DORON Marie [née FLEUR Marie, Antoinette, Pierrette]

Par Jean Lorcin

Née le 19 juillet 1907 au Chambon-Feugerolles (Loire), morte le 8 décembre 1993 à Balbigny (Loire) ; institutrice ; militante communiste de la Loire, épouse de Jean Doron.

Le père de Marie Fleur, Étienne, né le 31 décembre 1878 au Chambon-Feugerolles de Magloire et d’Antoinette née Barrelet, mineur à Roche la Molière et à Firminy, était devenu après sa retraite en 1933 manœuvre spécialisé dans une petite entreprise métallurgique de Saint-Étienne ; sa mère, Marie, née Fournier, ourdisseuse, fut en 1937 trésorière du syndicat du textile de Saint-Étienne.

Son frère Jean, Antoine, Magloire Fleur, né au Chambon-Feugerolles (Loire), était secrétaire des Jeunesses communistes en 1930, membre du bureau du rayon des JC en 1932, membre très actif du Parti communiste. Il fut arrêté pour violences à agents le 12 juin 1934, lors d’une manifestation contre les « Croix de Feu », et condamné à 6 mois de prison et 100 francs d’amende par le Tribunal correctionnel de Saint-Etienne le 13 juin 1934.

Après l’école primaire, Marie Fleur fut élève à l’école primaire supérieure, de 1920 à 1923, puis à l’École normale d’institutrices de Saint-Étienne, de 1923 à 1926. Elle débuta comme institutrice à Rozier-Côtes-d’Aurec de 1926 à 1929, puis fut nommée à Rive-de-Gier de 1929 à 1931. Après une année à Oullins (Rhône), elle revint en octobre 1932 à Chambon-Feugerolles puis, à partir d’octobre 1936 enseigna dans une école de Saint-Étienne.

Marie Fleur épousa en septembre 1930 à Saint-Étienne Jean Doron, alors secrétaire de la région lyonnaise qu’elle avait connu en 1927 au Syndicat unitaire de l’enseignement, alors qu’il était secrétaire de rayon. Elle vécut avec lui dans le Rhône en 1931-1932 mais après le décès de son mari en février 1932, elle revint en octobre dans la Loire. Adhérente à la Fédération unitaire de l’enseignement, elle avait milité au Groupe des jeunes où elle avait sympathisé avec des militants communistes. Elle y avait adhéré en juillet 1928 sur recommandation de Quonten, et elle n’y fut dans un premier temps que cotisante : « C’est seulement, affirmait-elle dans son autobiographie de 1938, après la mort de Jean Doron, qu’aidée par les communistes de Saint-Étienne et par le camarade Frachon que je me suis attelée au travail du parti. » Cependant elle milita activement puisque le 1er août 1929, elle fut arrêtée ainsi qu’en 1930 pour distribution de tracts en vue du congrès du textile de Vienne, ce qui lui valut une lettre d’avertissement et son maintien à Rive-de-Gier alors qu’elle devait être mutée dans le Rhône, où se trouvait son mari, en application de la loi Roustan.

Après 1932, elle fut adhérente à la cellule de Chambon-Feugerolles puis à une cellule de Saint-Étienne après 1936. Elle s’occupait en 1933 de l’administration du journal Le Cri du Peuple et de la correction des articles tout en siégeant à la commission de presse et du comité de rayon. Le 21 octobre 1933, à la suite d’une manifestation contre la venue du Président de la République, bien qu’elle ait été à cet instant à une conférence pédagogique tenue à sept kilomètre, elle fut arrêtée avec tous les dirigeants de la région et emprisonnée jusqu’au 23. Le tribunal de Saint-Étienne se déclara incompétent sur cette affaire.

Marie Doron était secrétaire du Comité départemental féminin de lutte contre la guerre et le fascisme (1934) et membre du bureau régional du Parti communiste (1938). Membre du comité de rayon de Saint-Étienne, elle repoussa les attaques de Gaucher et Brotte, contre le comité de rayon au congrès du 29 décembre 1935 : ce sont, dit-elle, les cellules « qui rendent le moins qui critiquent le plus le rayon ». En revanche, elle poussa le Parti à « se dégager de la tutelle des autres partis composant le Front populaire » en leur imposant, « par le canal des organisations antifascistes », la tactique de « discipline de Front populaire » qui devait remplacer la vieille formule de discipline républicaine, à savoir le « désistement total des candidats de Front populaire en faveur de ceux ayant obtenu le plus de voix au premier tour ». Dans cette perspective, elle invita le Parti à commencer immédiatement sa campagne électorale afin de se placer en tête dès le premier tour.

Membre du comité de région (1936), elle s’opposa, au congrès de région du 12 janvier 1936, à tout mouvement de grève « déclenché avant de s’être assuré l’appui de la municipalité du Front populaire », à Saint-Étienne ; de plus, elle invita le PC à rechercher, d’ores et déjà « les bases d’une fusion avec le parti SFIO donnant naissance à un parti unique » sous direction communiste.

Au cours du meeting électoral du 26 janvier 1936, Benoît Frachon rendit un vibrant hommage au courage de la veuve de Jean Doron, « cette petite femme de rien » qui, après avoir été emprisonnée, bafouée à la suite des manifestations d’octobre 1933 contre le Président de la République, « n’a pas reculé et est restée » dans les rangs du Parti communiste.

Déléguée à la conférence nationale de Paris de juillet 1936, chargée en septembre 1936 de l’organisation matérielle de l’école régionale de quinze jours du parti, elle avait « désirée vivement (en) suivre régulièrement les cours comme élève. » Elle était responsable pour la région du CDLP pour la diffusion des brochures et du matériel de propagande. Le secrétariat de la région l’avait chargée de l’éducation et du travail parmi les femmes. Elle fut réélue au secrétariat à la conférence régionale des 11-12 décembre 1937. Pourtant Allard, qui la suivait, rapportait :
« J’ai été obligé à la commission politique de m’élever fermement contre la politique erronée qui consiste à placer partout aux postes de direction des instituteurs ce qui empêche à nos cadres ouvriers de pousser et j’ai été amené à expliquer terre à terre de quelle façon nous devons utiliser les camarades intellectuels. On m’a compris. Profitant de cette victoire, j’ai proposé de retirer 5 instituteurs dans la liste des candidats pour le CR et de les remplacer par un paysan et par des ouvriers ». Il précisait que sur la liste des 31 candidats, il y avait 11 instituteurs et 8 ou 9 permanents. Il ajoutait :
« si j’ai été très énergique dans cette question c’est qu’à mon avis la fausse politique menée jusqu’ici à l’égard des instituteurs est en grande partie à l’origine de l’état de désorganisation su Parti dans la région et l’étouffement des cadres ouvriers et surtout de la politique ouvriériste menée par nos camarades. [...] Pourquoi l’organisation du Parti est-elle mauvaise ? J’ai l’impression que depuis des années les instituteurs ont dirigé virtuellement la région et que par conséquent un état d’esprit très mauvais s’est fait jour même chez nos cadres ouvriers. » [...]
« le parti a ressemblé davantage à un club de discutailleurs qu’à un organisme communiste de direction où tous les problèmes sont examinés et résolus, conformément aux fonctions objectives de notre travail. Dans les réunions où les militants ouvriers se taisaient ou bien quand ils prenaient la parole, ils faisaient un effort pour calquer leurs interventions sur celles des pédagogues. De fait la phraséologie a remplacé l’étude des questions concrètes et dans l’ensemble on ne s’est pas soucié de donner une structure solide à nos cellules. Les seuls instituteurs qui voient les problèmes terre à terre, mais dans le cadre des défauts de la région, sont Launay et Marie Doron. »

Marie Doron fut déléguée au congrès national d’Arles (décembre 1937).

Sur le plan syndical, elle avait, en tant qu’ancienne membre de la CE de l’Union régionale unitaire, été membre de la commission d’unité pour la préparation du congrès de fusion en 1935 et, en tant que membre du bureau du syndicat unitaire de l’enseignement été admise au conseil syndical du SNI après la fusion, mais elle en fut, disait-elle, évincée par les « réformistes ».

Elle travailla à la constitution de Comité des femmes contre le fascisme et la guerre et en fut secrétaire départementale. Ces comités, au nombre de neuf, auraient regroupé un millier d’adhérentes et s’occupaient de la solidarité avec l’Espagne. Ils jouèrent un rôle actif dans le RUP dont elle était membre du bureau.

Marie Doron, amie de Benoît Frachon, faisait toujours partie du bureau régional du PC en 1938-1939. Hostile au Pacte germano-soviétique, elle rompit avec le Parti communiste à la fin de l’année 1939 : dès janvier 1940, Frachon notait le refus de « Mimi » Doron de diffuser, dans la Loire, le manifeste rédigé par Marty (IRM. — IML, 852, Lettre de janvier 1940, jour non précisé). Elle n’en fut pas moins déplacée dans une localité rurale éloignée de Saint-Étienne, à Saint-Bonnet-le-Courreau (Loire), le 11 mars 1940, comme « militante communiste notoire et particulièrement dangereuse ». Elle figura cependant sur la « liste noire » éditée par le Parti communiste sous l’Occupation.

Révoquée de son poste d’institutrice par un arrêté préfectoral du 28 mai 1940, elle fut assignée à résidence à Noirétable (Loire), en application d’un arrêté préfectoral du 6 juillet 1940, puis à Saint-Romain-le-Puy (Loire), où demeurait également son frère Jean, en application d’un arrêté préfectoral du 17 juillet 1941.

Marie Doron fut déchue de son mandat de déléguée du conseil municipal de Saint-Étienne au Conseil de perfectionnement de l’école pratique de jeunes filles de cette ville le 20 septembre 1940, vu qu’elle n’avait pas « répudié catégoriquement toute adhésion au Parti communiste ».

Marie Doron se lia puis se maria avec l’ancien député communiste René-Émile Colin, également astreint à résidence à Saint-Romain-le-Puy. Cette liaison contribua à couper les ponts avec la direction du Parti communiste qui considéra que Colin, député, et de plus responsables des planques en région parisienne, commettait une faute grave et vivant avec un militante qui avait condamnée le Pacte germano-soviétique et ses suites.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22876, notice DORON Marie [née FLEUR Marie, Antoinette, Pierrette] par Jean Lorcin, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 9 août 2021.

Par Jean Lorcin

ŒUVRE : Articles dans Le Cri du Peuple, notamment « Les Mineurs en ont assez » (18 avril 1936), « Que trois soucis animent notre Parti : recruter, organiser, éduquer » (23 mai 1936) ; « La mort dans les puits » et « Dans l’ordre, pour le droit syndical, pour la paix » (6 juin 1936) ; « La vraie richesse de la France » (7 octobre 1937).

SOURCES : RGASPI, 495 270 758, 33 janvier 1938, classée A. — Arch. Dép. Loire, 3 M 75, 4 M 588, 2 W 20, 85 W 94, 85 W 97, 85 W 103, 85 W 154, 1188 W (Renseignements généraux 1938-1941) 18. — Articles précités. — La Tribune républicaine, 24 février 1936, 27 septembre et 2 décembre 1938. — Le Cri du Peuple, 28 octobre 1933 (« Le coup de main était prémédité »), 1er décembre 1938 (« À la Ve conférence de la région de la Loire et Haute-Loire »). — Arch. Komintern, RGASPI, Moscou, 495 270 758, autobiographies : Paris, 28 septembre 1933, Saint-Étienne, 3 janvier 1938 (consulté par Claude Pennetier). — RGASPI, 517, 1, 1864, 1893, 1908 (consulté par Jacques Girault). — Girault (Jacques), Benoît Frachon, communiste et syndicaliste, Presses de la FNSP, 1989.

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