DOURY Robert, Francis

Par Yves Lequin

Né le 5 mars 1903 à Durtal (Maine-et-Loire), mort le 28 juillet 1980 à Saint-Cyr-au-Mont-d’or (Rhône) ; ouvrier métallurgiste ; syndicaliste et militant communiste.

Fils de André, un ancien ouvrier papetier devenu magasinier à Paris après un accident du travail qui l’avait mutilé à 70 %, et de Amélie Amirault , R. Doury commença son apprentissage d’ajusteur en 1916, suivant en cela un frère aîné devenu tôlier-formeur. Dans sa première entreprise, une usine de machines-outils repliée du Nord, il fut amené à participer en 1917, à l’âge de treize ans donc, à une grève qui devait le marquer profondément. Il avait déjà un esprit de militant révolté par la guerre et les conditions de vie du quartier de Belleville, à Paris, où il habitait, lorsqu’il quitta en 1918 ce premier atelier pour entrer comme compagnon aux établissements Bellanger où l’on montait des avions Bréguet 14.
C’est là qu’il vécut intensément la fin de la guerre, puis les grandes grèves de 1919, au cours desquelles il prit sa carte syndicale, à l’image de son père et de son frère, dans ce vaste mouvement d’adhésion qui souleva alors la métallurgie parisienne. De 1919 à 1923, il changea plusieurs fois d’emplois, tous dans la mécanique générale ou dans l’automobile, notamment chez Renault d’où il fut licencié avec plusieurs centaines d’autres travailleurs au lendemain du 1er Mai 1922. Militant très actif, sa mise à l’index devenait de plus en plus systématique. Au retour du service militaire (1923), précédé d’un bref séjour dans une entreprise de radio, il travailla dans l’industrie aéronautique naissante, toujours comme ajusteur, successivement chez Descamps, Farman, Caudron, Nieuport et Wibault, où il fut élu délégué du syndicat ouvrier affilié à la CGTU. À la fin de 1932, alors qu’il venait d’être renvoyé de chez Levasseur pour son rôle dans l’agitation revendicative, le syndicat unitaire des Métaux de la Région parisienne lui demanda d’assurer sa permanence juridique, qui consistait pour l’essentiel à suivre la défense des licenciés devant le conseil des prud’hommes, comme assistant des avocats pas toujours très au courant des conditions particulières de la métallurgie. En 1933, il devint trésorier du syndicat, avant d’accéder au secrétariat et d’être lui-même élu conseiller prud’homme (1935-1938).
Ses nouvelles responsabilités syndicales le placèrent au premier rang de l’activité syndicale dans la métallurgie de Paris et de sa banlieue et il fut amené à jouer un rôle essentiel dans plusieurs des grands conflits des années 1934 et 1935, notamment chez Citroën à la veille de sa liquidation judiciaire, chez Chenard-et-Walker au lendemain d’un lock-out, chez Simca enfin en 1935. Par bien des aspects, les formes originales de ces luttes annonçaient celles de 1936, comme, par exemple, l’occupation de leur usine par les grévistes de Panhard-et-Levassor en mai 1935 et la popularisation des mouvements dans un contexte local. R. Doury les avait proposées dès le début de 1934. Puis, porté par la vague générale et l’unification confédérale de 1935, l’Union syndicale unitaire de la Région parisienne des travailleurs des métaux passa en deux ans de moins de 3 000 adhérents à 14 000 environ à la veille du Front populaire. Et, en mars, c’est sous sa direction qu’eut lieu la première occupation du printemps 1936, celle des usines d’aviation M. Bloch. Au lendemain de la victoire électorale, R. Doury fut élu, en juillet 1936, secrétaire général de la nouvelle Union syndicale des métallurgistes parisiens réunifiée elle aussi, dans un bureau présidé par Alfred Coste*, où Jean-Pierre Timbaud* était secrétaire adjoint et Henri Gautier* administrateur. Et elle ne comptait pas moins de 250 000 membres ! Son nouveau responsable ne tarda pas à la mobiliser également en faveur de l’Espagne républicaine, où il se rendit au cours de l’été.
R. Doury devait conserver ces responsabilités jusqu’en 1939. Il jouait par ailleurs un rôle éminent à la Fédération des Métaux de la CGT, comme membre de sa Commission exécutive (à partir de novembre 1936). — voir Albert Carn*. — et, avec le même titre, à l’Union des syndicats de la Région parisienne, dès le congrès de fusion des 18 et 19 janvier 1936, puis reconduit en février 1937, en avril 1938 et en juin 1939. À ces titres divers, il prit à nouveau une part active à la grève des usines Citroën-Michelin en 1938 pour imposer. — avec succès. — le renouvellement de la convention collective, à celle de Renault, etc. et, d’une manière générale à tous les grands mouvements revendicatifs de l’immédiat avant-guerre, alors que les métallurgistes, et ceux de Paris en particulier, étaient considérés comme le fer de lance de l’action ouvrière. En même temps, il s’appliquait à insérer l’action revendicative proprement dite dans toute une série de réalisations pratiques à caractère de solidarité, sous la direction du syndicat, colonies de vacances, maison de repos de Vouzeron (Cher), dispensaire, « Maison des métallos », etc.
Militant communiste depuis 1935. — il avait alors été affecté à la cellule Panhard-et-Levassor -, R. Doury se retrouva minoritaire dans la CGT, en même temps que les anciens « unitaires » à partir de 1938. Mais, majoritaire dans sa propre Fédération, il fut de ceux qui contribuèrent à faire écarter de sa direction, au congrès fédéral de 1938, Marcel Roy*, leader des anciens « confédérés ». Lui-même fut réélu au comité exécutif (voir Castanier*).
Après avoir été mobilisé du 1er septembre 1939 à la fin d’août 1940, il vécut plus d’un an dans la clandestinité avant d’être arrêté à Paris le 22 octobre 1941. Interné en novembre au camp de Châteaubriant, il passa par la suite dans divers camps dont le pénitencier de Saint-Martin-de-Ré. Sa libération n’intervint que le 15 décembre 1944. L’année suivante, il appartint à la CE des Métaux de la Région parisienne.
Parti à Lyon pour des raisons familiales, il entra alors aux usines Berliet où il participa activement à la gestion ouvrière jusqu’à sa fin, en 1947, comme secrétaire des Techniciens et Employés. — grands bureaux. La persistance d’ennuis de santé apparus lors de sa captivité le fit se consacrer entièrement par la suite aux grandes campagnes du Mouvement de la paix, tout en assurant la vice-présidence, puis la présidence de la FNDIRP du Rhône et la vice-présidence de l’UFAC départementale.
En 1980 (cf. l’Humanité du 19 mars), R. Doury apporta son soutien à Georges Marchais.
Dans ses souvenirs enregistrés en 1980-1981 son ami Henri Jourdain* le présente comme un militant de formation plus ou moins anarcho-syndicaliste et, même après son adhésion au PCF, fortement marqué par l’ouvriérisme, teinté d’un véritable culte du métallo (le métallo peut et sait tout faire). Marié à Meudon (Seine-et-Oise) le 7 février 1925, il divorça le 29 mai 1947 et se remaria à Lyon IIIe arr. le 29 août 1953 avec Blima Landon, doctoresse qui entretiendra ce culte.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22928, notice DOURY Robert, Francis par Yves Lequin, version mise en ligne le 22 octobre 2013, dernière modification le 22 octobre 2013.

Par Yves Lequin

SOURCES : Comptes rendus des congrès. — Le Travailleur parisien, 1936-1939. — Agendas de la Bourse du Travail de Paris. — Correspondance avec Y. Lequin. — Henri Jourdain*, Comprendre pour accomplir, dialogue avec Claude Willard, Éditions sociales, 1982, p. 24. — État civil.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable