GAULTIER René, Jules, André [pseudonyme Julot]

Par Marie Claude Albert, Michel Thébault

Né le 23 janvier 1923 à Châtellerault (Vienne), guillotiné après condamnation à mort le 2 octobre 1944 à Brandenburg-Görden (Allemagne) ; ajusteur à la manufacture d’armes de Châtellerault ; militant communiste clandestin ; résistant OS puis FTPF.

René Gaultier était le fils de Jules Gaultier (né le 6 mars 1891 à Châtellerault), charretier et de Suzanne, Eugénie Caron (née le 21 novembre 1896 à Laon, Aisne). Son père, domicilié avec ses parents rue de la Jaulaie à Châtellerault, fut mobilisé le 6 août 1914 dans l’infanterie. Deux fois blessé en octobre 1914 lors des combats de l’Yser (Flandres) et en octobre 1916 dans la Somme, il fut ensuite transféré dans l’armée d’Orient, et démobilisé le 18 août 1919 (décoré de la Médaille militaire en 1934). Il se maria peu après, le 24 novembre 1919, avec Suzanne Caron, originaire de l’Aisne mais lors de son mariage également domiciliée rue de la Jaulaie. René fut le troisième de leurs sept enfants, après Denise et Paulette nées en 1920 et 1921, et avant Pierre né en 1926, Marcel en 1928, Jacques 1933 et Andrée née en 1935. Aux recensements de 1931 et 1936, la famille était domiciliée à La Bonalière, un lieu-dit de la Campagne de Châteauneuf, sur le territoire communal au nord-ouest de Châtellerault, sur la route de Lencloitre, non loin de la Brelandière et du secteur de la manufacture. Jules Gaultier après avoir été charretier à Châtellerault durant 10 ans, entra à la Manufacture d’armes de Châtellerault le 26 juin 1930, recruté comme ouvrier temporaire puis manœuvre spécialisé, exerçant de 1930 à 1951, date de sa retraite, dans divers ateliers ( canon, munitions, atelier central de précision... ). Vraisemblablement engagé syndicalement, car il a subi au moment des grandes grèves ouvrières de mai - juin 1936, une réduction de salaire.

René Gaultier après sa scolarité primaire, fut recruté à l’École d’apprentissage de la manufacture d’armes de Châtellerault le 13 octobre 1937 à l’âge de 14 ans pour se préparer au métier d’ajusteur. Apprenti durant trois années de 1937 à 1940, il devint au second semestre 1940 ajusteur à l’atelier central de la manufacture d’armes de Châtellerault. Il s’engagea très jeune politiquement et sans doute syndicalement, adhérant aux Jeunesses communistes de la Vienne et à la CGT. Après la dissolution du parti communiste le 26 septembre 1939, il continua à militer clandestinement au sein des Jeunesses Patriotes, qui poursuivaient l’action des Jeunesses Communistes et comprenaient à Châtellerault une section masculine et une section féminine. Après la défaite de juin 40, il participa dès octobre 1940, à la création de l’Organisation spéciale (O.S) chargé de recruter des ouvriers et des ouvrières. Léone Baugé-Jamain, l’une des premières ouvrières résistantes de la manufacture d’armes, relate dans ses mémoires, avoir été contactée par le jeune René Gaultier. Sous le pseudonyme de « Julot », il était chargé de l’information clandestine. A partir d’avril 1941, il fut l’un des responsables de l’impression des tracts communistes de L’Humanité clandestine et de l’Avant-Garde, signés « un groupe de patriotes » ou « comité de la Vienne du Front national de lutte pour l’indépendance de la France ». Il aurait également contribué à l’édition du Manuchard Libre, journal clandestin des ouvriers résistants de la Manufacture d’armes. Avec Joseph Carré, il assurait la réception à la gare de Châtellerault de paquets anonymés de tracts et journaux clandestins de Paris et les répartissait entre les groupes du secteur : une action particulièrement risquée. Au début de 1942, et dès sa création, il s’engagea dans le mouvement des Francs- Tireurs Partisans français (FTPF).

Il fut arrêté le 18 décembre 1942, lors du transport et de la distribution de tracts qu’il véhiculait de l’imprimerie clandestine de Champigny-le-Sec près de Neuville de Poitou (Vienne) jusqu’à Châtellerault. Son arrestation fut concomitante de celle de son camarade Fernand Marit accusé de sabotage d’un dépôt d’essence et de lignes téléphoniques. Elle intervint à la suite de la grève du 26 novembre 1942 à la manufacture d’armes contre la réquisition de 504 ouvriers pour l’Allemagne dite mesure Sauckel, manifestation que René Gaultier avait contribué à organiser. A la suite de cette manifestation, 14 résistants Francs-Tireurs-Partisans avaient été arrêtés le 17 décembre dont Eugène Roux, Jean Chiquet et d’autres, fusillés à Biard le 19 juin 1943. La perquisition au domicile de René Gaultier, à la Bonalière, ordonnée par la Kommandantur à la suite d’une dénonciation et effectuée par la gendarmerie française permit de découvrir les tracts dissimulés dans un vase, tracts qui furent remis à la police allemande.

Il fut incarcéré à la prison de la Pierre Levée à Poitiers jusqu’au 16 janvier 1943 où il fut interrogé et torturé. Il fut ensuite transféré au camp de transit de Compiègne, interné du 16 au 23 janvier 1943. Il fit partie du convoi de déportation parti de Compiègne le 24 janvier 1943, comprenant 1787 déportés (1557 hommes et 230 femmes) en direction du camp de concentration de Sachsenhausen, Il y fut immatriculé sous le numéro 58638. Condamné à mort par un Tribunal militaire allemand, il fut guillotiné le 2 octobre 1944 à 12 heures 30, à la forteresse de Brandenburg-Görden, prison d’application des peines de travaux forcés à l’ouest de Berlin Brandenburg, Il avait 21 ans. Même si son corps n’a vraisemblablement pu être rapatrié, il lui fut rendu hommage le 10 novembre 1944 lors de la cérémonie funéraire organisée à Châtellerault pour le retour des corps de 11 résistants exécutés (en majorité des manuchards), jusqu’au cimetière de Châteauneuf. Une tombe à son nom existe dans le Carré des fusillés (rang 2, tombe 3).

René Gaultier obtint la mention mort pour la France et fut homologué FFI en mars 1948. Il obtint également le statut Déporté - Interné -Résistant (DIR) en mai 1953 et la mention « Mort en déportation » a été portée sur son acte de décès par arrêté du 9 septembre 1992.

Son nom est inscrit sur le Monument des Martyrs de Châtellerault, édifié en 1947 sur la rive gauche de la Vienne, grâce à une souscription de la CGT et des ouvriers de la manufacture d’armes. Il figure également sur la stèle du « Carré des Fusillés » dans le cimetière de Châteauneuf (quartier rive gauche de Châtellerault) aux côtés de 10 camarades résistants dont 9 fusillés sur la butte de Biard près de Poitiers : Roger Aubugeau, Louis Bernier, Jean Chiquet, Robert Gaillard, Fernand Marit, Eugène Pineaud, Charles Plessard, André Susdorf, Pierre Tavernier, et 1 fusillé au camp de Souge (près de Bordeaux), Maurice Bourgois. Une rue de la ville lui a été dédiée le 3 novembre 1994 en commémoration du cinquantenaire de sa mort.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article229370, notice GAULTIER René, Jules, André [pseudonyme Julot] par Marie Claude Albert, Michel Thébault, version mise en ligne le 18 juin 2020, dernière modification le 27 mai 2022.

Par Marie Claude Albert, Michel Thébault

SOURCES : Arch. Dép. Vienne (état civil, registre matricule, recensements) — SHD Archives du personnel civil, antenne de Châtellerault, cotes AP 130441, AP 130 448 et AP 2725058 — Archives de la FNDIRP de la Vienne, section de Châtellerault — Fondation pour la Mémoire de la Déportation (en ligne) — Marie Claude Albert Châtellerault sous l’Occupation, Geste Éditions, 2005. — FNDIRP-AFMD, Mémoires de résistants de la Vienne, livret d’exposition, Geste Éditions, 2015 — VRID (Vienne, Résistance, Internement, Déportation) article en ligne de Marie Claude Albert sur la répression à la Manufacture d’Armes — Mémoire des Hommes — Mémorial genweb.

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