DOBRENINE Jean [DOBRENINE Joseph, dit]

Par Lynda Khayat

Né le 24 septembre 1909 à Paris (Xe arr.), mort le 2 décembre 1998 à Paris (Xe arr.) ; ajusteur, rédacteur au Ravitaillement général, réceptionnaire en usine ; militant communiste ; syndicaliste de la métallurgie ; résistant ; secrétaire de section ; membre de la commission des cadres du PCF.

Fils aîné d’une famille de trois enfants, dont les parents, originaires de Byków, avaient quitté la Russie dans les premières années du XXe siècle pour fuir la misère et les pogroms antisémites, Jean Dobrenine vécut son enfance dans le XVIIIe arr. de Paris, d’abord rue Labat, avant que sa famille ne s’installât en 1916 dans un logement, rue des Poissonniers, alors que son père, Berko Dobrenine, travaillait comme tailleur et que sa mère, Rachel née Grossmann, s’occupait des soins du ménage. En décembre 1925, il acquit ainsi que ses deux sœurs la nationalité française par déclaration. Titulaire du brevet élémentaire, il commença à travailler, « poussant des charrettes pleines de pièces de bronze, des Forges du canal aux Ateliers des Buttes Chaumont ». Il effectua, en 1930, son service militaire dans l’aviation. Il suivit ensuite des cours du soir et devint ajusteur, employé à la fabrication de pièces d’avions.
Ce fut au lendemain de la manifestation des ligues factieuses du 6 février 1934 qu’il adhéra au PCF ; ses parents et ses deux sœurs étaient, selon ses dires, sympathisants communistes. Jean Dobrenine se syndiqua la même année, côtoyant Jean-Pierre Timbaud* dans les grands meetings qui conduisirent au Front populaire. Il se maria avec Rosa Gourevitch, militante communiste, avec qui il eut une fille prénommée Micheline. En 1937, il devint secrétaire de la section syndicale Lioré-Olivier affiliée au syndicat des métaux CGT. Un an plus tard, il considérait la signature des accords de Munich comme un recul patent devant les exigences d’Hitler. Employé aux usines aéronautiques Farman de Boulogne-Billancourt, il fut alors licencié en raison de son activité politique. Il reprit à nouveau ses études et, en 1939, réussit le concours de contrôleur de l’aviation. La même année, Jean Dobrenine approuva le Pacte germano-soviétique, en raison de la confiance entière qu’il conservait en l’URSS ; il considérait aussi que cette signature aurait pu endiguer la guerre.
Après l’interdiction du PCF en septembre 1939, il reprit contact avec ses camarades des usines Farman et Renault, puis à partir de l’été 1940, sous le pseudonyme de Jean, il participa, sous la conduite de René Poirot* et de Marcel Mugnier*, à la constitution de comités populaires au sein des usines métallurgiques de Boulogne-Billancourt, étant devenu l’un des responsables de ceux de la SNCASO et de Kellner. Ces comités populaires exigeaient notamment la réouverture des usines fermées au moment de l’exode, avec pour conséquence la mise au chômage de leurs employés. Les tracts distribués clandestinement réclamaient une production de paix correspondant aux besoins du pays, refusant les fabrications de guerre destinées à l’envahisseur nazi. À plusieurs reprises, Jean Dobrenine prit la parole aux portes des usines de Boulogne-Billancourt. Ni lui, ni les membres de sa famille ne se firent, semble-t-il, recenser comme juifs en octobre 1940.
Militant du Secours populaire avant la guerre, il reprit, dans la clandestinité, son activité, à partir de juin 1941, collectant des fonds pour soutenir les familles de militants emprisonnés. Son domicile servait de lieu de réunions à ses camarades Auguste Gillot* et Auguste Havez*. À la même époque, il participa à la création et à l’activité clandestine des groupes du Front national des Ier, IIe, Xe, XIXe arr. de Paris, placés sous le contrôle entre autres d’Auguste Gillot. Il s’occupa de tirer des tracts qui, distribués dans ces quartiers, appelaient à la lutte contre l’occupant. Après l’arrestation d’Auguste Havez en mars 1942 et le départ dans l’Eure d’Auguste Gillot en mai de la même année, il changea de logement par mesure de sécurité. Réfractaire au Service civil national du travail, il passa dans l’illégalité ; il hébergeait alors à son domicile clandestin Marcel Mugnier au cours de ses passages à Paris. En novembre 1942, il devint responsable des groupes du Front national constitués dans le quartier Saint-Louis (Xe arr.), assurant la diffusion de divers journaux clandestins du Parti communiste.
En août 1944, il participa à la Libération de Paris avec les groupes armés du FN qu’il contribua à constituer et qui furent incorporés au bataillon La Marseillaise (caserne Valmy). Prenant part à l’insurrection dans le Xe arr. (barricade du passage Reilhac), il participa aux combats qui permirent la prise de la mairie. Artisan de la reconstitution de la section légale du Xe arr., il suivit dès le début de l’année suivante les cours de l’école régionale Paris-ville du PCF.
Dès la Libération, Jean Dobrenine travailla au ministère du Ravitaillement dirigé par Yves Farge*, puis au cabinet du ministre de l’Air, Charles Tillon*. Il s’installa avec sa femme, sténodactylo, et sa fille, au 142 de la rue du faubourg Saint-Denis à Paris (Xe arr.). Employé ensuite comme rédacteur au Ravitaillement général, il était secrétaire adjoint du syndicat des agents et des employés du Ravitaillement de la Seine (Fédération des fonctionnaires), tout en continuant à militer au MUR, au Secours populaire et à France-URSS. En 1946, membre du bureau de la cellule locale 1476, Jean Dobrenine était responsable à l’organisation au sein du secrétariat de la section du Xe arr. (Magenta). Henri Lacoste, secrétaire de section, le considérait comme un « camarade qui est le meilleur dans la section du Xe, tant par son dévouement que par son sens de l’organisation et sa grande capacité de travail, infatigable ».
Après avoir été licencié du service du Ravitaillement, il occupait, en 1950, un emploi de réceptionnaire dans une usine métallurgique, tout en exerçant les fonctions de secrétaire de la section du Xe arr. Maurice Thorez*, ayant décidé de faire de lui l’un des collaborateurs de la commission des cadres, il fut proposé en remplacement de Saudmont à la SMC, comme adjoint de Marcel Servin (décision prise en janvier 1950). Il travaillait et recevait les militants à son bureau, situé au dernier étage de la rue Le Pelletier. Quelques mois plus tard, il publia, dans les colonnes de l’Humanité, une contribution pour la préparation du XIIe congrès du PCF, intitulée : « À bas le dilettantisme », expliquant qu’il ne pouvait y avoir deux catégories de communistes : « ceux qui disent et ceux qui font ». Convoqué par Maurice Thorez, croyant être tancé, il fut au contraire, semble-t-il, encouragé dans cette démarche. Membre du Comité national France-URSS, il fut réélu à cette fonction au cours du congrès de cette organisation en 1957. À partir des années soixante, il s’engagea aux côtés des dirigeants en France du Parti communiste portugais clandestin, et tout particulièrement d’Álvaro Cunhal, son secrétaire général.
Jusqu’en 1994, Jean Dobrenine venait, tous les matins, place du Colonel Fabien, où il continuait à s’intéresser aux questions de société et au Parti portugais. Il décéda à l’hôpital Lariboisière à Paris (Xe arr.) ; ses obsèques eurent lieu à Bouffémont (Val-d’Oise), le 9 décembre 1998.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22771, notice DOBRENINE Jean [DOBRENINE Joseph, dit] par Lynda Khayat, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 18 février 2022.

Par Lynda Khayat

SOURCES : Fonds Jean Dobrenine, Arch. dép. de Seine-Saint-Denis (359 J), inventaire en ligne. — Arch. Nat. Natural. BB11 301 X 26 Dobrenine Joseph, BB11 39961 X 27 Gourevitch Bernard. — AD 93, archives PCF, Secrétariat du 17 janvier 1950. — Allocution de Dominique Touraine aux obsèques de Jean Dobrenine. — Roger Pannequin, Adieu camarades, Le Sagittaire, 1977, p. 120-121 (notes de Claude Pennetier).

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