaissance philosophique de Diderot et des penseurs matérialistes des Lumières. Jacques D’Hondt était également un éminent lecteur de Marx (antagoniste résolu des positions philosophiques d’Althusser) et un interprète des rapports de Marx à Hegel. Selon Jean-Claude Bourdin, son apport le plus fondamental est « d’avoir contribué à une analyse critique des concepts d’une philosophie qui se proclame matérialiste, en montrant que leur dialecticité préserve la pensée de Marx de tout mécanisme et de tout nécessarisme économique. Il a avancé l’idée de "matérialisme relationnel" qui suppose une idée de la totalité en devenir. »
Ses élèves et ses collègues lui offrirent un volume d’hommage en 1999 sous le titre La Philosophie saisie par l’histoire.
Par Alain Dalançon, Jacques Girault
OEUVRE : Hegel, philosophe de l’histoire vivante, PUF, collection Epiméthée, 1966. — Hegel en son temps, Éditions Sociales, 1968 ; ré-édité Delga, 2011. — Hegel secret : recherches sur les sources cachées de la pensée de Hegel, PUF, collection Epiméthée, 1968. — Hegel et la pensée moderne : séminaire sur Hegel dirigé par Jean Hyppolite au Collège de France (1967-1968) ; (textes publiés sous la direction de Jacques d’Hondt), PUF, collection Epiméthée, 1970. — De Hegel à Marx, PUF, collection « Bibliothèque de Philosophie contemporaine », 1972. — L’idéologie de la rupture (Philosophie d’aujourd’hui), PUF, 1978.— Hegel et l’hégélianisme, PUF, « Que sais-je ? », 1982. — Hegel : le philosophe du débat et du combat, Libraire générale française, collection « Le livre de poche. Textes et débats », 1984. — Hegel : Biographie, Calmann-Lévy, collection « La vie des philosophes », 1998.
SOURCES : Arch. comité national du PCF. — Michel Vadée et Jean-Claude Bourdin (dir.), La Philosophie saisie par l’histoire. Hommage à Jacques D’Hondt, Kimé, 1999. — Biographie par Bernard Bourgeois (Société française de philosophie, 2012) reprise par Eric Puisais dans la brochure de la section du PCF de Poitiers à l’occasion du centenaire du congrès de Tours. — Notice biographique par Jean-Claude Bourdin, [Dictionnaire de l’Université de Poitiers (s.dir. Joël Dalancon), Geste éditions, 2012. — État civil.