CHIOUSSE Casimir

Par Jean Gaumont et Jacques Gans

Né le 26 septembre 1857 à Mirabeau (Vaucluse) ; mort en chemin de fer, au cours d’un voyage, dans la nuit du 16 au 17 décembre 1928. D’abord simple cheminot, Chiousse devint inspecteur principal des chemins de fer ; il était administrateur et président des coopératives PLM.

Chiousse fit des études à l’École primaire puis devint petit employé à l’administration des lignes télégraphiques. Après son service militaire en Algérie, il entra à la compagnie PLM le 20 novembre 1882 ; il devait y faire toute sa carrière.
Il fut successivement journalier, wagonnier, facteur de 2e et de 1re classe, puis commis principal, chef de section, sous-chef et chef de bureau, inspecteur et inspecteur général adjoint, attaché à la direction de la Compagnie.
Cet avancement, qui fut rapide, lui valut par la suite l’hostilité des coopérateurs socialistes qui voyaient en lui l’homme de la direction.
En 1888, il participa à la fondation de la coopérative PLM de Grenoble ; il en fut le secrétaire général jusqu’en 1891, puis son président. Il y monta une bibliothèque gratuite pour les sociétaires, puis un service médical gratuit.
Plusieurs sociétés coopératives s’étaient fondées sur le réseau PLM depuis 1884. Elles s’étaient réunies en congrès en 1889 et avaient créé un bulletin d’informations commerciales. Au congrès tenu le 17 avril 1890 à Lyon, on décida la création d’une fédération, à laquelle adhéraient immédiatement dix-neuf sociétés. Chiousse en fut l’un des secrétaires, il en devint le président le 1er février 1893.
À cette date, la société de Grenoble réunissait environ sept cents familles ; Chiousse collaborait également avec une autre coopérative de la ville, « La Ménagère », société ouverte au public. Les membres de la coopérative PLM le lui reprochaient. Chiousse démissionna alors avec éclat tout en conservant la présidence de la fédération PLM. D’autre part, il faisait adhérer « La Ménagère » à la fédération des coopératives PLM.
Chiousse s’était d’abord solidarisé en 1890 avec Auguste Fougerousse le secrétaire général de la première Fédération nationale, qui n’avait pas été réélu, lors de la réorganisation, au nouveau comité central de l’Union coopérative. Avec le plus grand nombre de ses sociétés, il s’abstint de participer au 5e congrès national de Marseille d’octobre 1890. La tentative faite par l’industriel Léon Sahler de Montbéliard, partisan des conceptions de Fougerousse, de créer une Union dissidente, ayant échoué, Chiousse modifia son attitude d’opposition et, en novembre 1891, envoya au comité central l’adhésion de sa fédération et celle de la plupart de ses sociétés fédérées. En outre, il proposa d’organiser lui-même le congrès de 1893 à Grenoble. Il présida la séance inaugurale dans un grand déploiement de personnalités officielles.
La fédération, qu’il présidait avec autorité et de réelles capacités d’administrateur, se renforçait d’année en année ; elle tenait un congrès annuel. Chiousse créait dans sa fédération des services économiques, sociaux, de production (moulin), et prenait dans la coopération française une place de premier plan. Son influence dans les congrès était très grande ; il y défendait des rapports, comme celui de Paris en 1900 sur « l’utilité des groupements régionaux ». Il avait fait entrer plusieurs cheminots de sa fédération au comité central où ils retrouvaient d’autres cheminots appartenant à diverses sociétés indépendantes. Son action s’exerçait dans le même sens que celle des autres représentants de la coopération dite « ménagère » qui ne voient dans la coopération qu’un moyen de satisfaire des intérêts matériels sans se préoccuper de ses possibilités de transformation sociale, opinion défendue par les rochdaliens. Jusqu’en 1902, l’influence de Chiousse et de ses amis fut prépondérante au comité central. Elle s’exerça en faveur de la candidature à la présidence de son collègue Buffet, président de la coopérative « l’Économie sociale » de Clichy, contre celle de Charles Gide. Elle diminua ensuite, Gide l’ayant emporté sur son concurrent, mais elle fut néanmoins assez forte pour freiner tous les efforts de Gide et de ses fidèles en faveur de l’unité du mouvement coopératif.
Très combatif, Chiousse attaqua avec véhémence les « scissionnistes » de la Bourse socialiste. Il fut l’objet de leur part de critiques violentes et ses tendances coopératives d’économie ménagère et de forme corporative servirent de prétexte, sinon de justification, à de nombreux coopérateurs socialistes pour expliquer la sécession de 1895-1900. Pourtant, avec beaucoup de souplesse d’esprit et de fidélité aux divers présidents, il accepta la position rochdalienne et l’entrée au conseil central, en 1903, de jeunes éléments rochdaliens. Lorsque Ch. Gide approuva les thèses de Hans Muller, secrétaire de l’ACI, sur le rôle des sociétés de consommation dans le mouvement ouvrier, Chiousse ne s’y opposa pas. Après le congrès de l’ACI de Manchester en 1902 qui consacrait l’abandon des formules adoptées lors de la fondation de l’Alliance, Chiousse demeura vice-président du comité central. Il assista aux réunions, aux congrès, fidèlement associé à toute l’évolution qui, depuis la présidence de Gide, entraînait le comité central vers la coopération rochdalienne, notamment à la proclamation du programme affirmé publiquement et clairement en 1906.
Cependant, après les congrès de 1912 qui votaient le « pacte d’unité » négocié en juin, Chiousse, sa fédération, et quelques-unes de ses sociétés refusèrent d’entrer dans la nouvelle Fédération nationale unifiée. « La Ménagère » le désavoua en adhérant au Groupement fédératif coopératif des Alpes qui, lui-même, adhérait à la Fédération nationale.
Pendant la guerre de 1914-1918, le 15 août 1917, Chiousse, qui avait abandonné tout lien avec la Fédération nationale depuis le pacte d’unité, mais avait conservé la présidence de la fédération PLM-Est, fut invité à un congrès de la nouvelle fédération des Alpes et Savoie. On lui offrit la présidence. Il fit des déclarations conciliantes, et on l’élut au bureau fédéral. Un vœu fut émis qu’il en devînt président. Le congrès de la fédération PLM-Est de juin 1918 décida l’adhésion à la Fédération nationale. Chiousse fut élu membre du conseil supérieur de la coopération qui venait d’être créé au ministère du Travail (il avait lui-même proposé cette création dès 1896). Le congrès de Strasbourg de 1920 le fit entrer au conseil unique des institutions centrales comme représentant de la fédération régionale des Alpes et Savoie dont il assurait le secrétariat en même temps que la présidence de la fédération des Sociétés PLM-Est. Il put encore en 1927 organiser pour la deuxième fois dans sa ville de Grenoble le congrès national.
Chiousse avait le front haut, les yeux grands et enfoncés dans l’orbite, l’ovale du menton bien dessiné. Il était de taille moyenne, parlait bien et de façon agréable. Plein d’entrain et de gaieté, il était très sensible et avait la larme facile. En politique, il était d’opinions conservatrices « ayant au plus haut degré le respect de l’ordre, de la religion, du drapeau et aussi de la grande Compagnie au service de laquelle il a passé sa vie. Les compliments qu’il adressait aux grands chefs à chacun des congrès des employés du PLM ont provoqué parfois quelques sourires, mais dans ses compliments il n’y avait rien de servile... » (Ch. Gide).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article2279, notice CHIOUSSE Casimir par Jean Gaumont et Jacques Gans, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 15 mai 2012.

Par Jean Gaumont et Jacques Gans

ŒUVRE : Les Œuvres sociales à l’Exposition universelle de Paris, Grenoble, 1900, 142 p., Bibl. Nat., 4° R 1631. — À travers l’Europe coopérative, 1904. — Huit jours chez les coopérateurs anglais, 1905.

SOURCES : Almanach de la Coopération française, 1900. — G. Mazaré, Les Sociétés coopératives d’agents de chemins de fer, thèse, 1951. — Le Coopérateur de France, 22 décembre 1928 (article de Ch. Gide). — Rapport au Conseil central de la FNCC, 27 janvier 1929 par E. Poisson.

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