COLETTA Édith Alice née RATTI dite Yolande

Par Daniel Grason

Née le 13 décembre 1922 à Reims (Marne), morte le 14 juin 1996 à Draveil (Essonne) ; manœuvre, dactylo ; communiste ; résistante ; déportée.

Édith Coletta
Édith Coletta

Fille d’Édouard, plâtrier et d’Alice née Caillet, Édith Coletta à l’issue de l’école primaire obtint le CEP. Elle devint française par naturalisation. Elle adhéra aux Jeunes filles de France en 1938, fut trésorière, puis secrétaire du Foyer du Bourget des Jeunes filles de France. Elle quitta l’organisation dès la fin de l’année.
Elle épousa le 20 janvier 1940 en mairie du Bourget Vincent Coletta, vingt-six ans, né en Italie, naturalisé français. Un fils prénommé André Vincent naquit. Le couple vivait 112 rue de Flandre au Bourget. Mobilisé à la déclaration de guerre, son mari fut fait prisonnier.
En avril 1943 elle entra comme manœuvre chez Norton à La Courneuve (Seine, Seine-Saint-Denis), manœuvre elle était rémunérée 2 500 francs par mois. À la fin août 1943, elle fit connaissance avec un nommé Brocheret dans un cours de danse au 7, rue du Commandant Lamy à Paris (XIe arr.). L’une des amies d’Édith était amie avec le frère de José Brocheret, en fait Jacques Feigenoff frère de Joseph.
Les quatre amis se rendirent au domicile de José Brocheret rue Cuvier à Paris (Ve arr.) Lors d’une conversation José confia à Édith qu’il appartenait aux FTP, une « organisation de résistance qui avait pour but de chasser les allemands de France. » Il lui proposa d’entrer dans l’organisation, lui indiqua qu’elle toucherait des tickets d’alimentation, du tabac et qu’elle serait appointé 2 400 francs par mois. Édith Coletta accepta d’entrer dans l’organisation.
Le 7 septembre José lui présenta Gilbert, à l’issue de l’entretien, il lui fixa un nouveau rendez-vous la semaine suivante. Mais Gilbert ne vint pas, elle alerta José, un nouveau rendez-vous lui a été fixé avec « Verdier » qui tomba malade. « Gustave », en fait Yves Queré lui présenta « Morand », en fait Georges Citerne qui était accompagné de « Guillaume ».
« Gustave » lui remettait six cents francs en paiement d’une semaine. Quant à « Morand » il l’informa que le samedi 16 octobre elle serait chargée d’une mission de transport d’armes. Le lundi 18 Georges Citerne devait lui présenter « Geneviève » un agent de liaison.
Le mercredi 20 octobre 1943 elle avait rendez-vous avec Yves Queré, elle était à l’heure, des inspecteurs de la BS2 également. Elle fut interpellée à 16 heures rue Condorcet à Paris (IXe arr.) par trois inspecteurs de la BS2 lors d’un rendez-vous avec Yves Quéré, Roger Lefevre et Maurice Deck.
Emmenée dans les locaux des Brigades spéciales, fouillée, elle portait sur elle deux carnets annotés, une feuille de papier sur laquelle figuraient, des rendez-vous. La perquisition de son domicile s’effectua en sa présence, rien ne fut saisi.
Interrogée, elle déclara avoir été informée de l’attentat contre le docteur Paul Guérin, membre très en vue du PPF de Doriot. Elle savait que l’opération avait été un échec et que « deux camarades avaient été arrêtés ». Les deux FTP Louis Furmanek et Maurice Charpentier ont été condamnés à mort et fusillés le 10 mars 1944 au Mont-Valérien.
Elle déclara que « Le groupe avait été désorganisé et aucun attentat n’était plus réalisé. » Joua-t-elle l’ingénue, elle affirma : « Peu de temps après mon entrée, je me suis aperçue que les FTP étaient uniquement une organisation communiste. »
Elle fut incarcérée à la prison de Fresnes. Son père Édouard qui habitait 47 rue Rochechouart à Paris (IXe arr.) envoya une lettre au Préfet de Police le 4 décembre 1943, il désirait faire parvenir à sa fille un colis de vêtements chauds et des aliments. Cette lettre et d’autres étant restées sans réponse, dans un nouveau courrier en date du 26 décembre, il lui faisait remarquer : « Monsieur le Préfet, mon pays la Suisse a beaucoup fait pour les enfants Français ; ne me faites pas mourir le mien, ayez un bon mouvement, et accordez-moi l’autorisation que j’implore pour lui faire parvenir de la nourriture et des habits chauds. »
Le Préfet de police s’adressa le 8 janvier 1944 au Chef de la Sûreté et du Service de Sécurité auprès du Commandant Militaire en France. Il lui demandait « de bien vouloir me faire connaître la suite que cette demande vous parait devoir comporter, afin que je puisse en faire part au pétitionnaire. » Le 17 février un conseiller du tribunal répondit que « vêtements » et « vivres » ne pouvaient « être transmis que par l’intermédiaire de l’Administration de la prison. »
Édith Coletta fut jugée et condamnée à une lourde peine de prison qu’elle purgea en partie en France. En août 1944, elle était dans un convoi de vingt-quatre femmes et cent trente-deux hommes. Classée « NN » Nacht und Nebel (Nuit et Brouillard), ce qui signifiait condamnée à disparaître sans laisser de traces. Cette expression avait été empruntée par Hitler au livret de L’Or du Rhin de Richard Wagner.
Elle fut envoyée à la prison de Lauban à l’ouest de Breslau, puis au camp de Ravensbrück avant d’être incarcérée à la prison de Graslitz au nord-ouest de Karlovy- Vary (Tchécoslovaquie). Enfin elle a été affectée au Kommando de travail de femmes de Zwodau qui dépendait du camp de concentration de Flossenbürg à trente kilomètres de Karlsbad, où les détenues travaillaient pour la firme Siemens.
Édouard Ratti père d’Édith témoigna le 26 février 1945 devant la commission rogatoire qui enquêta sur l’activité d’un des inspecteurs qui interpella sa fille. Il déclara que « Le lendemain de son arrestation, des policiers sont venus chez moi, en compagnie de ma fille […] afin que celle-ci puisse prendre du linge. » Il eut la possibilité de lui rendre visite à la prison de Fresnes, elle lui assura « n’avoir pas été maltraitée durant son séjour dans les locaux des Brigades spéciales. »
Il savait qu’elle avait été déportée en Allemagne : « Le 3 août 1944 [elle lança] une lettre clandestine du train qui la conduisait hors de France. » Il déposa « plainte contre les policiers responsables de [sa] déportation. »
Rentrée de déportation, elle témoigna le 26 septembre 1945 devant une commission rogatoire. Elle relata son parcours, son arrestation. « Le 26 septembre [1943], j’ai été incarcérée à la prison de la Roquette. […] J’ai purgé ma peine à Fresnes et à Rennes. » Elle rappela sa déportation à Ravensbrück « J’ai été libéré par des partisans polonais le 20 mai 1945. »
Elle relata son interrogatoire dans les locaux des Brigades spéciales « J’ai été frappée de coups de tête au menton par M. et giflée par L. »
« Je tiens à vous signaler qu’au cours de la perquisition effectuée par M., L. et le secrétaire des Quinze-Vingt, M. m’a obligée à me déshabiller sous la menace d’un revolver, soi-disant pour se rendre compte si je ne portais pas des armes. »
« Il m’a été dérobé du linge de corps pour homme, deux paires de chaussures pour homme, de la lingerie de dame, un manteau, du ravitaillement, une paire de chaussures de dame, du linge de maison, une chevalière, une alliance, des boucles d’oreilles en or, une somme de seize mille francs appartenant à un prisonnier de guerre, et sept mille francs m’appartenant. »
Elle porta plainte contre les inspecteurs qui l’arrêtèrent, contre ceux qui la frappèrent et contre ceux qui se rendirent coupable de vol.
Elle épousa son ami Marcel Gitton, fut homologuée Édith Ratti épouse Coletta combattante des Forces françaises de l’intérieur (FFI), et Déportée internée résistante (DIR).au titre de la Résistance intérieure française (RIF).
Elle habita avec son mari et son jeune fils à nouveau Le Bourget jusqu’en 1956, puis au 30 rue Debelleyne à Paris (IIIe arr.). Elle exerça la profession de comptable. Édith Ratti épouse Coletta a été homologuée combattante des Forces françaises de l’intérieur (FFI), et Déportée internée résistante (DIR).
En 1969, Édith Coletta sollicita la Médaille militaire, le Préfet de police donna un avis favorable le 17 juillet 1969. En septembre 1977 elle fut proposée au grade de Chevalier, dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur au titre du ministère de la Défense. L’auteur de la note releva : « Elle n’a fait l’objet d’aucune remarque lors des évènements de mai-juin 1968. »
Elle mourut le 14 juin 1996 à Draveil (Essonne).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article228258, notice COLETTA Édith Alice née RATTI dite Yolande par Daniel Grason, version mise en ligne le 26 mai 2020, dernière modification le 24 février 2021.

Par Daniel Grason

Édith Coletta
Édith Coletta

SOURCES : Arch. PPo. GB 137 BS2 (transmis par Gérard Larue), rapport hebdomadaire des Renseignements généraux du 25 octobre 1943, BA 1928, 1 W 174-50035, 77 W 5364-310721. – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. – État civil acte de décès site internet Match ID acte n° 00314 N.

Photographie : Arch. PPo. GB 187

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