DIEZ André, Philippe [dit Dédé le boiteux]

Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason

Né le 19 mai 1921 à Louviers (Eure), fusillé par condamnation le 28 août 1942 au stand de tir du ministère de l’Air à Paris (XVe arr.) ; étudiant en chimie ; militant communiste ; résistant.

Fils de Philippe Diez, ouvrier d’origine espagnole, et d’Antoinette, née Lepage, André Diez, titulaire de la première partie du baccalauréat, était étudiant en dernière année à l’Institut de chimie rue Pierre-Curie à Paris (Ve arr.). Veuve, sa mère se remaria avec Rondel avec lequel elle tenait un débit de boissons au 114 boulevard Robespierre à Poissy (Seine-et-Oise, Yvelines). André Diez habitait depuis son jeune âge chez Françoise Lepage, sœur de sa mère, au 6 rue Chevillard à Épinay-sur-Seine (Seine, Seine-Saint-Denis).
En 1939, il adhéra et milita à la Jeunesse communiste dont il était le responsable jusqu’en janvier 1942 à Aubervilliers (Seine, Seine-Saint-Denis). Tout en poursuivant ses études, il travailla comme aide-chimiste dans une entreprise de Saint-Denis. Il fut chargé de la liaison avec les étudiants. En avril 1942 il arrêta de suivre les cours à l’Institut de chimie, quitta Épinay, habita au 120 rue de Ménilmontant à Paris (XXe arr.) dans un logement prêté par Louis Ollivier qui se déplaçait en province. Il était alors membre du traingle de direction de l’UEC sur Paris, avec Léon Lavallée et Simon Djian.
Il fut repéré par les policiers des Brigades spéciales le 4 avril 1942 lors de filatures exercées sur d’autres résistants. La police de sécurité et du renseignement de la SS (Sipo-SD) signala aux Renseignements généraux André Diez comme terroriste le 17 avril 1942. Des inspecteurs de la BS1 exercèrent une surveillance au domicile d’Épinay du 7 au 13 avril, en vain... Les chutes de deux jeunes membres de l’Organisation spéciale, Julio Martin-Rodriguez d’Aubervilliers et Daniel Bret, permirent aux policiers de retrouver sa trace.
Handicapé lorsqu’il était jeune après une chute de vélo, d’où son surnom de Dédé le boiteux, le 18 juin 1942 il fut arrêté par des policiers de la BS1 après une course-poursuite rue de Ménilmontant où il avait rendez-vous avec Petiot, René Despouy et Jean Compagnon*. Son arrestation intervint dans le cadre de l’affaire Tintelin. Fouillé, il était porteur d’une somme de deux mille francs, de plusieurs listes de noms et de projets de tracts. Interrogé dans les locaux des Brigades spéciales, il était fortement soupçonné du fait de sa formation de chimiste de fabriquer des engins explosifs. Il nia toute participation à l’action armée au sein de l’Organisation spéciale. Agent de liaison des Jeunesses communistes, il travaillait plus particulièrement en direction des lycées.
Il resta quatre jours à la prison du dépôt de la préfecture de police, subit plusieurs interrogatoires où il fut certainement frappé. Incarcéré à la Santé, il comparut le 7 août 1942 devant le tribunal du Gross Paris qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.). Condamné à mort pour « actes de franc-tireur », il fut passé par les armes le 22 août au stand de tir du ministère de l’Air.
Sa mère témoigna devant la commission d’épuration de la police et porta plainte contre les inspecteurs qui arrêtèrent son fils, sa tante Françoise Lepage fit de même. En octobre 1944, la rue Chevillard porta le nom d’André Diez, la cérémonie était présidée par Joanny Berlioz, dirigeant du Parti communiste, maire d’Épinay de 1945 à 1947. À Saint-Denis, un centre de loisirs porte le nom d’André Diez.
Le ministère des Anciens Combattants attribua la mention « Mort pour la France » à André Diez, il fut homologué sous-lieutenant FFI.

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Dernières lettres
 
[Sans date]
Mon : vieux Charlot, . . .
Je t’écris ceci à part, car il ne faut pas le montrer à ma tante et à maman.
Les trois premiers interrogatoires que j’ai subis ont été drôlement durs. Le premier, c’était le 18 juin au soir : trois heures d’interrogatoire, le second le 19 au matin (encore trois heures) et le troisième le 19 au soir (à peu près quatre heures).
Je t’assure assure que pendant. ce temps-la, ils m’ont laissé aller quelque chose : coups de poings, de pieds, de genoux, me renvoyant de l’un à l’autre, coups de matraque sur la nuque. J’ai eu le .nez bouché pendant huit jours et les mâchoires en capilotade, que je pouvais à peine bouffer. A un certain moment, ils m’ont tenu à deux et un grand malabar m’a envoyé par terre d’un coup de poing dans l’estomac.
J’étais k.-o. Ils m’ont relevé par les oreilles, renvoyé de l’un à l’autre en s’arrangeant pour me lancer des coups de genoux dans ma jambe malade, cogné
la tête dans le mur en me tenant par les cheveux.
Ils m’ont promis les nerfs de bœuf, les machines à serrer les poignets et les chevilles pour m’impressionner, mais ils n’ont pas été jusque-là, ce qui ne prouve d’ailleurs pas qu’ils ne le feront pas.
Enfin, je n’ai pas parlé, ainsi que les quatre-vingt-deux copains arrêtés ce jour-là. Aussi ça les a mis en rage et ils ont esquinté littéralement deux copains qui ont été trois jours dans le cirage.
Depuis quinze jours j’ai été tranquille ; pas de coups, seulement trois interrogatoires où l’on m’a fait asseoir dans un fauteuil et où j’ai défendu à fond la politique du Parti. Aussi, j’ai eu le temps de me remettre. Je ne me ressens plus de mes coups.
Alors tu penses que lorsque -je sortirai, je serai plutôt méchant... Qu’est-ce que je leur laisserai .aller ! .. . . .
Enfin, j’ai du courage comme tous mes
Ils peuvent tout faire, je n’en dirai pas plus long. -
André
 
La Santé, le 22 août1942
10 h. du matin
Très chers parents,
C’est une bien mauvaise nouvelle pour vous que je viens vous annoncer aujourd’hui. Ma petite maman chérie ; il va te falloir beaucoup de courage. Je suis certain que tu en auras autant que moi. J’ai été condamné à mort le 7 août après un procès qui dura du 28 juillet au 7 août. Je vais être fusillé tout à l’heure, à midi.
En ce moment, nous sommes rassemblés autour d’une table ; nous écrivons, nous mangeons, nous. fumons.. Je n’aurai que le regret de ne pas vous avoir vus avant de mourir et de ne pas recevoir un bon petit colis, comme j’en recevais au dépôt.
Ma petite maman, encore une fois, beaucoup de courage. J’écris en même temps à Epinay. Je veux que tu consoles ma tante et que tu prennes soin de ses vieux jours.
Mon pauvre papa, je pense que tu peux être fier, de ton fils, il est toujours aussi courageux.
Ma petite Denise, sois toujours. gentille avec maman. C’est toi désormais qui me » remplaceras auprès d’elle.
Je suis heureux de penser, maman chérie, que ton avenir est assuré ; je te dis que si tu avais été seule j’aurais eu beaucoup de peine.
Au greffe de la P.J., J’ai 2.000 francs sous scellés ici j’ai 635 francs Je voudrais que cet argent fût remis à ma tante et à Louis.
Ma petite maman, on nous amène a manger ; au moins, nous mourrons sans avoir faim, c’est copieux.
Ma petite maman chérie, adieu, adieu papa, Denise, grand’mère et tout le monde
Je vous aime et vous embrasse de tout mon cœur.
Surtout maman, du courage, pense que je ne suis pas le seul.
Bons baisers
Ton fils ANDRÉ

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22720, notice DIEZ André, Philippe [dit Dédé le boiteux] par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason, version mise en ligne le 3 mars 2015, dernière modification le 28 avril 2021.

Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo. BS1 GB36, 77W 290, 1W 0889, KB 18. – Mémorial GenWeb. – Lettres de fusillés, Éditions France d’abord, 1946, p. 65-66. – Rapport de Léon Lavallée sur l’UEC en 1940-1942, communiqué par Jacques Girault. – Notes de Claude Pennetier. – État civil.

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