DROUILLARD Guy

Par Alain Prigent

Né le 19 avril 1929 au Bouscat (Gironde) ; instituteur en Algérie, militant du PCA dans les Aurès ; arrêté à Khenchela le 2 novembre 1954, interdit de séjour dans le Constantinois ; syndicaliste, secrétaire de la section du PCF de Perros-Guirec (1970-1995), membre du comité de la fédération communiste des Côtes-du-Nord [Côtes-d’Armor] ; conseiller municipal de Perros-Guirec (1983-2001).

Son père, menuisier ébéniste chez un patron, fut syndiqué à la CGT sous le Front Populaire. La famille fit de gros sacrifices pour que Guy Drouillard fasse des études. Il suivit des études d’histoire à la Faculté des Lettres de Bordeaux tout en occupant de petits emplois. Il anima avec Gérard Courget et Claude Peyroutet à une revue littéraire bordelaise en 1950, Contre feu, dont Les Lettres françaises rendirent compte. Ne pouvant poursuivre ses études pour des raisons financières, il fut reçu à l’École normale d’instituteurs de Constantine sur recrutement métropolitain en octobre 1951. Membre de l’Union de la jeunesse républicaine de France en 1946, puis du Parti communiste français en 1947 en France, il adhéra alors au Parti communiste algérien en 1952 et créa un cercle de l’Union de la Jeunesse Démocratique Algérienne à l’École normale comprenant 6 membres dont 3 Algériens. Le directeur de l’EN le sanctionna et l’envoya dans un poste déshérité deux mois avant la fin de l’année scolaire.
À la rentrée d’octobre 1952, Drouillard fut nommé instituteur à Khenchela, dans les Aurès. Rapidement il se lia d’amitié avec André Castel instituteur à Babar et son épouse Annick. Début 1953, il milita à l’union locale CGT récemment créée par les ouvriers algériens et fut le seul européen à siéger au bureau. Un vieux djerbi, petite épicerie algérienne, servait de local. Il aida à la syndicalisation des ouvriers sur les chantiers éloignés. Il se heurta aux entrepreneurs du bâtiment et les travaux publics, aux patrons des scieries, aux négociants en grains et semoule, aux négociants de moutons qui ne respectaient aucune loi sociale (salaire de famine, absence de bulletins de paie, de prestations sociales). Deux grèves (une de 3 semaines sur un chantier de travaux publics, l’autre de 6 jours dans le bâtiment) se terminèrent victorieusement malgré les intimidations policières et patronales (délégués emprisonnés, provocations, responsables de l’UL menacés). Les travailleurs obtinrent le minimum interprofessionnel, le bénéfice des lois sociales et le rappel des sommes dues. Son activité syndicale et politique bouscula les pratiques colonialistes. En avril 1953, candidat aux élections municipales dans le premier collège, il obtint 25 voix (3,2 % des suffrages exprimés) sur une liste du PCA. L’administration menaça de le déplacer d’office à Constantine en mai 1953. L’intervention de l’union départementale CGT de Constantine permit d’annuler la mesure envisagée. À l’initiative de l’union locale, un comité de chômeurs fut mis en place pour aider les 700 chômeurs de la localité. Une manifestation rassemblant 500 personnes fut organisée devant la mairie en juillet 1953. À l’issue du rassemblement, arrêté, il comparut devant le tribunal correctionnel de Batna. En novembre 1953, une provocation menée contre lui échoua grâce à l’aide d’un juge du tribunal de Khenchela. En juin 1954, il organisa une conférence sur Charlie Chaplin sous l’égide du foyer rural. Il fut également responsable de la sous-section du syndicat national des instituteurs. Le 2 novembre 1954, seul européen arrêté avec 18 suspects, il fut relâché après 10 jours d’incarcération. Une délégation du PCA conduite par Alice Sportisse, députée, rencontrant les autorités municipales, déclara, le 11 novembre 1954, « qu’il est clair, pour toute la population musulmane, que Guy Drouillard a été arrêté uniquement pour avoir défendu la cause des ouvriers algériens dans plusieurs conflits avec les patrons colonialistes. » Candidat du PCA aux élections cantonales d’avril 1955, il participa à un important meeting à Khenchela avec Laïd Lamrani et Ahmed Akkache, membres du comité central du PCA. Deux jours avant le scrutin, le 15 avril 1955, les autorités lui notifièrent son interdiction de séjour dans le département de Constantine, en application de la loi sur l’état d’urgence. Il quitta les Aurès pour Alger. Après les vacances scolaires, à son retour de métropole, l’administration refusa de lui donner un poste en Algérie. En octobre 1955, il assura, sous la responsabilité de Georges Fournial, dirigeant national du SNI, la coordination de la quinzaine d’enseignants expulsés d’Algérie. En décembre 1955, il fut candidat, en neuvième position, aux élections du bureau national du SNI sur la liste ex-cégétiste conduite par Fournial. Début 1956, un responsable du PCA le contacta pour qu’il retourne en Algérie afin de mener la lutte clandestine. Après de longues discussions avec Léon Feix, membre du bureau politique, il décida de rester en métropole pour participer au combat pour la paix apportant son témoignage dans plusieurs réunions en région parisienne. Il fut réintégré dans l’Éducation nationale en Dordogne en mai 1956.
Muté à Grenade en Haute-Garonne en septembre 1960 puis à Toulouse, Drouillard siégea au conseil syndical du SNI jusqu’en 1963 sur la liste ex-cégétiste. En 1964, il retourna en Algérie à Sétif où il enseigna au lycée au titre de la coopération culturelle. Il rédigea un livret qui rassemblait ses cours progressistes sur l’histoire de l’Algérie, ouvrage inédit puisque le Mallet et Isaac était le manuel de base proposé aux jeunes lycéens. Ce fascicule fut transmis au ministère par le proviseur. Il retourna à Khenchela mais la ville ayant connu des nombreux transferts de population il ne retrouva pas les militants des années 1950. À Alger il reprit contact avec Khellef, un des journalistes d’Alger Républicain, proche d’Alleg. Il renoua également avec Abdelhamid Boudiaf en 1965.
À son retour en Bretagne en 1968, Drouillard fut nommé au collège de Tréguier puis à celui de Perros-Guirec. Secrétaire de la section de Perros-Guirec du PCF, il donna une nouvelle dimension à la fête estivale communiste qui accueillit plusieurs milliers de visiteurs entre 1974 et 1978. Il fut l’animateur politique de la publication de la section, Le Phare, de 1971 à 1990 (59 numéros). Il siégea au comité de la fédération des Côtes-du-Nord du PCF de 1972 à 1997. Candidat aux élections cantonales de Perros-Guirec en 1973, il obtint 22,9 % des suffrages exprimés mettant en ballottage le député et conseiller général sortant centriste Pierre Bourdellès. Il devança les autres candidats de la gauche non-communiste le maire socialiste de Saint-Quay-Perros Yves Guégan et Pierre Josselin (PSU). Il obtint 42,5 % au second tour. À nouveau candidat en 1979, il obtint 18,7 % et en 1992, 10,3 %. Il fut l’un des animateurs du collectif de circonscription aux élections législatives de 1973 et de 1978 pour soutenir les candidatures communistes de Jean Le Lagadec et de François Gégou. Il anima alors une série de débats avec Anicet Le Pors. À la fédération du PCF des Côtes-du-Nord il devint le responsable de la section d’études des Petites et moyennes entreprises, il intervint à ce titre aux conférences fédérales de 1975 et 1977.
Malgré le score de 45,1 %, la liste de l’union de la gauche conduite par Drouillard aux municipales de 1977 à Perros-Guirec n’obtint aucun élu. En 1983, le nouveau mode de scrutin pour les villes de plus de 3 500 habitants permit la présence d’élus de l’opposition minoritaire. Il fut alors élu au conseil municipal sur la liste d’opposition et siégea jusqu’en 2001. Il fut un porte-parole très ardent des quartiers populaires, ses joutes avec le député-maire UDF Yvon Bonnot défrayant la chronique. Les actions des locataires de la cité HLM de Perros-Guirec, avec l’appui de l’élu communiste, en collaboration avec la Confédération nationale du Logement, aboutirent à l’amélioration de leurs conditions de vie. Très actif dans la défense du littoral souillé par les marées noires à la suite à celle de l’Amoco, en avril 1978, il anima la protestation à Trégastel avec M. Pinault, professeur de géographie à l’Université de Brest, avec Sylvie Le Roux, chercheur en biologie marine, adjointe au maire de Brest et les responsables d’associations écologiques. En août 1978, il présida un débat avec Anicet Le Pors, membre de la commission d’enquête du Sénat sur les marées noires. En mars 1980, il intervint dès le soir même de la marée noire du Tanio lors d’un rassemblement organisé sur le port de Perros-Guirec par la section du PCF. À propos du défilé de protestation et de colère prévu l’après-midi du 23 mars entre Trégastel et Ploumanac’h, il exprima des désaccords avec la fédération communiste sur la démarche politique à suivre. Il préfèra s’inscrire, avec l’ensemble des communistes du canton, dans une puissante manifestation unitaire avec les autres forces politiques, syndicales et les associations locales, alors que la fédération organisait le matin son propre rassemblement. Dans le cadre de cet engagement, il participa en novembre 1981 au congrès constitutif du Mouvement national de lutte pour l’Environnement. En 1982, il participa à l’émission télévisée « Messieurs les jurés » sur la navigation sous pavillons de complaisance responsable des marées noires.
Drouillard gardait des contacts étroits avec les responsables communistes de sa période algérienne, notamment avec son ami André Moine, collaborateur du comité central, venu à Perros-Guirec animer en 1975 un débat sur les relations entre communistes et chrétiens. Chaque année à la Fête de l’Humanité, il retrouvait également Henri Alleg pour évoquer leurs combats communs. Adhérent de l’Association des combattants de la cause anticoloniale, responsable départemental de l’association France-RDA, il continuait de participer à l’activité du PCF dans le Trégor.
Drouillard se maria en septembre 1954 avec Suzanne, originaire de Lannion, qui, en toutes circonstances, lui témoigna sa confiance et son soutien. Employée des PTT, enseignante en Algérie, elle adhéra au PCF en 1968. Ils ont eu trois enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22993, notice DROUILLARD Guy par Alain Prigent, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 25 octobre 2008.

Par Alain Prigent

ŒUVRE : Monographies inédites de Drouillard : Instituteur en Algérie (octobre 1951-avril 1955), 2004, 110 p., Cité HLM de Perros-Guirec (1978-1999), 2005, 103 p.

SOURCES : Ach. FSU. — Notice de René Gallissot dans le Maitron Algérie. — Presse nationale algérienne et française. — Correspondance d’E Durin, secrétaire du SNI du département d’Alger (22 septembre 1955) et de P. Devaslois, secrétaire général du SNI (19 juin 1956). — Presse locale. — Sources orales. — Renseignements fournis par l’intéressé.

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