DOEBLÉ Victor, Étienne, Stéphane

Par Étienne Kagan, Claude Pennetier, Pierre Schill

Né le 24 février 1890 à Sarralbe (Lorraine annexée), mort le 24 juin 1967 à Sarrebruck (Sarre, Allemagne) ; ouvrier métallurgiste ; syndicaliste CGT de Moselle ; député communiste de Forbach.

Victor Doeblé prononçant un discours lors d’un meeting à Sarreguemines (Moselle) en 1934
Victor Doeblé prononçant un discours lors d’un meeting à Sarreguemines (Moselle) en 1934
Collection Pierre Schill

Victor Doéblé était fils de François Doeblé, ouvrier aux salines de Sarralbe, et de Catherine née Bruck. Le grand-père paternel de Victor Doeblé, Antoine, était tisserand à Sarralbe (Moselle) et son grand-père maternel, Joseph Bruck était lui aussi ouvrier. Benjamin d’une famille de six enfants, Victor Doeblé (et non Stéphane, mauvaise francisation de l’allemand Stefan ou Stephan) devint orphelin de père à l’âge de huit ans. Il habita alors chez sa tante Christine Doeblé qui était couturière à Sarralbe. Il fréquenta l’école communale et la Mittelschule (l’équivalent du collège en France) de Sarralbe. Il quitta ensuite sa ville natale pour Hayange (Moselle) où il débuta sa vie professionnelle dès l’âge de quatorze ans comme ouvrier métallurgiste chez de Wendel. Marié avec Anne née Adam (1890-1954) dont il eut cinq enfants, Victo Doéblé se remaria, le 27 novembre 1956 à Metz (Moselle), avec Maria née Ferdinand.

À la fin de la Première Guerre mondiale il milita dans les rangs syndicaux du Syndicat des métaux CGT. En mars 1920 il était secrétaire de la section des métallurgistes CGT de la vallée de la Fensch.

Le 3 février 1921 il participa à Thionville (Moselle) à un rassemblement d’une trentaine de militants du Parti socialiste. Il protesta notamment contre les tentatives gouvernementales de dissolution de la CGT.

Il anima le 27 avril 1921 à Stiring-Wendel (Moselle) et Forbach (Moselle) trois réunions publiques organisées par le Syndicat des mineurs au cours desquelles il regretta la désorganisation du mouvement ouvrier. Le lendemain, à l’initiative de l’union locale du Parti communiste, il anima un nouveau rassemblement de cent cinquante personnes à Forbach au cours de laquelle il exhorta les ouvriers à se mobiliser pour les manifestations du 1er mai.

Victor Doeblé assista au congrès départemental du Parti communiste qui eut lieu les 8 et 9 octobre 1921 à Merlebach (Moselle). Entre cinquante et soixante délégués représentaient l’ensemble des communistes mosellans. Il fut élu lors de la deuxième journée du congrès pour représenter le département au prochain congrès national de Marseille.

Il participa activement à la grève de huit semaines qui toucha les houillères mosellanes entre le début du mois de février et le début du mois d’avril 1923. Il anima notamment plusieurs réunions publiques organisées par les syndicats CGTU de mineurs.

Candidat aux élections législatives du 11 mai 1924 en Moselle sur la liste du « Bloc Ouvrier Paysan » présentée par le Parti communiste. La liste obtint une moyenne de 26 289 voix contre 57 620 voix, pour 113 434 suffrages exprimés, 114 880 votants sur 137 994 électeurs inscrits, pour la liste de droite de l’Union républicaine lorraine qui remporta les élections.

En 1926 un « comité antifasciste » fut fondé à Metz (Moselle). Victor Doeblé y participa aux côtés de représentant mosellan de la SFIO ou de la Ligue de la République. La création de cette structure montrait la volonté des communistes de mener des actions communes avec les forces progressistes.

L’année 1927 fut marquée par de nombreuses actions en faveur des mineurs de Lorraine.

À l’occasion du 1er mai 1927, il anima une réunion à Amnéville (Moselle). Le 27 mai 1927 il exigea, lors d’une réunion devant cent personnes à Hagondange (Moselle), que la rationalisation du travail dans les mines se fasse sans diminution de salaires et avec une réduction de la durée du travail.

Du 16 au 22 novembre 1927 une grève générale toucha les Houillères de Petite-Rosselle (Moselle) notamment pour des désaccords entre la direction et les mineurs sur l’organisation du travail. La grève fut déclenchée par le Syndicat des ouvriers mineurs (CGTU) après que quarante-quatre mineurs, avec à leur tête Joseph Fousse, ont été licenciés par la direction pour avoir refusé de participer à la nouvelle réglementation de la descente. Il anima, avec Lucien Witz, Henri Luxemburger et Mathieu Philippi, le comité chargé d’organiser la grève. Il participa, à ce titre, à l’entrevue de conciliation qui eut lieu le 17 novembre 1927 à la sous-préfecture de Forbach. Le lendemain, toujours à Forbach, devant environ deux cents personnes, il critiqua durement la presse du bassin houiller et Guy de Wendel. Il indiqua vouloir porter devant les tribunaux l’affaire des quarante-quatre ouvriers licenciés pour faits de grève. Il participa, tout au long du conflit, à plusieurs réunions publiques de soutien aux mineurs. Le comité de grève vota la reprise du travail dans la soirée du 21 novembre. Cette grève se solda par un échec s’expliquant par l’importance du stock de charbon dont disposait la houillère, la division syndicale et la volonté de la direction des houillères de Wendel de ne discuter des licenciements qu’après la reprise du travail.

En 1928 il fut élu député communiste de la circonscription de Forbach avec l’étiquette du Bloc ouvrier et paysan. Victor Doeblé arriva en tête au premier tour avec 32,9 % des suffrages exprimés (3 861 voix) devant le curé de Petite-Rosselle, Ernest Sorne candidat de l’Union républicaine lorraine (droite), qui obtint 30,2 % (3 551 voix). Le candidat autonomiste Victor Antoni obtint le très bon score de 20 % des électeurs inscrits (2 350 voix).

Il fut élu, de justesse, au second tour par 5 111 voix contre 5 066 voix à son adversaire de droite, l’abbé Sorne, soutenu par les deux journaux du bassin houiller, le Forbacher Bürger Zeitung et le Journal de Forbach. C’est le maintien du candidat autonomiste Victor Antoni qui permit cette courte victoire : celui-ci grappilla encore plusieurs centaines de voix catholiques qui firent défaut à l’abbé Sorne. Une partie des électeurs autonomistes votèrent en faveur du candidat du Parti communiste qui défendait certaines de leurs positions.

Le divorce entre Victor Doeblé et le Parti communiste au début des années 1930 s’expliquerait entre autre par sa sensibilité patriotique qui aurait été heurtée par les thèses séparatistes alors défendues par les communistes. Le député de Forbach prenait dès lors le risque de prendre à contre-pied une partie de ses électeurs.

Durant ses mandats parlementaires il fut membre des commissions suivantes : des Mines et de la force motrice ; du Travail ; des pensions civiles et militaires ; d’Alsace-Lorraine ; des Régions libérées. Il intervint de nombreuses fois à la Chambre entre 1928 et 1936 en faveur des mineurs de la Moselle mais aussi en faveur des mineurs des mines de potasse d’Alsace et des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais.

Il fut le principal orateur d’une réunion organisée par les communistes le 21 avril 1929, en pleine campagne pour les élections municipales. Devant une centaine de mineurs, il critiqua la présence de l’encadrement des Houillères de Wendel à la municipalité de Stiring-Wendel qui venait de céder pour un prix jugé modique un terrain communal aux Houillères de Petite-Rosselle, propriété de « sa majesté De Wendel ». Il demanda le remplacement du conseil municipal par un autre où les ouvriers auraient leur place. Il réclama aussi des congés payés pour les ouvriers. Il fit l’éloge de la liste « des ouvriers et paysans » qui travaillera dans l’intérêt des masses laborieuses alors que « l’action politique de la liste bourgeoise sera toujours liée à la firme de Wendel ».

Après son élection à la Chambre il quitta Metz pour s’installer dans le bassin houiller, devenu l’épicentre de son activité politique. En mai 1929 il fut candidat aux élections municipales de Forbach (Moselle) et fut élu au second tour en obtenant 975 voix sur 1 939 suffrages exprimés.
Il prononça un discours au café de Londres à Metz, devant 120 personnes, à l’occasion des manifestations organisées par l’Internationale communiste le 1er août 1929 « contre la guerre impérialiste et pour la défense de l’Union soviétique ».

Il fut, avec Marcel Kirschet Thomas Olszanski, un des orateurs de la réunion organisée par la CGTU à Petite-Rosselle, le 6 novembre 1929. Environ cent soixante-dix personnes étaient venues de Vieille-Verrerie, un quartier de Petite-Rosselle, et de la cité Wendel, écouter les orateurs communistes. Il annonça la tenue de réunions hebdomadaires au même endroit.

Victor Doeblé fut le principal orateur d’une réunion ayant rassemblé cent cinquante personnes, le 9 janvier 1930, à Vieille-Verrerie. L’essentiel du discours du député communiste porta sur l’épineuse question du rattachement, sur décision gouvernementale, de la caisse de retraites d’Alsace-Lorraine à la caisse autonome de retraites « de l’intérieur ». Il reprocha notamment à l’institution française son comité composé à part égale de représentants gouvernementaux, patronaux et ouvriers : « ce qui empêche d’avance toute possibilité de majorité aux ouvriers ». Il protesta également contre la volonté gouvernementale de dissoudre la Caisse des invalides de Strasbourg. Après l’accident du puits Saint-Charles, et dans ce contexte passionné, il attaqua violemment la famille de Wendel : « si de Wendel n’existait pas, les puits marcheraient quand même ». Il se plaint du faible nombre de mineurs qui assistaient aux réunions convoquées par les « organisations » : « C’est un argument sur lequel s’appuie la direction pour refuser toute augmentation de salaires ». Il évoqua sa proposition de loi visant à revaloriser le montant des retraites des mineurs. Lorsque le militant de la CGTU, Joseph Bier voulut empêcher le secrétaire de l’UGB (Unabhängiger Gewerkschaftsbund, Fédération des syndicats indépendants, chrétiens), Nicolas Meyer de parler en prétextant le faible nombre de militants chrétiens présents à la réunion, les autres orateurs, dont le député communiste, regrettèrent cette volonté de censure et de division qui ne faisait, d’après eux, que renforcer le patronat.

Il participa le 12 janvier 1930 au congrès des mineurs CGTU à Forbach qui rassembla environ deux mille personnes.

Il assista, avec le député alsacien Henri Meck, proche de l’UGB, le 26 janvier 1930 à Petite-Rosselle à une réunion d’environ deux cents personnes. La réunion convoquée par l’UGB portait une nouvelle fois sur le rattachement de la caisse locale de retraites à la Caisse autonome française.

Après un discours de Meck qui s’opposait à ce rattachement, Victor Doeblé, « en termes plus violents » adopta la même position. Il menaçait de recourir à la grève si les autorités ne renonçaient pas à leur projet de fusion. L’union avec les chrétiens étonna l’observateur de la direction des houillères qui rendit compte de cette réunion.

Le 1er février 1930, il signa un article dans le Klein-Rosseler Kumpel, le journal des mineurs de charbon communistes, pour protester contre les positions exprimées par Henri Meck dans le Lothringer Volkszeitung à propos de la réforme de la caisse de secours minière.

Il prit part, le 16 février 1930 à Merlebach (Moselle), à la réunion de quatre-vingt-dix délégués mineurs, dont soixante de la CGTU et trente pour l’UGB, la CGT et les « inorganisés ». Les délégués passèrent en revue la situation des Houillères de Lorraine, celle de la soudière Solvay à Sarralbe (Moselle), des mines de potasse d’Alsace et de l’entreprise pétrolifère de Pechelbronn (Bas-Rhin).

Le 23 février 1930, il fut principal orateur d’une réunion organisée par la CGTU Forbach. Devant 250 à trois cents personnes il appela les mineurs à se mobiliser en vue du mouvement de grève prévu au début du mois de mars 1930, au moment du congrès des mineurs CGTU à Forbach. Il attaqua le député Henri Meck à propos de ses interventions à la Chambre où il se comporterait comme un « piètre défenseur des masses populaires ». Il revint enfin sur son opposition au projet gouvernemental de rapprochement des caisses locale et nationale de retraite, le seul point de convergence avec le député alsacien.

Il participa à une réunion organisée à Metz par la CGTU le 13 avril 1930. Le rassemblement concernait une cinquantaine de délégués de toutes les catégories de travailleurs. Il regretta notamment l’échec en Moselle de la journée nationale d’action du 6 mars.

Le 1er juin 1930 il s’exprima devant quatre-vingt-une personnes rassemblées à Forbach par la CGTU et le Parti communiste. Les intervenants lorrains, Jacques Laval et Marcel Kirsch accueillirent le parisien Joanny Berlioz et un représentant du Secours rouge international.

Il mena, avec Henri Meck, une réunion de trente-cinq mineurs (essentiellement des retraités), le 26 juin 1930 à Marienau (Moselle). La réunion portait sur le rattachement de la caisse de retraite des mineurs à la caisse autonome de France : les mineurs craignaient que cette réforme entraîne une hausse de cotisation.

Le 24 octobre 1930, il fut, avec Joseph Fousse, Jacques Laval et Ehrlich présenté comme le « délégué de la Russie », le principal orateur d’une réunion organisée à Petite-Rosselle par la CGTU. La réunion rassembla environ cent vingt personnes et se déroula juste après une réunion organisée par l’UGB.

Il intervint, avec le secrétaire des invalides du travail, Victor Klein et Jacques Laval, lors du rassemblement des mineurs retraités du 1er mars 1931 à Forbach. Environ cent cinquante hommes et quinze femmes étaient rassemblés à l’initiative de la CGTU.

Il fut l’un des principaux orateurs s’exprimant devant cent cinquante délégués de l’ensemble du bassin houiller lorrain rassemblés le 29 mars 1931 à Merlebach (Moselle) par la CGTU. Le jour même il anima un autre rassemblement organisé par la CGTU à Grande-Rosselle (Sarre, Allemagne). Il informa les mineurs sarrois des houillères lorraines que la grève initialement prévue le lendemain venait d’être reportée par le congrès des délégués de Merlebach.

Il assista à une nouvelle réunion de cent dix délégués CGTU le 6 avril 1931 à Merlebach. Par 48 voix contre 2 les délégués décidèrent de fixer la grève au vendredi 10 avril. Il rendit compte au cours de cette réunion de son déplacement dans le Nord et le Pas-de-Calais. La CGTU l’avait mandaté pour avoir un aperçu sur la situation des houillères en grève.

Victor Doeblé participa, le 8 avril 1931 à Forbach, à la réunion d’une quinzaine de secrétaires de la CGTU du bassin houiller qui se retrouvèrent pour discuter du mot d’ordre de grève lancé lors de la précédente réunion. La grève prévue le 10 fut finalement annulée en raison de la faible mobilisation des mineurs et du refus de la CGT et de l’UGB de suivre l’action lancée par la CGTU.

Le 12 avril 1931 à Forbach, il intervint lors de la réunion rassemblant une vingtaine de délégués de la CGTU représentant les travailleurs des mines, de la métallurgie ou des chemins de fer. La réunion portait sur les modalités d’organisation des manifestations du 1er mai. Dans un contexte de faible mobilisation ouvrière, le député communiste craignait d’ouvrir la voie à un trop mince cortège de mineurs. Il insista pour relancer la mobilisation par voie de tracts.

Entre la fin du mois de mars et le début du mois d’avril 1931, il fit un déplacement dans le bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais. Envoyée par la CGTU, la délégation lorraine qu’il dirigeait, devait avoir un aperçu sur le mouvement de grève lancé à l’initiative de la CGTU.

Le 20 juillet 1931, la CGTU organisa un rassemblement de quatre cents mineurs à Stiring-Wendel (Moselle). Victor Doeblé fut avec Mathieu Philippi* l’un des intervenants. Le 26 juillet 1931, il anima la réunion de trente-cinq secrétaires de la CGTU à Forbach.

Le 4 octobre 1931, il intervint lors d’une réunion communiste à Stiring-Wendel. Une cinquantaine de personnes s’étaient déplacées. L’après-midi du même jour il intervint à Petite-Rosselle devant une quarantaine de personnes. Ces réunions s’inscrivaient dans le cadre de la campagne électorale des élections cantonales. Il fut en effet candidat aux élections cantonales des 18 et 25 octobre 1931 dans le canton de Forbach. Il fut battu au second tour par l’industriel Louis Couturier et obtint 3 513 voix sur 7 636 suffrages exprimés pour 7 871 votants et 10 712 électeurs inscrits.

Le 20 janvier 1932, des réunions unitaires de mineurs eurent lieu à Merlebach, Stiring-Wendel et Petite-Rosselle sous l’égide des syndicats CGTU, CGT et UGB. Victor Doeblé intervint au cours de la réunion de Petite-Rosselle. Une quarantaine de personnes étaient venues l’écouter débattre avec le secrétaire du syndicat chrétien Nicolas Meyer dans le cadre de la campagne électorale pour la caisse de secours minière.

Le 28 février 1932 se tint une importante réunion à Forbach. Plus de deux mille personnes étaient venues écouter des exposés sur la Russie. Victor Doeblé comptait parmi les principaux intervenants et porta la contradiction au socialiste Édouard Waghemaecker.

Le 7 mars 1932 se tinrent à Petite-Rosselle et à Stiring-Wendel deux réunions de mineurs. Plusieurs centaines d’entre eux étaient venus débattre, à l’initiative de leurs syndicats, dans le cadre de la campagne des élections des délégués à la sécurité (Sicherheitsmann). Victor Doeblé évoqua dans ses interventions la crise économique et ses graves conséquences dans le bassin houiller (réduction des salaires, licenciements...).

Aux élections législatives de mai 1932, il se représenta, mais comme candidat indépendant de gauche, dans la circonscription de Forbach. Le Parti communiste lui opposa le délégué mineur Mathieu Philippi*.

Victor Doeblé recueillit dès le premier tour 38,7 % des suffrages exprimés (4 450 voix) et se présenta comme le candidat des travailleurs contre le chrétien-social « autonomiste » Joseph Straub en faveur duquel s’était désisté le candidat de l’Union nationale républicaine démocratique (URD, droite). Victor Doeblé axa en conséquence sa campagne du second tour sur son opposition à l’autonomisme, ce qui pouvait lui laisser espérer rallier les suffrages des deux candidats « nationalistes » défaits au premier tour. Cette position lui permet de recevoir le soutien du comité de la section de Forbach de l’Union Nationale des Anciens Combattants. Il pouvait aussi compter sur le report d’une partie des 907 voix qui s’étaient portées au premier tour sur le nom du communiste orthodoxe et qui pouvaient être sensibles à l’action de Victor Doeblé en « faveur des pensions et des invalides du travail » comme le rappelait un tract des retraités mineurs de Petite-Rosselle et Stiring-Wendel.

Victor Doeblé l’emporta ainsi facilement au second tour : il obtint 51,5 % des suffrages exprimés (6 349 voix) contre 43,6 % (5 372 voix) à Joseph Straub. Mathieu Philippi ne recueillant qu’à peine plus de 3 % des suffrages.

La presse communiste régionale s’opposa vivement à lui en le décrivant comme un personnage corrompu, « petit-bourgeois » lié à la CGT et au Parti socialiste, « parti gouvernemental au service du Capital ».

Victor Doeblé avait expliqué pendant la campagne électorale que son exclusion du Parti communiste était liée à un ordre venu de Moscou. Le bureau politique aurait ainsi choisi d’exclure plusieurs députés sortants auquel il serait reproché des interventions parlementaires à caractère uniquement socio-économique et pas assez politique.

En septembre 1932, il intervint lors d’un rassemblement de mineurs de l’ensemble du bassin houiller lorrain organisée par la CGTU à Merlebach. Devant une centaine de personnes, alors que mille était attendue d’après l’informateur de la direction des mines de Petite-Rosselle, il évoqua l’éventualité d’organiser un mouvement de grève.

Il assista le 10 janvier 1933 à Merlebach à la rencontre entre les représentants des syndicats de mineurs, CGTU, CGT et chrétien. Il s’agissait de mettre sur pied un front syndical unique mieux apte à répondre au patronat dans cette période de crise économique. Le député Victor Doeblé aurait fait partie de la délégation de la CGT, d’après l’informateur de la direction des Houillères de Petite-Rosselle. Il participa, le 20 février 1933 à Stiring-Wendel (Moselle), à une réunion organisée par les trois syndicats de mineurs. Il s’agissait de rendre compte aux mineurs des négociations intersyndicales menées depuis le mois de janvier 1933 dans le but de créer un comité d’action chargé d’organiser un front unique du mouvement ouvrier dans les mines de charbon lorraines. Victor Doeblé représenta la CGT.

Il prit part, le 28 avril 1933 à Merlebach, à la réunion du comité d’action intersyndicale (CGTU, CGT et UGB) élargi ce jour-là aux représentants des invalides du travail dirigés par Victor Doeblé.

Dès 1933 il avait interpellé le gouvernement à propos de la situation des Français résidant en Sarre, et sur la liberté du plébiscite prévu par le traité de Versailles dans le contexte menaçant de l’arrivée au pouvoir des nazis.

Alors que du 13 au 26 mars 1935 les communistes mosellans manifestèrent contre le projet gouvernemental de porter la durée du service militaire à deux ans, Victor Doeblé vota en faveur de la prolongation du temps de service. Ce vote contribua à l’éloigner encore davantage du Parti communiste.

Cela ne l’empêcha pas de présenter une liste composée de communistes aux élections municipales de mai 1935 à Forbach. Cette élection fut un échec puisque la liste du maire sortant conservateur (URL), Paul Harter, fut entièrement réélue. Il n’obtint que 556 voix sur 2 163 suffrages exprimés pour 2 196 votants et 2 657 électeurs inscrits. En mai 1935, un informateur de la direction des Houillères de Petite-Rosselle nota que le député Victor Doeblé « a de moins en moins de sympathie dans le milieu ouvrier ». Et ce au bénéfice de la CGTU alors plus influente.

Il participa au meeting du Front populaire de Forbach le 14 juillet 1935 ouvert au son de la Marseillaise et de l’Internationale. Il rassembla environ trois cents personnes. Un défilé fut organisé après son discours et ceux d’Alphonse Rieth et du socialiste Édouard Waghemaecker. Victor Doeblé revint sur les événements du 6 février 1934 et la volonté populaire de barrer le route à la montée du fascisme.

C’est dans le cadre de sa participation au Front populaire qu’il soutint la candidature d’Alexandre Hoffmann* aux élections cantonales d’août 1935 à Forbach. Il participa aux meetings du candidat socialiste les 29 juillet et 2 août 1935 à Stiring-Wendel et Forbach.

Il approuva les décrets-lois édictés entre juillet et septembre 1935 par le nouveau président du Conseil, Pierre Laval. Ce qui provoqua à nouveau une violente campagne contre sa personne dans L’Humanité d’Alsace-Lorraine.

Entre octobre 1935 et le début de l’année 1936 il fut l’un des artisans de l’organisation du Front populaire dans le bassin houiller. Il anima ainsi, pendant cette période, plusieurs réunions publiques à Petite-Rosselle, Stiring-Wendel, Merlebach et Forbach.

Il participa, le 26 janvier 1936 à Petite-Rosselle, à une réunion organisée par le syndicat chrétien des mineurs dans le cadre de la campagne pour les élections aux caisses de maladie. Environ cent cinquante personnes étaient venues assister à un débat entre le secrétaire de la CGTU, Marcel Kirsch, Henri Meck et lui-même.

Il anima, le 29 mars 1936 à Grande-Rosselle (Sarre, Allemagne), une réunion de mineurs communistes. Devant vingt-cinq personnes il justifia la décision prise le matin même à Merlebach d’annuler la grève prévue le 30 mars dans les houillères.

Il ouvrit sa campagne électorale des législatives de 1936, le 8 avril. Le député sortant tint un meeting à Sarralbe au cours duquel il justifia son vote à la Chambre en faveur du pacte franco-soviétique. Le 11 avril il se situa vis-à-vis du Front populaire en déclarant que cette « formule empêchait le combat de tous contre tous au premier tour ». Aspirant au soutien de tous les républicains il voyait dans le Front populaire un grand mouvement d’union républicaine.

Il s’opposa en réunion publique, le 22 avril 1936, au candidat conservateur Paul Harter, souvent présenté comme le candidat de la famille de Wendel par la presse de gauche. Il justifia une nouvelle fois son accord au pacte franco-soviétique car il permettait de « donner une signification européenne à la défense de la France » et d’empêcher Hitler « de faire ce qu’il voulait après la remilitarisation de la Rhénanie ». Ils évoquèrent aussi l’affaire Stavisky et le problème du chômage. Le 23 avril, il réunit huit cents personnes en meeting à Vieille-Verrerie (Petite-Rosselle).

La campagne électorale du Front populaire s’acheva le 25 avril 1936 par une réunion placée sous l’égide de l’Union des familles nombreuses. Victor Doeblé évoqua les problèmes de tactique parlementaire alors qu’Alexandre Hoffmann s’éleva contre le système capitaliste et son candidat Paul Harter. Le troisième candidat de gauche, Paul Lamm, maire communiste d’Hagondange, appela les électeurs présents à voter communiste au premier tour et en faveur du Front populaire au second. Le cégétiste Alphonse Rieth appela les mineurs à lutter pour la hausse des salaires. Victor Doeblé conclut la réunion par un appel « contre Harter, pour le Front populaire ».

Le 26 avril 1936, Paul Harter obtint 50,8 % des suffrages exprimés (6 629 voix), Alexandre Hoffmann 34,7 % (4 522 voix), Victor Doeblé 7,8 % (1 011 voix) et Paul Lamm 6,8 % (883 voix). La présence de trois candidats de gauche rendit ainsi possible la victoire du candidat conservateur. Le mauvais score de Victor Doeblé traduisait à la fois son usure politique, sa difficulté de positionnement au sein des forces de gauche et la montée de l’influence politique d’Alexandre Hoffmann.

Après sa défaite électorale Victor Doeblé réintégra les PTT où il fut affecté au Centre de tri de Metz.

En 1939 il fut mobilisé au Service postal des armées. Démobilisé en mai 1940, il fut muté au centre de tri de Bar-le-Duc (Meuse). Recherché par les nazis en raison de son action en faveur de la présence française en Sarre et de sa lutte contre le fascisme, il obtint sa mutation pour le centre de tri de Lyon en 1941.

Devant son opposition au gouvernement de Vichy, il fut révoqué des cadres de l’administration en 1942. Jusqu’à la fin de la guerre il se retira dans la banlieue lyonnaise à Ecully et se consacra à l’aide aux expulsés d’Alsace et de Lorraine en « zone libre ». Il fut ainsi vice-président du Groupement général des expulsés de Moselle, à Lyon de 1942 à 1945, puis à Metz jusqu’en 1965. À la Libération il reprit son activité professionnelle au centre de tri de Metz jusqu’à sa retraite en 1952.

De 1945 à 1947 Victor Doeblé fut secrétaire général de la section mosellane de la Fédération postale CGT. Après la scission de la CGT en 1947, et jusqu’en 1948, il devint secrétaire général de la section mosellane de la Fédération indépendante des PTT. Après la fusion de cette fédération avec la Fédération syndicaliste force ouvrière des PTT au congrès de Suresnes en avril 1948, il fut élu au poste de secrétaire général de la section mosellane de la Fédération syndicaliste des travailleurs des PTT-Force ouvrière. Il occupa cette fonction jusqu’en 1949. De 1948 à 1952 il fut président de l’Union départementale des syndicats Force ouvrière de la Moselle.

La Seconde Guerre mondiale n’interrompit pas son activité politique. Dès le 23 août 1945, il organisa la première réunion du Parti radical socialiste, dont il devint secrétaire départemental. Avant les élections à l’Assemblée nationale constituante de juin 1946, il tenta de rapprocher sa nouvelle formation politique avec l’UNR d’Alfred Krieger. Victor Doeblé fut remplacé à la tête de la fédération départementale du Parti radical socialiste par Jean Conty lors de l’assemblée générale du 27 janvier 1951 à Thionville.

À sa retraite il résidait à nouveau à Metz où de nombreux habitants de Sarralbe venaient encore solliciter ses services.

Victor Doeblé occupa d’importantes fonctions dans les organismes d’assurances sociales d’Alsace et de Lorraine. En 1921 il fut élu administrateur de la caisse primaire de Metz. De 1921 à 1928 il était membre du comité directeur de la caisse, pour laquelle il défendit notamment la réalisation du projet de construction de l’immeuble de la Caisse, rue Haute-Seille. Il devint secrétaire adjoint de l’Union nationale des Invalides et Accidentés du travail depuis sa création en 1928.

Ses fonctions lui valurent d’assurer plusieurs centaines de conférences dans le département en faveur des assurances sociales. Il assura, entre 1920 et 1928, la défense de plusieurs centaines de salariés devant l’Office supérieur des assurances sociales de Metz. Son activité parlementaire fut aussi très orientée vers le domaine des assurances sociales : il déposa plusieurs propositions et projets de lois et fut notamment rapporteur du projet de loi relatif au relèvement des retraites des ouvriers et employés des mines des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. Entre 1928 et 1936 il fit plus de quarante interventions en faveur des assurances sociales.

Il fut aussi élu à plusieurs reprises membre du conseil d’administration de la Caisse de sécurité sociale de la Moselle et membre du conseil d’administration de la Caisse primaire de Metz à partir de 1950. Victor Doeblé fut, pendant de nombreuses années, membre du conseil d’administration de la Caisse régionale d’assurances vieillesse et secrétaire général de l’Association française des Amis de la Sarre.

Les activités syndicales, sociales et politiques de Victor Doeblé lui valurent de nombreuses distinctions honorifiques : Croix du Combattant 1914-1918 ; Médaille d’or du dévouement (6 mars 1953) ; Chevalier du Mérite Social (10 juillet 1954) ; Chevalier de la Légion d’honneur (29 août 1957) et Médaille du Souvenir français (8 avril 1963).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22784, notice DOEBLÉ Victor, Étienne, Stéphane par Étienne Kagan, Claude Pennetier, Pierre Schill, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 13 janvier 2013.

Par Étienne Kagan, Claude Pennetier, Pierre Schill

Victor Doeblé prononçant un discours lors d'un meeting à Sarreguemines (Moselle) en 1934
Victor Doeblé prononçant un discours lors d’un meeting à Sarreguemines (Moselle) en 1934
Collection Pierre Schill

SOURCES : Arch. Dép. Moselle : 301 M 76 et 82, 303 M 54, 55, 56 et 58, 23 Z 1, 3, 5 et 7, 24 Z 44. — Arch. Houillères du Bassin de Lorraine : Vt323-B15, B20 et B26. — L’Humanité d’Alsace-Lorraine, 22 avril 1932. — Renseignements fournis par Louis Serpe. — DPF, 1940-1958, op. cit., p. 368-369. — Édith Ida Dahm, « Victor Doeblé (1890-1967) et son œuvre sociale », Pays d’Albe, Bulletin du cercle « Les Amis du pays d’Albe », n° 12, 1981, p. 37-46. — Gérard Diwo, Le communisme en Moselle (1925-1932) à travers les élections législatives d’avril 1928 et de mai 1932, mémoire de maîtrise d’histoire sous la direction d’Alfred Wahl, Université de Metz, 1983. — Didier Kompa, La formation du Front populaire en Moselle, 1934-1936, mémoire de maîtrise d’histoire sous la direction d’Alfred Wahl, Université de Metz, 1985. — Gérard Diwo, Les formations politiques en Moselle (21 octobre 1945-17 juin 1951), thèse de doctorat d’histoire sous la direction d’Alfred Wahl, Université de Metz, 1992, 2 tomes.

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