SCHWARTZ Sophie [CHAJMOWICZ Zysla, épouse MICNIK]

Par Zoé Grumberg

Née le 28 décembre 1905 à Lodz (Empire russe, aujourd’hui Pologne), morte le 17 janvier 1999 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) ; ouvrière, employée ; militante du Bund puis communiste en Pologne, aux Pays-Bas, en Belgique puis en France ; résistante.

Sophie et Leizer Micnik à Paris, en 1938-1939 (in René Goldman, Une femme juive dans les tourmentes du siècle passé, Sophie Schwarz-Micnik (1905-1999)).

Issue d’une famille juive de la petite bourgeoisie aisée comptant huit enfant, Sophie (Zysla) Chajmowicz fut toutefois animée par un sentiment de révolte contre l’injustice sociale dès son enfance, dans le grand centre industriel qu’était Lodz, le Manchester de la Pologne. La famille connut une certaine précarité pendant la Première Guerre mondiale, ce qui conduisit Sophie à arrêter ses études à 15 ans. La restauration de l’État polonais la confronta plus brutalement qu’auparavant à l’antisémitisme. « Radicalisée par la révolution russe », l’adolescente adhéra à la fraction radicale de l’organisation de jeunesse du Bund (Tsukunft), un mouvement socialiste juif anti-bolchévique. À 18 ans, elle rejoignit la fraction communisante du Bund puis les Jeunesses communistes en 1922, à la suite de la fusion de cette organisation et de l’Union de la jeunesse communiste.

Arrêtée une première fois en 1924, elle comprit qu’il lui fallait fuir la Pologne où le Parti communiste était alors clandestin. Elle rejoignit les Pays-Bas en 1925 grâce à un contrat de travail de bonne à tout faire dans une famille de diamantaires. Aux Pays-Bas, elle se fit en réalité employer en usine à Amsterdam et milita dans l’organisation de jeunesse communiste du pays. En 1927, elle quitta Amsterdam pour Bruxelles en Belgique où elle devint coupeuse dans une usine de linge. Ayant rencontré des amis de Lodz, elle adhéra à la Kultur Liga, un cercle culturel juif de gauche au sein duquel elle fut vite élue à la direction. Elle y rencontra son futur mari, Leizer Micnik, avec qui elle s’installa à Anvers. Le couple, qui se maria en 1929, milita dans des cellules communistes. Sophie militait dans une cellule de postiers tout en travaillant dans une usine de confection de luxe. Après avoir organisé une grève dans l’usine de maroquinerie où il était employé, Leizer fut arrêté et expulsé de Belgique. Le couple rejoignit donc la France en 1930.

À Paris, pendant près de six ans, le couple vécu « l’existence pénible des réfugiés politiques et travailleurs immigrés illégaux ». Ils poursuivirent leurs activités à la Kultur Liga et Leizer milita à la CGT. À Paris, en 1935, avec d’autres femmes de la Kultur Liga, Sophie Schwartz fut l’une des fondatrices du Mouvement des femmes juives contre le fascisme et la guerre. Le but de l’organisation était de donner la possibilité aux femmes de se rencontrer entre elles. Le mouvement fournissait aussi une aide matérielle et spirituelle aux familles dont le mari combattait en Espagne. Sophie Schwartz prit aussi conscience des difficultés auxquelles étaient confrontées les mères qui s’occupaient seules de leurs enfants. Avec Hélène Prochover – qui dirigea après-guerre une maison d’enfants de la Commission centrale de l’enfance (CCE) auprès de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE) – elle fonda un pensionnat pour quinze enfants de trois à six ans. Hélène Prochover avait une formation de pédagogue qui lui permettait de s’occuper de la partie éducation des enfants, tandis que Sophie était à la fois gestionnaire et bénéficiait de la confiance des mères. Avec le début de la guerre, le pensionnat ferma. Sophie participa alors à la création d’une organisation qui prit pour nom Les femmes réunies, dont le but était l’entraide parmi les femmes juives dont les maris étaient mobilisés.

En septembre 1940, elle fut l’une des deux femmes dans le groupe de neuf militants juifs communistes réunis dans un appartement parisien pour créer une grande organisation clandestine d’aide aux Juifs immigrés : Solidarité. En plus d’animer, avec Techka Tenenbaum et Jeanne Pakin, l’Union des femmes juives qu’elle avait créé en 1935, Sophie Schwartz fut l’une des dirigeantes de Solidarité. Très vite, elle fut chargée du « groupe technique » de Solidarité : elle assura, avec son agente de liaison, le fonctionnement d’une vingtaine de machines rudimentaires sur lesquelles étaient imprimés un journal clandestin en yiddish et des tracts en yiddish et français. Le 21 août 1941, Leizer fut arrêté dans une rafle dans le XIe arrondissement. Il resta à Drancy plus d’un an avant d’être déporté le 19 août 1942 à Auschwitz où il fut gazé dès son arrivée.

En 1942, Sophie Schwartz entra à la direction de la section juive de la Main-d’œuvre immigrée (MOI) en zone nord où, encore une fois, elle était la seule femme avec Techka Tenenbaum. Elle fonda un Comité pour l’enfance. Elle s’occupait aussi du sauvetage des enfants en zone occupée dans le cadre du Mouvement national contre le racisme (MNCR) fondé en 1942. En 1943, elle fit partie du petit groupe de fondateurs de la grande organisation juive communiste de résistance : l’URE. Après des vagues d’arrestations en zone nord, auxquelles elle échappa, Sophie participa à la reconstruction de la direction nationale de la MOI en zone sud. Elle assuma aussi la direction politique d’un groupe de combat de la MOI. Lorsque le dirigeant des cadres de la section juive de la MOI de zone sud, Schmulek Farber, tomba malade, Sophie Schwartz le remplaça. Elle fut chargée de la coordination des organisations régionales de l’UJRE puis promue lieutenant des FTP-MOI.

Quelques jours après la Libération, Sophie Schwartz qui était encore à Lyon, fut appelée à Paris par le Comité central du PCF pour assister à une conférence tenue secrète qui aurait pu porter sur la question de la dissolution de la MOI et de l’intégration de ses groupes dans les organisations de masse du PCF. À la même période, Sophie Schwartz participa au passage de la clandestinité à la légalité du comité de l’Enfance. La CCE vit le jour en 1945 et élit Joseph Minc à sa direction. Après la démission de Minc, en 1946, Sophie Schwartz en devint la secrétaire générale. À la fin des années 1940, après des voyages en Pologne dans le cadre de ses fonctions, elle décida de partir s’installer à Varsovie. Elle quitta la CCE en novembre 1950. À Varsovie elle fut nommée directrice du Club international du livre et de la presse, une institution qui vendait des livres et revues étrangères, à contenu communiste pour l’essentiel, avait une bibliothèque et proposait des cours de langue. Jusqu’en 1957, son chef direct était Adam Rayski, autre militant de la sous-section juive de la MOI, retourné en Pologne en 1949.

Fidèle du communisme, elle traversa les troubles de la fin des années 1950 en Pologne. En 1968, à la suite de la guerre des Six Jours, une campagne « antisioniste » ébranla la Pologne. Sophie Schwartz aurait été contrainte d’organiser dans le Club des expositions et conférences sur les « atrocités perpétrées par les Israéliens contre les Arabes ». Face à son refus, elle fut congédiée en avril 1968. Au début de l’année 1969, alors en visite à Paris, elle décida d’y rester. Elle demanda l’asile politique en France, qu’elle obtint avec difficultés. Son passé de résistante lui permit finalement d’obtenir un permis de séjour, une pension de veuve de guerre et sa naturalisation. Elle perdit en revanche sa pension de vieillesse : le gouvernement polonais se refusait en effet à la payer aux Juifs qui avaient quitté le pays en 1968. Elle travailla donc encore quelques années, malgré sa santé fragile. Elle voyagea aussi et partit à la rencontre de vieux amis dans divers pays. Elle mourut le 17 janvier 1999. Elle est enterrée dans le carré des résistants juifs du cimetière de Bagneux.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article228638, notice SCHWARTZ Sophie [CHAJMOWICZ Zysla, épouse MICNIK] par Zoé Grumberg, version mise en ligne le 1er juin 2020, dernière modification le 9 décembre 2020.

Par Zoé Grumberg

Sophie et Leizer Micnik à Paris, en 1938-1939 (in René Goldman, Une femme juive dans les tourmentes du siècle passé, Sophie Schwarz-Micnik (1905-1999)).

SOURCE : René Goldman, Une femme juive dans les tourmentes du siècle passé, Sophie Schwarz-Micnik (1905-1999), AGP (2006).

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