Par Jean Maitron, Claude Pennetier
Né le 1er avril 1889 à Moulins-Engilbert (Nièvre), mort le 5 octobre 1968 à Coulaures (Dordogne) ; employé aux PTT ; militant socialiste et surtout syndicaliste ; secrétaire général du syndicat des Agents des PTT dès 1919, membre de la commission administrative de la CGT en juillet 1921 (congrès de Lille) ; membre titulaire du Conseil national économique (1925-1928).
Le 25 mars 1902, Léon Digat entra à l’administration des Postes. Il habita tout d’abord Versailles (Seine-et-Oise). Il vécut ensuite à Paris, toujours dans le XVIe arr., successivement 13 rue Gros, puis, en 1918, 38 rue des Perchamps, enfin en 1945, 96 avenue de Versailles.
Léon Digat participa à l’action du Parti socialiste SFIO auquel il adhéra en 1905 comme membre de la 16e section. En 1930, il appartint à la Commission exécutive de la Fédération de la Seine. Atteint d’une paralysie de la main droite, il avait été exempté de service militaire et il ne participa donc pas à la guerre 1914-1918. Le 16 décembre 1915, au cours d’une réunion publique du Parti socialiste, il aurait déclaré que « la guerre actuelle était non une guerre en faveur du Droit et de la Justice, mais une guerre de conquêtes » et il reprocha à la Social-Démocratie allemande de n’avoir rien fait jusqu’alors pour réunir un congrès international et de ne pas respecter les décisions prises dans les congrès internationaux. Il termina son exposé en réclamant une paix honorable, l’instauration d’un tribunal d’arbitrage international et la fin de tous les militarismes (Arch. Jean Maitron).
En 1917, toujours au cours d’un meeting du Parti socialiste, tenu le 29 avril, il souhaita une unité de vue au sein du Parti et la reprise des relations internationales attendu que « c’est une guerre de capitalistes que subit actuellement la classe ouvrière » (idem).
Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, Léon Digat demeura fidèle à ces vues et, en 1930, il se déclarait toujours partisan du désarmement général et préconisait une action socialiste internationale en faveur du désarmement moral des peuples, manifestant toutefois son scepticisme sur le résultat d’une telle action, la classe ouvrière étant de plus en plus divisée ce qui était une cause du non-développement de l’idée de paix et il voyait à l’origine de cet état de choses la scission de Tours provoquée, selon lui, par les communistes. Il était contrôleur adjoint à Paris RP quand il fut nommé membre du conseil général des PTT par arrêté du 9 juin 1941. Ce mandat fut confirmé le 27 août 1943. Le 24 novembre 1946, Léon Digat fut élu « grand électeur » du Parti SFIO dans le XVIe arr.
Mais Digat fut avant tout un syndicaliste : réformiste certes mais partisan résolu de l’unité ouvrière. Il participa à nombre des treize congrès nationaux de la CGT de la période 1918-1939 en qualité de délégué de la Fédération Postale, à l’exception du XVIIIe, Paris, août 1925 ; du XIXe, Paris, juillet 1927 ; du XXIIe, Paris, septembre 1933 ; du XXIVe, Toulouse, mars 1936 ; du XXVe, Nantes, novembre 1938. Il participa bien entendu aux congrès de la Fédération Postale.
En juin 1920, il appartint au nouveau bureau fédéral en qualité de secrétaire général avec pour adjoints Lartigue et Tournadre, et Soupizé comme trésorier.
Lors du IIe congrès de la Fédération nationale des Travailleurs des PTT qui se tint à Paris, du 15 au 18 juin 1921, il se prononça contre l’adhésion à l’ISR (159 voix contre 129, le nombre des délégués étant de 350). Secrétaire fédéral en 1924, secrétaire du Cartel des Services publics en 1925, il était toujours secrétaire général du syndicat national des Agents des PTT lors du congrès qui se tint les 27 et 28 juillet 1936, assisté de Fernand Garcin* secrétaire général adjoint chargé du journal PTT et de Jean Cayla* secrétaire administratif et trésorier général. Ce syndicat, fondé en 1918, comptait alors environ 39 500 adhérents.
Très attaché à l’unité syndicale, Léon Digat intervint souvent sur ce thème : au cours de réunions, de congrès de la CGT ou de la Fédération Postale (en juin 1921 : L’Orientation syndicale, 34 p. s.d.), de conférences (L’Unité syndicale, 1925, 32 p.) ; par brochures (Pour l’unité syndicale, Édition du Syndicat national des Agents PTT, 1935), etc.
En 1921, membre de la CA de la CGT, il s’exprima ainsi en juillet au XVIe congrès tenu à Lille dans le débat sur l’orientation syndicale : (cf. p. 191-207). S’étant affirmé pour l’unité nationale et internationale, « le but que je poursuis dans cette intervention, indiquait-il, est de battre les partis politiques, tous, y compris le Parti communiste, et de faire triompher le syndicalisme ». Et il souhaitait que le prolétariat « acquière dans les syndicats, cette capacité politique et économique qui lui permettra demain, non seulement de dénoncer verbalement le régime bourgeois, mais de réaliser l’acte révolutionnaire dans le domaine économique, le seul qui importe ».
Deux ans plus tard, au cours du XVIIe congrès CGT tenu à Paris (30 janvier-2 février), dans le débat sur l’unité, très hostile à Moscou, Digat affirma : (cf. p. 66 du compte rendu) « ce qui m’angoisse, ce qui m’étreint, ce n’est pas la division du mouvement ouvrier de ce pays en CGT régulière et en CGTU, ce qui m’angoisse, ce qui m’étreint, c’est la scission de la classe ouvrière avec les organisations syndicales ». Et contre le front unique au sommet, il préconisait « l’unité [...] à la base ».
Répondant à une enquête sur l’unité syndicale lancée dans La Révolution prolétarienne (cf. n° 8, août 1925), il s’exprimait ainsi : « Si j’affirme que le syndicalisme représente par rapport aux doctrines des partis "une avance d’idées", je dois déclarer que la scission syndicale représente “un retard”. » Et il s’affirmait donc pour l’unité mais contre l’unité réalisée au seul sommet national qui est « une duperie parce que l’unité nationale n’est pas l’unité ouvrière. Celle-ci doit être, ne peut être qu’internationale. C’est d’ailleurs la scission internationale réalisée par des “gouvernants” qui a provoqué la scission dans les mouvements nationaux ». Et il s’affirmait contre le front unique qui contrarie l’unité organique, pour l’unité à la base « tendant à développer l’esprit d’initiative des travailleurs et les incitant à réaliser dès maintenant leur unité corporative ».
Toujours favorable à l’unité syndicale, Léon Digat participa en novembre 1930 au « Mouvement des 22 » (voir B. Bour* et M. Chambelland*) animé par des militants unitaires, confédérés et autonomes. Dans le Cri du Peuple du 1er juillet 1931 qui reproduit sa déclaration devant la conférence nationale des partisans de l’unité syndicale tenue le 28 juin, il s’y définissait ainsi : « Je suis réformiste, c’est vrai. Mais je ne considère pas le réformisme comme une fin. Je le considère comme un moyen. Je suis de ces réformistes qui pensent qu’il faut arracher des améliorations au régime mais ne jamais signer un pacte avec lui » et il affirmait à nouveau : « l’unité syndicale s’impose ».
Ainsi donc, tout au long d’une vie, et durant un demi-siècle, Léon Digat, militant réformiste, se montra soucieux de l’unité ouvrière, une unité effective, celle réalisée à la base et par les masses.
Il s’était marié à Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) le 31 juillet 1934 et était père d’une fille.
Par Jean Maitron, Claude Pennetier
ŒUVRE : La Faillite d’une politique, 1922 (brochure).
SOURCES : Arch. Nat. F7/13016, F7/13803 et F7/13804. — Arch. PPo. 307. — L’Humanité, 9 juin 1920. — Le Peuple, 15 juin 1920, 16-19 juin 1921, 6 octobre 1924. — La France Libre, mars 1924. — Congrès nationaux de la CGT et congrès fédéraux. — Le Cri du peuple, 1er juillet 1931. — La Révolution prolétarienne, décembre 1931. — État civil de Moulins-Engilbert.