DOIRET Madeleine, Joséphine, Sylvie

Par Daniel Grason, Michèle Rault

Née le 2 novembre 1920 à Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne), morte le 21 septembre 2001 à Argenteuil (Val-d’Oise) ; secrétaire ; militante communiste d’Ivry-sur-Seine ; résistante déportée.

Madeleine Doiret
Madeleine Doiret

Fille du militant communiste Pierre Doiret, piqueur, et d’Yvonne Pagès, vendeuse, Madeleine Doiret fut membre de l’Union des Jeunes filles de France (UJFF) à partir de décembre 1936. En septembre 1938, elle interrompit ses études à l’école primaire supérieure pour apprendre la sténographie.
À la déclaration de la guerre, elle devint institutrice intérimaire dans l’Yonne. En août 1940, elle rejoignit les Jeunes communistes d’Ivry qui se regroupaient pour mener l’action clandestine. Elle tapait des tracts sur stencils qui étaient tirés sur une ronéo cachée dans une cave murée du pavillon de ses parents et déposait les tracts dans différents coins d’Ivry où d’autres jeunes les récupéraient pour les distribuer.
Madeleine Doiret entra dans la clandestinité, vivant seule à Paris. Elle tapa les premières lettres des fusillés de 1941, les appels au sabotage, à la Résistance.
à la Résistance.
Militante de l’organisation clandestine, elle disposait d’un domicile au 14 rue Thureau-Dangin à Paris (XVe arr.). Elle était chargée de contacter des anciennes adhérentes des Jeunes filles de France.
À la suite de surveillances exercées dans le XIe arrondissement des policiers habillés en bourgeois remarquèrent à plusieurs reprises des hommes qui se transmettaient des paquets. L’un fut identifié, il se nommait Arthur Tintelin. Onze inspecteurs de la BS1 filèrent du début mars 1942 au 16 juin des militantes et militants de l’organisation clandestine.
Le 24 avril 1942, Jacqueline Quatremaire fut suivie par des inspecteurs depuis son domicile du 44 rue Tiquetonne à Paris (IIe arr.). Elle portait une valise en cuir gris, se rendit à son ancien domicile du 25 bis rue Dussoubs, ressortit à 8heures 30 alla prendre le métro à la station Louvre, descendit à la porte de Neuilly, traversa le pont en courant, et à 9heures rencontra Madeleine Doiret. Toutes deux allèrent jusqu’au rond-point de La Défense, puis revinrent au pont de Neuilly où elles se séparèrent. Madeleine Doiret reprit le métro et par l’autobus 82 rentra à son domicile.
Elle rencontra à nouveau Jacqueline Quatremaire le 29 avril en début d’après-midi au Pont-Neuf à Paris. Toutes deux discutèrent sur le pont pendant une trentaine de minutes, puis allèrent au café Corona à l’angle du quai et de la rue du Louvre et échangèrent des documents. Elles se séparèrent, Madeleine Doiret alla effectuer quelques achats au magasin du Louvre, puis par le métro et l’autobus 83 regagna son domicile d’Ivry-sur-Seine.
Elle fut arrêtée le 17 juin 1942 à 22heures 30 et transférée à Romainville (Seine, Seine-Saint-Denis) le 10 août 1942. Elle fit partie du convoi du 24 janvier 1943 parti de Compiègne (Oise) et enregistré le 27 janvier à Auschwitz, le même convoi que Danielle Casanova, Marie-Claude Vaillant-Couturier et Georgette Rostaing, militante ivryenne de l’UJFF. Le 7 janvier 1944, les Allemands l’envoyèrent à Ravensbrück avec quarante-huit autres femmes de ce convoi. Pour éviter d’être prise pour les commandos de travail extérieurs, elle se fit engager chez Siemens grâce à des camarades tchèques.
Le 28 février 1945 Pierre Doiret, représentant de commerce, père de Madeleine témoigna devant la commission d’épuration de la police. Il déclara elle « a été arrêtée le 17 juin 1942 à mon domicile par cinq inspecteurs pour activité politique clandestine. »
« Elle a été conduite dans les locaux des Brigades spéciales des Renseignements généraux où elle a été détenue pendant quatre jours. Elle a été écrouée au Dépôt et a été remise aux autorités allemandes le 10 août 1942 et incarcérée au fort de Romainville. Elle a été déportée le 23 janvier 1943. D’après les dernières nouvelles que nous avons reçues en date du 29 juin 1944, elle se trouverait à Ravensbrück. »
« J’ignore si ma fille a été victime de sévices pendant son séjour à la Préfecture de police. »
« Une perquisition négative a été effectuée à mon domicile, une seconde perquisition a été effectuée à son domicile illégal, 14 rue Thureau-d’Angin à Paris (XVe arr.), où a été dérobée une machine à écrire et quantité d’autres objets personnels. Une surveillance de plusieurs jours a également eu lieu dans son appartement. » Il reconnut quatre inspecteurs sur photographies. Il porta plainte contre les inspecteurs qui arrêtèrent sa fille « Je les considèrent comme responsables de sa déportation. »
Libérée par la Croix-Rouge le 23 avril 1945, elle apprit la mort de son frère
Libérée par la Croix-Rouge le 23 avril 1945, elle apprit la mort de son frère Roger Doiret, qui évacué de Neuengamme, péri sur la Cap Arcona, dans la baie de Lübeck le 3 mai 1945. Elle fut homologuée soldat de 2e classe au titre de la Résistance intérieure française (RIF), Déportée internée résistante (DIR).
Mariée à Ivry le 28 juillet 1957 avec un chauffeur d’automobiles, Madeleine Doiret était alors secrétaire.
Charlotte Delbo recueillie son témoignage, elle écrivit : « Vingt ans après, elle souffre de l’indifférence, de l’ignorance, de l’incompréhension qu’elle rencontre chez ceux qui n’ont pas été déportés. Qui songe encore aux quarante-mille enfants juifs de Paris brûlés à Auschwitz ? Cent soixante-cinq dans une école primaire du IVe arrondissement… Elle dit : D’après ce que j’ai observé chez de nombreux survivants des camps, il y a deux catégories : ceux qui en sont sortis, ceux qui y sont encore. Je suis de ceux-là. Ainsi le 24 septembre 1952, quand j’ai accouché [d’un fils Michel], je ne pensais pas à la joie qu’un enfant m’apporterait, je pensais – et cela pendant des jours, des mois, des années – je pensais aux femmes de mon âge qui sont mortes dans la boue sans connaître cette joie. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22790, notice DOIRET Madeleine, Joséphine, Sylvie par Daniel Grason, Michèle Rault, version mise en ligne le 13 décembre 2019, dernière modification le 22 novembre 2022.

Par Daniel Grason, Michèle Rault

Madeleine Doiret
Madeleine Doiret

SOURCES : Arch. PPo. 221W 3, GB 038 (rapport de filatures), 77 W 5357-301497. – Bureau Résistance GR 16 P 188014. – Arch. Com. Ivry-sur-Seine. — Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Éditions de Minuit, 1966.

PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 149

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