DIAS Manoël, José, Francisco

Par André Caudron

Né le 4 mai 1927 à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) ; séminariste du diocèse d’Arras puis de la Mission de France, ouvrier du textile à Lille, Roubaix (Nord) à partir de 1953 ; secrétaire du comité régional CGT, membre de la commission exécutive de la Fédération CGT de l’Industrie textile et du conseil national du Mouvement de la paix ; membre du Comité économique et social de la région Nord-Pas-de-Calais (1976-2001).

Tailleur de vêtements, le père de Manoël Dias quitta le Portugal pour combattre en France pendant la Grande Guerre. Il resta ensuite à Boulogne-sur-Mer et mourut prématurément des suites de ses blessures. Sa femme, française, fut aussi employée comme tailleur jusqu’à l’évacuation en 1943 pour cause de bombardements, et devint alors cuisinière aux séminaires d’Arras (Pas-de-Calais) et de Boulogne.
Manoël Dias, pendant sa jeunesse, milita à la JOC avant de poursuivre des études classiques dans sa ville natale, puis à Berck et enfin à Bouvignies-Boyeffles (Pas-de-Calais), au gré des évacuations forcées. Dispensé du service militaire comme soutien de famille, il entra au grand séminaire d’Arras et entreprit fin 1949 un stage de près d’un an à la paroisse Saint-Édouard, dans une cité minière, le 12/14 de Lens (Pas-de-Calais). Il suivit de près les bandes de quartier, adaptant les méthodes de la JOC à la vie des jeunes habitant les corons. « C’est de cette première mission d’Église, dit-il, que date toute ma vocation missionnaire. En effet, c’est là que j’ai commencé à sentir tout le fossé qui sépare l’Église de ce monde ouvrier, particulièrement des mineurs de fond ». Ainsi éprouva-t-il le besoin de « partager intégralement la vie ouvrière, d’abord par le travail ».
Manoël Dias dut séjourner deux ans, en 1950-1951, au sanatorium de Thorenc (Alpes-Maritimes). Il y connut, par l’intermédiaire du Frère André Léauté, les Petits Frères de Charles de Foucauld établis à Marseille et en Camargue (Bouches-du-Rhône). Plus tard, il allait retrouver l’un d’eux, Henri Marthien, dans l’équipe des prêtres-ouvriers de Roubaix. À Thorenc, il rencontra aussi Bob (Robert) Lathuraz*, alors séminariste, qui l’orienta vers la Mission de France. Il avait auparavant, en bon Boulonnais séduit par le large, pris contact avec le père Jean-Marie Butel, fondateur de la Mission de la Mer.
L’entrée à Lisieux (Calvados) correspondait à son objectif. Il avait déjà reçu les quatre premiers ordres mineurs lorsqu’il demanda, à la sortie du sana, son admission au séminaire de la Mission de France pour deux années d’études complémentaires, admission qu’il obtint non sans mal de son évêque, Mgr Perrin, grâce au père Jérôme Régnier, directeur du grand séminaire d’Arras. Il accomplit une année de formation à Lisieux, la dernière du séminaire de la Mission de France dans cette ville, puis une année encore à Limoges (Haute-Vienne), où le séminaire avait été transféré. À la fin de ses études, comme plusieurs autres membres de l’« équipe ouvrière », il préféra être envoyé au travail plutôt que de recevoir le sous-diaconat.
Arrivé dans la région de Lille en août 1953, il travailla trois mois aux usines Boussac de Marcq-en-Barœul et La Madeleine avant d’être recruté chez Albert Masurel et Cie, une filature roubaisienne qu’il ne devait plus quitter. Élu délégué du personnel et membre du comité central d’entreprise, il y mena de nombreuses actions pour sauvegarder l’emploi lors des fusions avec DMC et le groupe Révillon-Roudière.
Au début, il faisait équipe avec les prêtres-ouvriers diocésains de Lille-Wazemmes et de Roubaix, Bernard Tiberghien*, Gérard Lannoy et Sévère Cox*, en liaison avec les trois dominicains ouvriers d’Hellemmes ; il participait à leur vie d’équipe et à des réunions mensuelles. En mars 1954, après l’obligation faite par Rome aux prêtres-ouvriers, ainsi qu’aux séminaristes, de quitter l’usine, Manoël Dias décida, voulant se faire « totalement ouvrier », de continuer le travail tout en gardant la perspective du sacerdoce et l’espoir que les instances pontificales modifieraient leur attitude.
Il s’était aussitôt syndiqué à la CGT. Militant en vue, il devint secrétaire du Comité de coordination des syndicats des textiles CGT de Roubaix-Tourcoing-Vallée de la Lys, à une époque de mutations difficiles pour ce secteur industriel. Il assuma des responsabilités nationales comme membre du bureau de la Fédération Textile. Il collaborait alors à la Vie ouvrière et s’intéressait particulièrement aux combats menés contre les concentrations et la mise en place des grands groupes Prouvost, DMC, Willot, Boussac Saint-Frères. Il fit aussi partie du secrétariat du Comité régional CGT, œuvrant à la mise en place de nouvelles structures syndicales que nécessitaient la régionalisation et les grandes luttes de la sidérurgie et des mineurs.
Lors de l’installation du Comité économique et social de la région Nord Pas-de-Calais (CESR) en 1972, la CGT et la CFDT refusèrent d’y siéger, mais elles révisèrent leur attitude quatre ans plus tard. Manoël Dias y représenta sa confédération et il eut la responsabilité du groupe CGT pendant un quart de siècle, de 1976 à 2001. Longtemps président de la commission Aménagement du territoire, cadre de vie et transports, il présenta maintes fois les positions de la CGT à la tribune du CESR, devenu Conseil économique et social régional en 1992.
Militant du Mouvement de la paix dans le Nord dès septembre 1953, Manoël Dias exerça d’importantes responsabilités au sein de cette organisation qui l’accueillit dans son conseil national. Il avait participé en particulier aux campagnes unitaires lancées à Roubaix avec les mouvements familiaux, les syndicats et les jeunes contre la guerre d’Algérie. En septembre 1993, il fit partie d’une délégation de sa Fédération Textile auprès du Textile hongrois, et en février 1980, d’une délégation confédérale CGT chargée de discuter à Varsovie des relations économiques entre la France et la Pologne, avec notamment Bernard Cagne*, prêtre-ouvrier, dirigeant de la Fédération des métaux.
Depuis les années 1969-1971, alors que de nouvelles perspectives se dessinaient pour la formation des salariés, Manoël Dias se lança dans cette tâche qui lui valut d’autres responsabilités sur le plan national, en particulier comme président d’un OPCA - organisme paritaire collecteur agréé - couvrant sept branches (Textile, Habillement, Cuirs).
Il était garnisseur textile quand il se maria à Roubaix, le 8 juillet 1958, avec Hélène Soboczynska, soigneuse de continus à filer, dont les parents originaires de Basse-Silésie (Pologne) étaient venus travailler dans les mines de charbon d’Ostricourt (Nord). Fait chevalier en 1986 puis officier de la Légion d’honneur en 2001 « pour trente-trois années d’activités professionnelles et syndicales », il resta toujours en relation étroite avec les prêtres-ouvriers du Nord-Pas-de-Calais.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22684, notice DIAS Manoël, José, Francisco par André Caudron, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 25 octobre 2008.

Par André Caudron

SOURCES : Arch. de la Mission de France, Le Perreux. — Lettre aux stagiaires, Mission de France, juin 1953. — Alain Le Doaré, La naissance des prêtres-marins (1938-1955). Juxtaposition progressive de modèles missionnaires de l’Église catholique dans le monde maritime en France au XXe siècle, thèse de doctorat d’histoire sous la direction de Claude Geslin, Université de Rennes II, 1998. — Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule, Une histoire de la Mission de France. La riposte missionnaire 1941-2002, Karthala, 2007. — Entretien avec Manoël Dias et Gérard Maes, 6 novembre 1997. — Renseignements communiqués par l’intéressé, 16 septembre 2007.

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