DEJACE Joseph, Théodore, dit Théo. [Belgique]

Par Rik Hemmerijckx

Liège (pr. et arr. Liège), 7 mars 1906 − Liège, 11 février 1989. Instituteur, syndicaliste, résistant, militant communiste, député communiste de l’arrondissement de Liège puis sénateur, conseiller communal de Liège, militant wallon.

Joseph Dejace, dit Théo, est issu d’une famille d’ouvriers socialistes à Liège. Son père, Joseph Dejace, est un des fondateurs du syndicat local des peintres en bâtiment. En août 1914, à l’âge de huit ans, Théo Dejace perd son père, exécuté lors de l’invasion allemande. Il poursuit ses études. Après les humanités, il effectue une formation d’instituteur à l’École normale provinciale de Jonfosse (Liège). Il obtient son diplôme d’instituteur en 1925. Par après, il s’acquitte de ses obligations militaires. Il passe un certain temps en chômage. Pendant deux ans, il est employé dans une banque. Il est même, durant quelques mois, agent de police à Liège. Finalement, en septembre 1929, il est engagé dans l’enseignement communal de Liège.

Membre, depuis 1925, de la Centrale du personnel enseignant socialiste (CPES), Théo Dejace commence à développer une activité militante. Début 1932, il est intégré dans le comité liégeois de la CPES. Il est élu, au début de 1934, secrétaire de la CPES de Liège-ville. En même temps, il est un animateur des Jeunes éducateurs prolétariens, une association qui s’occupe de formation littéraire, politique et syndicale. En 1935, il épouse Elisabeth Gille, dont il n’aura pas d’enfant. La même année, il devient secrétaire du Comité d’action provincial de la CPES.

Lors de ces années, le militant syndical Théo Dejace déploie une activité débordante au sein de plusieurs comités et associations : le Comité de vigilance des intellectuels anti-fascistes (CVIA), le Comité d’aide à l’Espagne, le Rassemblement universel pour la paix (RUP), les Jeunes gardes socialistes unifiées (JGSU), les Amis de l’URSS et le Secours rouge international (SRI). De plus, il s’est engagé dans le mouvement wallon et il devient même président de la Concentration wallonne à Liège.

En parallèle, Théo Dejace monte dans la hiérarchie syndicale. En janvier 1937, il est promu secrétaire adjoint de la section régionale de la CPES liégeoise. En décembre 1938, il devient président de la section locale de la CPES de la ville de Liège et, en janvier 1939, au moment où il est désigné comme secrétaire, la direction de la section liégeoise de la CPES lui tombe effectivement entre les mains. Au cours de ces années, il édite l’organe de la CPES liégeoise, L’École wallonne.

Vu ses prises de position dans la politique nationale et internationale et ses contacts antérieurs avec Georges Cogniot de l’Internationale des travailleurs de l’enseignement (ITE) − il a suivi une formation marxiste-léniniste à l’Université ouvrière à Paris et, en 1935, il a assisté aux congrès de l’ITE à Meudon (département des Hauts-de-Seine, France) et à Oxford (Angleterre) −, Théo Dejace est soupçonné d’être un sympathisant communiste. La presse socialiste l’appelle « un agent bénévole de Staline ». Ainsi, en mars 1940, les socialistes parviennent à défaire Dejace de sa position à la tête du syndicat des enseignants.

Avec l’invasion de la Belgique et la résistance contre l’occupation allemande, le militantisme de Théo Dejace entre dans une nouvelle phase. En mai 1940, il adhère officiellement au Parti communiste de Belgique (PCB) et est immédiatement intégré dans la direction clandestine du PC liégeois. Dejace s’oppose à l’adhésion du syndicat des enseignants au syndicat collaborationniste de l’Union des travailleurs manuels et intellectuels (UTMI) et mène des actions revendicatives avec le personnel communal liégeois. En mai 1941, il entre dans la clandestinité. Il échappe ainsi à la vague d’arrestations du 22 juin 1941. À partir de l’été 1941, il participe, en tant que propagandiste-agitateur du PC liégeois, à la constitution de comités clandestins dans les usines de la région liégeoise. En août 1941, il est parmi les fondateurs du Front wallon pour la libération du pays, le précurseur du Front de l’indépendance dans la région liégeoise. Vers la fin de l’année 1941, Dejace est appelé à Bruxelles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale) pour renforcer la cellule de l’organisation nationale du PCB. En cette qualité, il s’occupe de la politique syndicale du parti. En partant de l’exemple liégeois, il va promouvoir la constitution de Comités de lutte syndicale (CLS) au sein des entreprises. Il est également instructeur du parti dans les différentes fédérations wallonnes. Début 1943, il entre dans le Comité central du PCB. Pendant une courte période, il est le secrétaire politique du PC à Bruxelles. Il est ensuite le responsable national des éditions clandestines du parti. Il échappe à la vague d’arrestations de juillet 1943 et est réengagé comme instructeur pour Bruxelles, le Brabant wallon et le Hainaut. Vers la fin de l’Occupation, en août 1944, nous le retrouvons comme responsable national des CLS. Lors des années de guerre, il a une liaison avec Juliette Franquet : il en a un fils, Robert Dejace.

A la Libération, sous l’impulsion de Théo Dejace, les différents CLS locaux et régionaux sont trans-formés en Syndicats uniques et dotés d’une organisation nationale, la Confédération belge des syndicats uniques (CBSU) au sein de laquelle l’influence communiste est prépondérante. Secrétaire national de la CBSU, Dejace entame des pourparlers de fusion avec les différents syndicats socialistes pour constituer la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB), le 1er mai 1945. De 1945 à 1948, Théo Dejace est le principal représentant du courant communiste au sein de la direction nationale de la FGTB. Pourtant il éprouve des difficultés à s’imposer au sein d’une organisation dominée par les syndicalistes socialistes. L’édition du journal de la FGTB lui est retirée après quelques mois et les discussions techniques dans les commissions concordent mal avec ses expériences d’homme d’action. L’élection de Théo Dejace, en février 1946, comme représentant du PCB au sein du Parlement belge, ne facilite pas les choses non plus. À partir de mars 1947 surtout, au moment où les communistes quittent le gouvernement belge, les tensions au sein de la direction nationale de la FGTB vont crescendo. Dejace étant considéré comme impuissant au sein de la FGTB nationale, la direction du PCB décide, en janvier 1948, qu’il doit renoncer à son mandat syndical. Ainsi il est obligé de quitter le Secrétariat national du syndicat, prélude de la reprise en main de la FGTB nationale par les socialistes. Fin février 1948, lors du congrès de la FGTB, tous les communistes sont exclus du secrétariat national et du bureau de la FGTB. En désaccord avec les interventions maladroites de leur parti, plusieurs des syndicalistes communistes rompent ou sont exclus du parti.

À partir de 1948, Théo Dejace se concentre exclusivement sur ses activités politiques. Il dispose toujours de son mandat parlementaire, mais il ne s’occupe plus du syndicalisme. Au début de 1949, il est désigné comme secrétaire politique de la Fédération liégeoise du PC, mais, après un conflit interne à la fin de 1950, il doit quitter son poste. En plus, il doit céder son mandat au sein du Bureau politique.

Pourtant Théo Dejace continue à militer aussi bien sur le plan national que local. En octobre 1952, il est élu membre du conseil communal de Liège. Sur le plan personnel, il y a également quelques changements. Il se remarie en 1950 avec Hélène Noville qui lui donne une fille, Yvonne. Parlementaire communiste et membre actif du PC dans la région liégeoise, Dejace est également très présent dans les associations de la Résistance : au début de 1960, il entre à la direction nationale du Front de l’indépendance et dans l’Union belge pour la défense de la paix. Comme parlementaire, il soutient entre autres la lutte contre la fermeture des charbonnages.

Renouant avec son engagement wallon après la grève de 1960-1961, Théo Dejace entre dans le Conseil général du Mouvement populaire wallon (MPW). En 1965, il quitte la Chambre pour devenir membre du Sénat. Ce n’est qu’en 1968, après vingt-deux années, qu’il termine ses activités parlementaires. Sur le plan local, il maintient son mandat au sein du conseil communal jusqu’en 1976. Membre du Comité Central du parti depuis 1943, il quitte les instances dirigeantes en mars 1971. Communiste dur et pur, il a du mal à accepter la nouvelle politique communiste plus indépendante vis-à-vis de l’Union soviétique. L’eurocommunisme ne le tente pas non plus. Il prend ses distances par rapport à l’orientation générale et à la direction du PCB, mais il garde la confiance de la fédération liégeoise. Président de la section de Liège-ville, il reste un militant fidèle.

Théo Dejace s’éteint à Liège en février 1989.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article228422, notice DEJACE Joseph, Théodore, dit Théo. [Belgique] par Rik Hemmerijckx, version mise en ligne le 3 juin 2020, dernière modification le 21 mars 2024.

Par Rik Hemmerijckx

SOURCES : IHOES, archives Théo Dejace − CArCoB, dossier CCP − GOTOVITCH J., Du rouge au tricolore. Les communistes belges de 1939 à 1944. Un aspect de l’histoire de la Résistance belge, Bruxelles, 1992, Labor, p. 500-501 − HEMMERIJCKX R., « Théo Dejace », dans Nouvelle biographie nationale, t. 4, Bruxelles, Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, 1997, p. 98-103 − HEMMERIJCKX R., Van Verzet tot Koude Oorlog, 1940-1949 : machtsstrijd om het ABVV, Brussel-Gent, VUBPress-AMSAB, 2003 − NAIF N., L’eurocommunisme en Belgique. Crises et débats autour d’une voie belge au socialisme (1954-1982), Bruxelles, CArCoB, 2004.

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