ROBERT Ernest, Adolphe, dit Charles BRÉMONTIER

Par Notice complétée par François Gaudin

Né le 17 janvier 1833 à Melun, mort le 23 décembre 1899 à Paris (XIIe arr.) ; employé à Tannay puis clerc de notaire à Clamecy (Nièvre), caissier à Paris ; opposant au coup d’État de décembre 1851, exilé ; adhérent probable de l’AIT ; sympathisant de la Commune de Paris.

Né le 17 janvier 1833, à Melun (Seine-et-Marne), Adolphe Robert était le fils d’Eugène Nathalis (on trouve aussi Noël) Robert, dessinateur puis instituteur, trente ans, et Marie Rose Clarisse Boulanger, trente-trois ans. Au dire du juge d’instruction de Cosne-sur-Loire (Nièvre), son père avait fait partie de la Marianne et avait été condamné à la déportation.
Élève architecte et employé de mairie à Tannay (Nièvre) en 1851, puis clerc de notaire à Clamecy, Adolphe Robert participa, avec son père et son frère aîné Émile, à l’insurrection de décembre 1851. Membre de la société secrète Marianne, il fut condamné par contumace à la détention en enceinte fortifiée de même que d’autres Dornecycois qui, eux, comparurent devant le conseil de guerre de Clamecy, le 20 février 1852 : Auguste Geoffroy, dit Flambant, François Tapin, dit Titat, Louis Bouillery. Arrêté ultérieurement, il fut condamné par le conseil de guerre à être transporté à Lambessa (Algérie) et fut interné à Nantes, d’où il réussit à s’échapper pour rejoindre l’Angleterre. Adolphe déposa un dossier de recours en grâce le 5 mai 1852. Le 26 janvier 1853, le chef de l’État lui accordait une grâce et sa peine était commuée, en raison de son jeune âge.
Ayant finalement décidé de revenir en France, il fut arrêté le 6 avril 1863 à Boulogne-sur-Mer, venant de Folkestone, pour avoir tenté d’importer, cachés dans le double-fond de sa malle, 1392 exemplaires de la Lettre à une balle, brochure interdite publiée sous le voile de l’anonymat par Félix Pyat, qu’il avait dû rencontrer en exil. Il passa en jugement, le 10 juin suivant, pour introduction en France de ces imprimés « excitant à la haine et au mépris du gouvernement impérial, et à l’assassinat de S. M. l’Empereur, manœuvres pratiquées et intelligences entretenues, soit à l’intérieur, soit à l’étranger, dans le but de troubler la paix publique ». S’étant présenté, lors de son arrestation, sous une fausse identité, il avoua et fut condamné à deux ans d’emprisonnement et 100 fr d’amende par le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer. Le procureur fit appel pour obtenir une condamnation supplémentaire à la haute surveillance de police, peine qui permettait de déterminer le lieu de résidence du condamné et d’exiger qu’il se présente devant l’autorité à dates fixes ; la cour de Douai le débouta, le 6 juillet 1863. Adolphe Robert disait alors habiter Louches (Pas-de-Calais).
Venu de Lille, il arriva à Bruxelles en juillet 1866 pour travailler dans la succursale belge de son frère Émile que tint pendant cinq ans Albert Delabarre. En 1868, de retour en France, il travaillait comme caissier dans le magasin de son frère Émile, peintre et photographe ; il participa à une souscription pour la défense de la liberté individuelle.
Au printemps 1869, il confia à Just Vernouillet pour qu’il la publie sa Statistique pour servir à l’histoire du 2 décembre 1851 qui compile de nombreux renseignements sur les réactions au coup d’État et dresse la liste des personnes inquiétées ou poursuivies.
En mai 1869, Adolphe Robert fit partie des principaux collaborateurs du Réfractaire de Jules Vallès. Le 24 novembre, il appartenait au Comité local des inassermentés qui choisit la candidature de Barbès. À la fin de cette même année, Adolphe Robert, dont le frère Émile venait de faire le portrait, de Félix Pyat, fut choisi par ce dernier comme rédacteur, avec notamment Duchêne, Longuet et Rogeard, lorsqu’il prépara la publication de La Commune, Journal de la Révolution. Mais, le Journal de la Révolution, œuvres illustrées des condamnés, dont le directeur gérant était Maurice Lachâtre, n’eut en fait qu’un numéro regroupant plusieurs articles de Pyat en janvier 1870.
Le 11 janvier 1870, en réaction à l’assassinat de Victor Noir, Adolphe Robert lança, avec notamment Gromier, le texte des membres de la Commune révolutionnaire de Londres résidant à Paris, qui appelait à la grève de toute participation au statu quo, au refus de l’impôt, de la justice, du travail, du loyer. Le 11 février, il fut arrêté sous l’inculpation de complot contre la sûreté de l’État et d’appel à la révolte, puis plusieurs accusations furent successivement portées contre lui, notamment d’avoir organisé l’insurrection dans Paris, et d’avoir formé un deuxième complot dans le but de faire tirer sur l’empereur, le tout avec la complicité de Félix Pyat et Gromier. Également accusé d’avoir tenu des réunions clandestines chez le citoyen Brunereau avec Pyat et d’autres – et enfin d’avoir été le complice du citoyen Fontaine, il fut enfermé à la prison de la Santé. À cause de la vérole qui y régnait, il fut transféré, en mars, comme soixante autres prisonniers, à Mazas, d’où il envoya, en mai, une lettre, insérée dans La Marseillaise, dans laquelle il récapitulait les griefs successifs qu’on lui avait présentés pour justifier son incarcération. Le 31 mai, il fit partie des détenus libérés, sans avoir su de quoi précisément ils avaient été accusés. Il avait alors déjà passé dix ans en exil et effectué trois ans de prison.
Retourné dans la Nièvre, il assista aux réunions qui se tenaient régulièrement à Cosne, au cabaret La Bonne Galette, sous la présidence de l’ancien député Pierre Malardier, un proche de Gambon. Adolphe Robert était aussi proche de Jules Caumeau, qui deviendra son beau-frère – Caumeau fut, tout jeune, dans la Nièvre, le secrétaire puis l’exécuteur testamentaire de Gambon avant de devenir vice-président du conseil municipal de Paris.
Selon le premier président de la cour de Bourges, il était un « agent de l’Internationale » et fomenta avec Gambon et de Beaumont l’émeute d’Arquian dans l’arr. de Cosne, le 21 août 1870. Le groupe avait anticipé la République. Poursuivi, il dut se cacher dans la forêt jusqu’à sa proclamation le 4 septembre. Le 7 septembre 1870, Adolphe Robert participa à Cosne à une réunion publique présidée par Gambon réunissant trois cents personnes, et il fit partie du comité directeur coordonnant la lutte contre les Prussiens. Il cosigna le Manifeste du Comité directeur :
« Citoyens ! Aux armes pour sauver la France ! Sonnez le tocsin de l’affranchissement ! Sauvons le peuple et l’armée ! Levons-nous avec la République contre les tyrans et l’étranger. Salut et fraternité. »
En 1871, après le licenciement des armées – il était capitaine des mobilisés de la Nièvre – il vint à Cosne, au début d’avril, logea chez Asselineau, parcourut la région, puis participa aux troubles communalistes qui se produisirent à Cosne, le 15 avril. Le 18 avril au soir, il assista chez Asselineau à une réunion en vue d’étendre le mouvement cosnois à d’autres localités, le mouvement insurrectionnel se propagea notamment à Annay, Saint-Amand-en-Puisaye et, le 19 avril, à Neuvy-sur-Loire.
Présenté comme ancien clerc de notaire au procès, il fut condamné, le 8 décembre 1871, par la cour d’assises du Loiret, à quinze ans de détention. Détenu à Port-Louis, il fut noté pour son esprit d’indiscipline. À Belle-Île en revanche, un rapport du 16 mars 1878 dit à son sujet : « Ce condamné est très convenable dans ses relations avec l’administration, sa conduite est aussi régulière qu’on peut le désirer. Il a de l’instruction et du bon sens pour toutes les choses qui ne touchent pas de trop près à ses systèmes ». Amnistié en mai 1879 , il épousa à la mairie du XIe arrondissement de Paris, le 21 mai 1879, Louise Célestine Caumeau, institutrice, née en 1849, à Cosne, ville située à une soixantaine de kilomètres de Dornecy, qui l’avait attendu pendant ces 8 années. Il habitait alors 10, boulevard Beaumarchais. Son épouse, plus jeune que lui, était la sœur aînée de Jules Caumeau à qui Ferdinand Gambon et Félix Pyat servirent de témoins lors de son mariage en 1887. Les femmes cherchent moins la lumière et l’on sait peu de choses sur la sœur aînée. En revanche, concernant l’union de Louise avec Adolphe, on sait que,figurait parmi les témoins Jean Placide Turigny (écrit Thurigny dans l’acte d’état-civil), proscrit lors du coup d’État du 2 décembre 1851, alors député de la Nièvre siégeant à l’extrême gauche.
En 1880, Ernest, Adolphe était le gérant de La Marseillaise et il fut, à ce titre, poursuivi pour avoir ouvert une souscription au bénéfice de Rochefort et Laisant. Il dut régler une amende de 50 fr. La même année, Félix Pyat lui demanda d’être le gérant et l’imprimeur du nouveau journal La Commune, qu’il créait avec les fonds de Maurice Lachâtre. Il fut encore poursuivi pour deux articles faisant l’apologie du régicide, fait qualifié de crime, et revendiqua devant le juge d’instruction la responsabilité des articles et l’amitié de Pyat. Il fut condamné par défaut, le 19 octobre, à six mois de prison, 1,000 fr. d’amende, et Félix Pyat à deux ans de prison, 1,000 fr. d’amende. Il fut aussi cité à comparaître, le 5 novembre, pour un article intitulé : « À bas l’armée de Cissey » paru le 1er novembre, et condamné avec Cluseret, auteur du texte, pour apologie d’un fait qualifié de crime par la loi et d’outrage à l’armée. Ils furent condamnés chacun à quinze mois de prison et 2,000 fr. d’amende. En appel, le 27 janvier 1881, les peines passèrent à deux ans de prison et 3,000 fr. d’amende
Le 9 décembre 1880, il fut encore condamné pour avoir ouvert une souscription destinée à couvrir les frais de procès de Rochefort et Laisant, la peine retenue fut le minimum, soit 50 fr. Le 5 avril 1883, il adhéra au comité pour l’érection d’une statue de Barbès. Il habitait alors 18, rue Daval.
En 1886, il faisait partie de Comité des proscrits de 1851 et soutenait une pétition demandant la modification de la loi de juillet 1881 sur les indemnités des proscrits. En 1887, il lança les premières livraisons de son Dictionnaire des parlementaires français, rédigé avec Eugène Mourot (remplacé par Gaston Cougny), et édité en 1889 par Eugène Bourloton. Il rédigea ensuite avec le docteur Robinet et J. Le Chaplain, le Dictionnaire historique et biographique de la Révolution et de l’Empire, qui ne devait paraître qu’après sa disparition.
Adolphe Robert mourut le 23 décembre 1899, dans le XIIe arrondissement, et fut enterré à Ivry-sur-Seine, le 26. Par décret du 4 mai 1900, sa veuve obtint une pension de réversion de 400 francs au titre des victimes du coup d’État de 1851.
Voir Rigollet A.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article229853, notice ROBERT Ernest, Adolphe, dit Charles BRÉMONTIER par Notice complétée par François Gaudin, version mise en ligne le 4 juillet 2020, dernière modification le 23 novembre 2022.

Par Notice complétée par François Gaudin

ŒUVRE : Adolphe Robert, Statistique pour servir à l’histoire du 2 décembre 1851, Paris et les départements, Paris, la Librairie de la Renaissance, 1869, 268 p. – Adolphe Robert, Edgar Bouloton et Gaston Cougny Dictionnaire des parlementaires français, Paris, Edgar Bourloton, 1889-1891, 5 vol. – Adolphe Robert, Jean-François Robinet et Julien Le Chaplain, Dictionnaire historique et biographique de la Révolution et de l’Empire, Paris, Librairie historique de la Révolution et de l’Empire, 1898, 2 vol.

SOURCES : Arch. Nat. BB 24/736, n° 909, BB 24/824, S 76, n° 7084, BB 24/749, n° 4735, F/7/*/2594, F/15/4192 et C 2882, Nièvre, rapport du juge d’instruction de la cour d’appel de Cosne, 30 juillet 1871. – Arch. Dép. Nièvre, série M, sûreté générale année 1871. – Arch. Seine-et-Marne, 5 MI 6031, acte n° 21. – L’Aube, 24 février 1852. – Journal des débats, 22 et 23 février 1852. – Gazette des Tribunaux, 13 juin 1863, 10 décembre 1871. – La Gironde, 15 juin 1863. – Le Courrier français, 22 janvier 1868. – Réunion publique tenue à Cosne, le 7 septembre 1870, pièce. – La Marseillaise, 13 janvier, 16 mai 1870. – Le Messager de Paris, 14 février 1870. – Le Peuple souverain, 6 décembre 1871. – Le Siècle, 27 mai 1879. – Le Mémorial des Vosges, 22 octobre 1880. – La France, politique, scientifique et littéraire, 19 novembre 1880. – Le Mot d’ordre, 5 avril 1883. – Le Cri du Peuple, 30 mai 1886. – Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, http://poursuivis-decembre-1851.fr/index.php

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