LEJARD Jeannine, Marie. Pseudonyme dans la Résistance : Jacqueline

Par Jean Belin

Née le 31 août 1927 à Dijon (Côte-d’Or), morte en déportation le 15 avril 1945 à Ravensbrück (Allemagne) ; militante communiste et des Forces unies de la jeunesse patriotique ; « Jacqueline » dans la Résistance, résistante au sein des FTPF.

Fille unique de Gabriel Lejard, ouvrier métallurgiste, dirigeant syndical et communiste, déporté à Auschwitz, et de Léa Antoinette Echailler, coiffeuse, Jeannine Lejard à quinze ans quand elle décidait de prendre la place de son père arrêté par la Gestapo le 21 juin 1941. Elle s’engagea au Parti communiste et à la Jeunesse communiste, puis aux Forces unies de la jeunesse patriotique (FUJP). Elle était encore élève au lycée de Jeunes Filles Condorcet à Dijon dirigé par Marcelle Pardé.
Jeannine Lejard, Jacqueline dans la Résistance, était chargée de recruter des jeunes dans toute la Côte-d’Or et en même temps d’organiser la diffusion de tracts et de journaux. La machine à écrire et la ronéo cachées par son père en 1939 furent utiles pour Jeannine qui « tapait » les tracts. Elle travaillait avec René Santot et devint responsable pour les zones bourguignonnes et champenoises en 1943. Elle fut appelée à la Direction Nationale au poste d’interrégional au service de la propagande. Au mois de novembre 1943, elle était nommée agent de liaison interrégional (Marne, Aube, Yonne, Côte-d’Or et Saône-et-Loire en partie) à l’organisation des Francs-tireurs et Partisans Français (FTPF) où elle fit l’admiration de ses chefs en passant les barrages allemands avec du matériel important, armes automatiques ou documents.
À la fin de l’année 1943, elle était recherchée et traquée par la Gestapo. Ce fut pour la protéger qu’elle était alors mutée en mars 1944 dans le bordelais avec le grade de sous-lieutenant FTP. Là, elle facilita et régula les liaisons du Comité militaire régional tant avec les échelons locaux qu’avec les instances nationales clandestines. Elle fut ainsi soumise à de fréquents déplacements entre la région de Bordeaux et Paris. Le travail qui lui était confié le 2 juin 1944 s’inscrivit dans ce cadre ; il la conduisit à Paris et ce fut là qu’elle effectua une dangereuse mission. Dénoncée, elle fut arrêtée par la Gestapo avec son responsable, Paul Rochet, le 18 juin 1944 dans l’hôtel de la Boule d’Or, rue de Chalon où elle séjourna. Elle connaissait les noms des chefs FTPF d’au moins dix départements. Atrocement torturée, elle ne livra pas un seul nom. Tout l’été 1944, Jeannine vécut dans l’isolement au fort du Hâ, la prison de Bordeaux où elle était transférée. Le 9 août, elle était déportée depuis Bordeaux dans le convoi appelé « Le Train Fantôme ». Le convoi s’arrêta à la gare de Dijon-ville les 23 et 24 août. Une grande pagaille régnait sur les quais. Aucun autre train ne circulait plus. Des employés français qui longeaient le train à contre voie disaient : « c’est fini les enfants, ils ne peuvent pas vous emmener plus loin, les voies sont sautées partout et les trains ne circulent plus vers le Nord ». Ce fut une bonne nouvelle pour Jeannine ! Si près de chez elle ! Hélas, le convoi reprit sa route pour arriver à sa destination finale le 28 août à Dachau après deux mois de cauchemar pour un trajet qui se faisait généralement en trois jours ! Pour les 536 détenus parvenus à Dachau, un autre enfer commençait.
Les 64 femmes du convoi sont dirigées vers Ravensbrück le 30 août, les hommes les plus valides vers Mauthausen, et le plus grand nombre maintenu à Dachau. Enregistrée sous le matricule 62442, Jeannine Lejard, la plus jeune du camp, s’intégra à un groupe logé au « block 11 » dont faisait partie Marie-Claude Vaillant-Couturier. Au cours de l’hiver, elle s’affaiblit et on la mit dans une autre baraque, au « block 8 ». Elle fut arrachée de ses camarades au moment où elle avait le plus besoin de leur soutien. Les nazis interdirent aux déportés d’accéder au « Revier » où ils laissèrent mourir, sans soins, les malades. Pourtant, ses amies de souffrance ne l’oublièrent pas et, enfreignirent la consigne barbare. A l’approche de Noël, elles lui dessinèrent du mieux qu’elles pouvaient une petite carte et lui confectionnèrent un tout petit ours avec des bouts de chiffons. A Noël, elles trouvèrent le moyen de lui faire parvenir ces cadeaux. Mais Jeannine ne connut plus jamais le printemps. Elle mourut le 15 avril 1945 à quelques jours de la libération du camp. Elle n’avait pas encore dix-huit ans.
Elle fut décorée de la Légion d’honneur à titre posthume, de la Croix de guerre avec palme. Son nom fut donné à la caserne Vaillant de Dijon le 9 juin 1946 à l’occasion d’une cérémonie en présence de Charles Tillon représentant le ministre, du colonel Henri Rol-Tanguy, commandant le 27e R.I. à Dijon. Une stèle est installée sur le mur de la caserne qui porte son nom, et une plaque est apposée sur la façade de la maison où elle a vécu avec ses parents au 10 rue du Creux-d’Enfer à Dijon.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article229997, notice LEJARD Jeannine, Marie. Pseudonyme dans la Résistance : Jacqueline par Jean Belin, version mise en ligne le 10 juillet 2020, dernière modification le 10 juillet 2020.

Par Jean Belin

SOURCES : L’Avenir de la Côte d’Or, éditions de juin 1946. — Résistance en Côte-d’Or, Gilles Hennequin, tomes 1 et 4, éditions de 1985 et de 1997. — Les communistes dans la Résistance en Côte-d’Or, édition de 1996 — Arch. IHS CGT Côte-d’Or, témoignage de Gabriel Lejard. — Gabriel LEJARD, un passeur de vie !, Jean Belin, éditions IHS CGT Côte-d’Or, décembre 2018. — La pâte et le levain, Maurice Voutey, édition de l’Armançon, 1999. — Musée de la Résistance et de la Déportation à Besançon qui possède le petit ourson en laine. — Les bataillons de la jeunesse, Albert Ouzoullias, pages 145, 223 et 224, éditions sociales, juin 1967. — Chemins de dames dans la Résistance Bourguignonne, Jeanne Gillot-Voisin, Cléa Micro-Édition, 1999. — L’Odyssée des 800 déportés du Train Fantôme, site Internet de l’amicale des déportés du Train Fantôme. — Arch. Dép. de Côte-d’Or, état civil, recensement de la population.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable