DOLLO Yves

Par Christian Bougeard, François Prigent

Né le 21 mai 1934 à Lannion (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), mort le 10 novembre 2007 à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) ; instituteur puis surveillant général de l’EN de Saint-Brieuc, syndicaliste SNI (tendance École émancipée) ; franc-maçon (1965-2007) ; responsable Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; secrétaire fédéral PSU (1966-1973) ; conseiller municipal PSU puis adjoint PS de Saint-Brieuc (1965-2001) ; député (1981-86, 1988-93), conseiller général (1982-85) ; conseiller régional (1972-1998, 2002-2004) ; rocardien.

Yves Dollo passa par les écoles publiques dans la région de Tréguier. Son père, Marcel Dollo, né en 1910, était un gendarme, issu d’une famille d’agriculteurs du pays de Guingamp, votant républicain avant d’adhérer dans les années 1960 sous l’influence de son fils au PSU puis au PS, tout comme sa compagne Louise Ropars, modeste ménagère. Entré à l’École normale de Saint-Brieuc en 1950, il fit rapidement la rencontre marquante d’Antoine Mazier, son « père » en politique.
L’année suivante, le parlementaire SFIO, réélu dans le cadre des apparentements avec le MRP de Marie-Madeleine Dienesch au grand dam des communistes, le chargea avec François Le Merle* (instituteur, secrétaire fédéral adjoint du PSA en octobre 1958 puis du PSU passé au PC en septembre 1961 par le biais du Mouvement de la paix) et Jean Lautrou* (professeur, adjoint SFIO et PSU à Guingamp) de récréer les JS au niveau départemental. Dans ce petit noyau d’une dizaine de jeunes militants, dans l’orbite du couple Mazier*, on retrouva Pierre Dalibot.
À sa sortie de l’EN en 1954, sa nomination à l’école Guébriant de Saint-Brieuc s’accompagna d’un approfondissement de sa relation avec Antoine Mazier chez qui il louait une chambre. Il vivait ainsi rue de La Charbonnerie, domicile des Mazier servant à la fois de permanence parlementaire, de siège fédéral et de lieu de réunion... Isolé à l’EN, imprégnée par les doctrines communistes majoritaires chez les instituteurs des Côtes-du-Nord, il participa en 1956 à un double congrès socialiste des JS à Marseille (présidé par Pierre Mauroy*) et des Etudiants Socialistes à Lyon (présidé par Michel Rocard*).
Il entama alors un parcours syndical dans le contexte de recompositions profondes des différents réseaux dans le département : marqué par les figures des socialistes André Laithier*, Yves Le Foll*, Yves Thomas*, Louis Bocquet*, Sylvain Loguillard* et Maurice Renault* (PC). Élu en 6e position au conseil syndical du SNI en novembre 1956 sur la liste « indépendance du syndicalisme », il se heurta aux positions des filières communisantes auxquelles il s’opposa continuellement dans la suite de son parcours.
Il assista au 49e congrès national de la SFIO de Toulouse en 1957 où la fédération des Côtes-du-Nord se distingua déjà par la domination de la ligne dissidente de Verdier*-Depreux*, à savoir les minoritaires hostiles à la ligne de Guy Mollet sur la guerre d’Algérie. Début du décrochage partisan de Mazier avec la SFIO, Yves Dollo vécu de l’intérieur cette période de gestation du PSA. En raison de son départ au service militaire fin 1957, ses activités politiques s’atténuèrent, même si le jeune officier, intégré au 9e régiment des zouaves, écrivit des lettres témoignages contre la guerre d’Algérie dans Le Combat Social, organe du PSU. Revenu à Saint-Brieuc en 1960, il fut pour quelques mois permanent de la FOL, par l’entremise de syndicalistes FO investis dans le milieu laïque (Francis Mahéo*, conseiller municipal et Amédée Quinio*, secrétaire de section, ancien leader de la CGT avant-guerre exclus en novembre 1938). En décembre 1960, il figura à nouveau sur la liste syndicale proche d’École émancipée, avec son camarade Yves Thomas (PSU), ne rejoignant pas l’alliance unitaire du tandem Loguillard (PSU)-Renault (PC), signe du bouillonnement des débats syndicaux au sein du PSU.
Sous l’impulsion de Mazier, il faisait partie des jeunes candidats PSU parachutés aux cantonales de 1961 (à Pontrieux). Membre de la Libre-Pensée, président local de la LDH à partir de 1962 et secrétaire de section du PSU de Saint-Brieuc dès 1961, il était en dernière position de la coalition novatrice, liste d’union allant des chrétiens de gauche aux communistes qui permit en 1962 à Antoine Mazier regagner Saint-Brieuc pour la gauche. En effet, après une épique controverse juridique, le scrutin de 1959 avait été annulé en raison de l’intervention de l’évêque le dimanche de l’élection.
Élu en parallèle au conseil syndical du SNI (novembre 1962, liste École émancipée), il contribua en janvier 1963 avec d’autres militants PSU à faire fléchir Thomas (membre du BN-EE) : sa liste accepta la proposition de Maurice Renault et de Sylvain Loguillard d’un bureau hétérogène contraire aux pratiques syndicales en vigueur. Véritable laboratoire politique, ce bureau fonctionne jusqu’en 1969 dans les Côtes-du-Nord, représenté au BN par Yves Thomas (EE) et Maurice Renault (futur courant Unité Action). Il fut à nouveau candidat non-élu pour le conseil syndical du SNI en décembre 1964, au moment de la mort d’Antoine Maziez qui constitua un véritable choc politique dans le milieu partisan socialiste.
En 1965, il devint conseiller municipal et porte-parole du groupe PSU dans la municipalité d’union de la gauche dirigée par Yves Le Foll (ancien secrétaire fédéral SFIO et secrétaire de la FEN, tendance FO), réélue en 1971 et composée alors de 15 PSU, 12 PCF, 3 PS et 3 divers gauche. Cette élection marqua le début de la carrière politique du surveillant général de l’EN (où il rencontra sa femme Marie-Madeleine Daniel avec laquelle il se maria en 1962), reconverti ensuite dans la formation audiovisuelle avant de devenir un professionnel de la politique après 1981.
Coopté par Antoine Mazier et Yves Le Foll (initiation en 1964), il entra en Franc-Maçonnerie l’année suivante, occupant par la suite des responsabilités très importantes dans la loge briochine, faisant entrer notamment des élus PS comme Jean-Luc Bommert (directeur du FJT, ancien du PSU, conseiller général en 1982)... Doté d’une relation privilégiée avec Yves Le Foll, il occupa les responsabilités de Secrétaire Fédéral du PSU à la suite de Jeanne Mazier* entre 1966 et 1973, négociant également l’intégration de l’appareil partisan au PS lors des Assises avec les responsables du PS, encore minoritaires, dont les anciens PSU Claude Saunier* et Didier Chouat*.
En 1977, dans un contexte régional d’union de la gauche, la concurrence fut sévère entre PC et PS dont les listes furent séparées d’une petite centaine de voix. Les communistes, derrière Édouard Quemper*, furent ainsi exclus de la vie municipale durant 6 ans. Deuxième adjoint mais dauphin désigné, Yves Dollo était la courroie de transmission du « courant PSU », le député maire rocardien Yves Le Foll pratiquant la non-collaboration avec son 1er adjoint PS, Claude Saunier, popereniste.
Dans cette configuration interne minée, la succession du mandat de député de Yves Le Foll en 1978 s’annonçait sous de mauvais auspices, d’autant que Yves Dollo fut désigné par les militants contre Didier Chouat (secrétaire fédéral), tandis que la presse locale faisait étalage des divisions socialistes féroces. Devancé de 120 voix cette fois par le candidat PC, Yves Dollo ne parvint pas à garder le siège dans le camp socialiste. Pire même, le très mauvais report de voix au 2e tour offrit le siège à la droite, à savoir Sébastien Couépel, (conseiller général) syndicaliste paysan formé à la JAC et « sollicité » par le Préfet.
En 1981, les Côtes-du-Nord furent « en haut, à gauche », avec un grand chelem pour le PS (Charles Josselin*, Maurice Briand*, Didier Chouat, Piere Jagoret* et Yves Dollo). Son élection comme député en juin 1981 avec Anne-Marie Caradec, adjointe au maire PC de Ploufragan comme suppléante, se joua en fait lors de la désignation interne. Le vote des militants au 2e tour n’ayant pas permis de séparer Claude Saunier et Yves Dollo (131 voix chacun) après le retrait du syndicaliste paysan André Pochon, il fallut contacter les appareils nationaux (Poperen et Rocard). Finalement, Claude Saunier (maire en 1983, sénateur depuis 1989) devança l’arbitrage du national, en se retirant au nom de l’unité du parti. Ce choix sanctionna en fait une répartition des postes électifs entre les deux successeurs de Yves Le Foll, ce qui se traduisit par l’existence d’un double PS à Saint-Brieuc entre les réseaux mitterrandistes de la mairie et les soutiens rocardiens du député. Lors des législatives, Yves Dollo devança largement Édouard Quemper au 1er tour (29 015 voix contre 15 618) et l’emporta au second tour avec 56,39 % contre Sébastien Couëpel. Au parlement, l’activité de Dollo se concentra notamment sur la reprise des initiatives de Louis Le Pensec* en faveur de la langue bretonne.
Il gagna aussi le nouveau siège de conseiller général lors du redécoupage de 1982 en compagnie de Claude Saunier et Jean-Luc Bommert. Ayant recueilli 38,3 % des voix au 1er tour (face à gauche à un communiste et à un UDB, Union démocratique bretonne), il l’emporta au second (53,9 %) sur Bruno Joncour, candidat de l’opposition (RPR). Avec 27 sièges, le PS détenait la majorité absolue. En mars 1985, Yves Dollo, arrivé en tête de tous les candidats au 1er tour (33,7 %), fut battu de peu (49,1 %) au second tour par Bruno Joncour. Cette défaite sèche s’inscrivait dans un contexte de récession sociale et industrielle (mouvements sociaux à Chaffoteaux, menés par la CGT), à l’instar de l’échec au même scrutin du sénateur René Régnault* (ex CIR, à Dinan, sénateur en 1980).
Tête de liste aux régionales en 1986, il perdit de peu son siège de député en 1986, relégué en 3e position derrière Charles Josselin (président du conseil général, depuis 1976) et Didier Chouat (député-maire-conseiller général de Loudéac). Le Briochin avait fait les frais de l’équilibre entre les courants. Malgré une bonne résistance du PS qui obtint 37,87 % des voix, Yves Dollo ne fut pas reconduit au Palais-Bourbon. À quelque 300 voix près, l’UDF souffla un troisième siège au PS.
Aussi, lors des élections législatives de juin 1988, le rocardien Yves Dollo (41,49 % au 1er tour) retrouva-t-il facilement son siège avec 58,31 % contre Bruno Joncour passé à l’UDF. Le report des voix de gauche en faveur du PS se faisait généralement bien dans la circonscription de Saint-Brieuc alors que la droite était divisée. Il recruta successivement comme assistant parlementaire le directeur de cabinet de Le Foll (Ségala), un habitué des réseaux socialistes de la mer (Philippe Jourdan formé à Lorient puis à Boulogne-sur-mer), un jeune militant dont la trajectoire s’avéra proche (Philippe Germain, futur responsable MJS, secrétaire de section, directeur de cabinet de Claudy Lebreton) et la secrétaire de Pierre Jagoret (ancien syndicaliste FO, passé par PSU, fondateur du PS trégorrois, franc-maçon).
Avec Paule Quéméré comme suppléante (actuelle conseillère générale de Plérin), le vieux militant socialiste n’échappa pas à la déroute de son parti en 1993. Le 21 mars 1993, avec 11 candidats, Yves Dollo (21,11 %) était nettement distancé par Christian Daniel, candidat RPR de l’UMP (35,63 %), alors que Jean Dérian (PCF) n’obtenait que 12,95 % et le vert Jacques Mangold 10,25 %. Au second tour, le 28 mars, avec 46,33 % des voix, Yves Dollo était battu par Christian Daniel. Le PS perdait quatre de ses cinq députés dans les Côtes d’Armor : seul Charles Josselin était réélu à Dinan.
Mais quatre ans plus tard, le 1er juin 1997, le PS reprenait le siège de Saint-Brieuc, Danielle Bousquet battant au second tour Christian Daniel avec 57,79 % des suffrages, un score comparable à celui d’Yves Dollo en 1988. En revanche, lors des municipales de mars 2001, la gauche perdit la ville de Saint-Brieuc gagnée par Antoine Mazier en 1962. La division à gauche avec la présentation d’une liste du mouvement des citoyens contre la liste d’union de la gauche conduite par le PS Brémont pesa lourd d’autant plus que la fusion en catastrophe des listes concurrentes entre les deux tours ne fut guère convaincante. Surtout, l’éviction non négociée d’Yves Dollo ne fut guère appréciée d’une fraction de l’électorat socialiste briochin.
Conseiller régional comme délégué de la ville depuis 1972, il occupa aussi cette fonction comme élu entre 1986 et 1998, record de longévité dans l’assemblée. Premier non-élu aux régionales sur la liste menée par Marie-Reine Tillon (conseillère générale), dont le score faible pour ce département ancré à gauche (8 élus) ne permit pas d’assurer le basculement de la région à gauche, il remplaça Marie-Renée Oget, élue députée de Guingamp, au Conseil Régional entre 2002 et 2004.
Responsable de la tendance Rocard marquée par les réseaux chrétiens de gauche avec Jean Le Faucheur* (de la JOC à la CFDT et au PSU), Michel Cadoret* (idem), Michel Brémont (secrétaire fédéral et conseiller général), il participa aux différentes réunions nationales boulevard Saint-Germain de l’entourage de Michel Rocard, en compagnie de nombreux poids lourds PS de l’Ouest breton (Claude Évin, Louis Le Pensec, Bernard Poignant, Pierre-Yves Heurtin*...). Sa haute stature aux côtés d’Yves Le Foll et de Claude Saunier a marqué le socialisme briochin pendant un demi-siècle.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22807, notice DOLLO Yves par Christian Bougeard, François Prigent, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 25 juillet 2018.

Par Christian Bougeard, François Prigent

SOURCES : Arch. Dép. Côtes-d’Armor, 46 W 8, rapports des RG (1957-1959) ; 128 W 52-70 ; 3 M 142. — Arch. fédérales du PS 22. — Arch. Privées Yves Dollo. —Arch. FSU, collection du bulletin du SNI (1954-1968) ; Le Combat Social (1950-1975). — Fichiers des adhérents du PSU en 1965. — Entretiens avec Yves Dollo. — Articles de Ouest-France et du Télégramme sur la vie socialiste locale (1965-2007). — Dossiers et documents du Monde. Les élections législatives de juin 1981  ; Le Monde, 14 juin 1988. — François Prigent et Jacqueline Sainclivier, « Les réseaux socialistes PSU en Bretagne (1959-1981) : milieux partisans, passerelles vers le PS, rôle des chrétiens de gauche », in Le PSU vu d’en bas. Un parti dans les régions : réseaux sociaux, mouvement politique, laboratoire d’idées (années 50-années 80), journée d’études du 8 février 2007, IEP de Rennes. Édouard Quemper, Mémoires, éd. Jacq, Saint-Brieuc, 1996.

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