Par Gérard Boëldieu
Né le 25 août 1911 à Chaville (Seine-et-Oise, Hauts-de-Seine), mort le 30 juin 1998 à Saint-Avertin (Indre-et-Loire) ; instituteur puis professeur ; militant socialiste ; syndicaliste du SNET de la Sarthe.
D’ascendance bretonne, François Dornic était le deuxième enfant d’un couple modeste qui en eut cinq. Quelques années avant 1914, ses parents, domestiques de ferme à Gouézec (Finistère), migrèrent dans la région parisienne pour travailler comme ouvrier maçon et couturière. Puis son père travailla aux Hauts-fourneaux de Caen à Mondeville (Calvados).
Entré en 1928 à l’École normale d’instituteurs de Caen, directement en deuxième année, François Dornic en sortit en 1930 et fit un voyage à Genève, car il avait été lauréat du concours des Amis de la Société des Nations. Instituteur à Vire (Calvados) pendant trois mois, puis à Colombelles (Calvados), durant deux ans, il prépara avec succès une licence d’histoire-géographie à la faculté des lettres de Caen et les épreuves du concours d’entrée à l’École normale supérieure de l’enseignement technique (section EF, 1932-1934). Il exerça comme professeur en 1935 à l’École nationale professionnelle de Limoges (Haute-Vienne), puis, à compter de 1936, à l’École pratique de commerce et d’industrie du Mans. Dans la Sarthe, avant de s’installer au Mans, il résida au Breil, où sa femme fut postière de 1936 à 1941. Il l’avait épousée en novembre 1936 à Mondeville. Le couple eut une fille en 1938.
François Dornic s’intéressa très tôt à la vie politique, au contact des ouvriers socialistes et communistes de Mondeville. En 1928, il adhéra au Parti socialiste SFIO. En 1932, il représenta les étudiants de Caen au congrès des étudiants socialistes de Toulouse. « Plus que sympathisant » du Front populaire, pendant son séjour à Limoges il adhéra au Parti communiste à la Cité universitaire de Paris (XIVe arr.) puis à Limoges, où il fut secrétaire adjoint du comité du rayon. Il le quitta pour rejoindre à nouveau le Parti socialiste SFIO.
Mobilisé en septembre 1939, comme caporal au 74e régiment d’infanterie, François Dornic fut grièvement blessé dans les Ardennes le 10 juin 1940. Revenu au Mans, mutilé à 65 % et réformé définitivement, il reprit ses cours. On ne lui connaît aucune activité de résistance durant l’Occupation.
Après la Libération et sous la IVe République, François Dornic fut un militant socialiste les plus en vue et des plus écoutés, tant à la section du Mans à laquelle il adhéra en novembre 1944 et dont il devint le secrétaire au milieu des années 1950, que dans la fédération de la Sarthe, où, au bureau, il eut diverses responsabilités jusque dans les années 1960 et où il s’afficha fidèle soutien de Christian Pineau. À la fin des années 1940 et dans les années 1950, il se chargea, au sein de « l’école socialiste » et du « Cercle Jean-Jaurès » au Mans, de la formation théorique et pratique des militants. Porte-parole socialiste SFIO lors des campagnes électorales, il fit aussi dans le département des tournées de conférences pour expliquer les positions de son parti. Défenseur de l’école publique, il fut, de la fin des années 1940 aux années 1960, délégué cantonal.
Candidat à diverses élections, François Dornic ne se vit confier par les Sarthois que des mandats locaux d’une relative brièveté : conseiller général du deuxième canton du Mans d’octobre 1945 à mars 1949, puis conseiller municipal du Mans de 1953 à 1959. Au conseil général, présidé par son ami Max Boyer*, membre de la commission départementale, président de la commission des finances et rapporteur du budget, il s’intéressa aux questions des cantines scolaires, de l’électrification, de la réorganisation des transports. Battu au renouvellement de mars 1949 par le gaulliste René Hilleret, à la suite du refus du candidat MRP Maury de se désister pour lui selon la discipline de la troisième force (mais selon le préfet, tous deux se seraient maintenus au deuxième tour par tactique, avec l’accord de la fédération socialiste SFIO), il tenta vainement de reconquérir un siège de conseiller général en 1951 (canton de Fresnay-sur-Sarthe) puis en 1955 (deuxième canton du Mans). Au conseil municipal du Mans, dans l’opposition au maire gaulliste, l’ancien socialiste Jean-Yves Chapalain, il accusait ce dernier de négliger les affaires culturelles. La fédération socialiste SFIO demanda une dérogation au comité directeur pour le présenter aux élections législatives de novembre 1946, car il n’avait pas cinq années d’appartenance au parti. Le comité directeur du 3 octobre 1946 refusa cette dérogation, mais l’accepta le 16 octobre après audition de Christian Pineau*. Son ouvrage Un homme pris dans la guerre, paru aux éditions Pierre Belon du Mans, fut-il convaincant ? En seconde position sur la liste socialiste, il ne fut pas élu.
Chargé de mission auprès de Christian Pineau, ministre des Affaires étrangères de 1956 à 1958, François Dornic l’accompagna à New-York lors de la session de l’ONU de février 1957 qui discuta de la question algérienne et en URSS, d’où il revint impressionné par les débuts de la déstalinisation. Comme Christian Pineau, avec la majorité de la fédération socialiste SFIO de la Sarthe, il s’opposa au retour du général de Gaulle et prôna le « non » au référendum de 1958. Délégué au conseil national du 26 octobre 1958, présenté dans un premier temps comme candidat titulaire dans la 4e circonscription de la Sarthe par le congrès fédéral du 19 octobre 1958, il céda sa place à Pineau qui devait faire face dans sa circonscription à la candidature de Poignant et devint son suppléant.
Depuis la Libération, militant cégétiste non moins actif, secrétaire adjoint de l’UD-CGT de la Sarthe, secrétaire du collège du travail pour la formation de tous les syndiqués et les délégués aux comités d’entreprises, François Dornic dénonçait la vie chère. Il participa, en octobre-novembre 1946, à la conférence nationale pour l’assainissement des prix. Partisan farouche de l’indépendance de la CGT, porte-parole des partisans de l’adhésion à la CGT-FO lors du congrès de 1948, membre du Syndicat national de l’enseignement technique, secrétaire de la section syndicale du collège technique du Mans, secrétaire régional du SNET pour l’Académie de Caen en 1953, il fut élu titulaire au Conseil de l’enseignement technique au titre des directeurs des cours professionnels en 1946 par 113 voix sur 118 et en 1950 par 88 voix sur 95. Membre suppléant de la commission administrative nationale de la Fédération de l’éducation nationale (1950-1951), membre titulaire, élu sur la liste des partisans de l’adhésion du SNET à la CGT-FO, de la commission administrative nationale du SNET de 1950 à 1952, il ne se représenta pas pour se consacrer à ses recherches historiques.
Les années 1960 marquèrent son détachement progressif du militantisme, tant politique que syndical. Docteur ès lettres en 1955 à la faculté de Caen, François Dornic devint maître-assistant au collège universitaire du Mans. Quand l’université du Maine se constitua en 1977, maître de conférences d’histoire moderne, il fut le premier président dès mars 1976 jusqu’en septembre 1979, touché par la limite d’âge.
François Dornic travaillait sur l’histoire régionale, écrivait des articles et donnait des conférences depuis 1950. Il était membre de plusieurs sociétés savantes locales, notammant l’Association culturelle et touristique du Mans et de la région où il en fut en 1960 le premier vice-président. Il avait collaboré à deux collections de manuels scolaires à la fin des années 1950 et dans les années 1960 parues aux éditions Istra à Strasbourg. Il participa à l’enquête collective sous la direction de Louis Bergeron sur les notables du Premier Empire et publia le volume sur la Manche en 1986.
Par Gérard Boëldieu
SOURCES : Arch. Nat, F/1a/3228, F/1cII/270, 271, 280, 298, 315, 563 ; F/1cIV/154. — Arch. OURS, dossier Sarthe. — Profession de foi aux élections législatives de 1958. — Annuaires des cabinets ministériels, ministère Guy Mollet, 31 janvier 1956, Office français d’éditions documentaires, juillet 1956. — Presse syndicale. Presse locale. — Procès-verbaux imprimés des séances du Conseil général de la Sarthe. — Procès-verbaux des séances du Conseil municipal du Mans. — Bulletin de l’Enseignement primaire de la Sarthe. — Dossiers électoraux aux Archives départementales. — Entretien de François Dornic avec Michel Rosier, La Vie mancelle, mai 1977. — Notes de Jacques Girault, de Gilles Morin, de Julien Veyret. — Témoignage de Roland Pilou. — Œuvre autobiographique de François Dornic.