Par Gauthier Langlois
Né le 31 mai 1817 à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), mort le 3 décembre 1897 à Saint-Quay-Portrieux (Côtes-d’Armor) ; pharmacien, journaliste et imprimeur ; militant républicain ; réfugié à Londres ; il fut soupçonné de participer à un complot mené depuis Jersey, visant à assassiner Napoléon III.
Appelé parfois Le Maoût et par erreur Lemaout ou Lamaout, il signait aussi Ar Maout. Il était le fils d’un couple de notables de Saint-Brieuc, le pharmacien Efflam Le Maout (1764-1852) et son épouse Marie-Thérèse Le Deuc (1775-1822). Selon Jules Lamare, le père « né à Plestin le 23 avril 1764 et décédé à Saint-Brieux le 20 mars 1852, fut d’abord pharmacien de la marine à Brest. Apôtre ardent de la Révolution, il traduisit les nouvelles lois en breton, organisa dans les Côtes-du-Nord la fabrication du salpêtre et occupa dans l’administration plusieurs fonctions électives. En l’an VII, il devint professeur d’histoire naturelle et de chimie à l’École centrale, et dès lors il ne se fit plus connaître que par ses travaux scientifiques. Apprécié comme pharmacien, géologue et naturaliste, il composa la moutarde celtique, décrivit en 1812 des dauphins inconnus [...] ».
Le couple eût treize enfants. Les fils héritèrent de l’orientation professionnelle, des convictions républicaines, de l’attachement à la culture celtique et de la curiosité scientifique de leur père. L’un des aînés, Emmanuel Le Maout (1800-1877), fit carrière comme médecin et naturaliste. Charles reprit la pharmacie de Saint-Brieuc et fit parallèlement une carrière de journaliste, d’imprimeur et de scientifique. Auguste s’installa à Saint-Malo où il fit, comme son frère, une carrière de pharmacien, d’imprimeur et journaliste mais avec moins de réussite.
Il créa en 1842, un hebdomadaire, Le Publicateur de Saint-Malo et de Saint-Servan, qui fut régulièrement victime de la censure judiciaire. La cour d’appel de Rennes condamna Auguste le Maout, en qualité de gérant ou rédacteur du journal, le 4 décembre 1844, pour injures à 50 francs d’amende, 30 francs de dommages et intérêts et droit de réponse en faveur d’un certain Charles Caillaux ; le 24 octobre 1845, à 5 jours de prison, 500 francs d’amende et 100 francs de dommages et intérêts en faveur de Anselme Michel, entrepreneur de travaux publics ; le 4 septembre 1846, pour plusieurs délits de presse, à 1 mois de prison et 200 francs d’amende plus 2 mois et 400 francs ; le 17 février 1848, pour diffamation à 300 francs de dommages et intérêts et contrainte par corps d’un an, solidairement avec le gérant du journal Victor Dubois et l’imprimeur Jean Bazouges, en faveur de Edmond Caruel, gérant du journal La vigie de l’Ouest ; le 29 septembre 1849, pour délit de presse, à 500 francs. Ces condamnations successives eurent raison du journal et des finances de son créateur. Après avoir été rebaptisé le Républicain breton en novembre 1849, l’hebdomadaire cessa de paraître définitivement le mois suivant. Quant à Auguste Le Maout, il fut condamné, le 15 juillet 1850, à mois de prison pour banqueroute simple. La pharmacie et l’imprimerie furent vendues aux enchères.
Après le coup d’État du 2 décembre 1851 il se réfugia en Angleterre avec son épouse, Élisabeth Beaulieu, qu’il avait épousée à Saint-Malo en 1843. Selon un rapport de la police anglaise du 7 septembre 1852, il tenait une pharmacie à Londres, Beresford Street. Il correspondait avec Victor Hugo qui le félicita de son compte-rendu publié dans un journal de proscrits, de Napoléon le petit. Il eût d’ailleurs l’occasion de voir l’écrivain lors d’un séjour à Jersey, où il se trouvait en août 1853. Selon un rapport du vice-consul français de l’île, il fit partie des soixante-seize démocrates qui se seraient réunis pour tirer au sort celui d’entre-eux qui frapperait le tyran Napoléon III. Parmi ces hommes qualifiés de dangereux sont cités : Lamaout, pharmacien de Saint-Malo, Benjamin Colin du Morbihan, Picquet de la Nièvre, Seigneuret de Fontainebleau et enfin Édouard Bonnet-Duverdier, l’un des amis des Hugo. L’attentat devait être commis aux Tuileries, avant la fin du mois. La seule victime — bien réelle — du complot fut un polonais, Charles-Michel Funck, qui, en août 1853, s’était risqué à passer en France avec un faux passeport jersiais et se fit prendre.
Si Auguste Le Maout était hors d’atteinte de la police française, celle-ci procéda à l’arrestation, à Saint-Malo, de sa femme venue de Londres en juillet ou août 1858. Ce fait incita sans doute Auguste à ne pas revenir en France après l’amnistie de 1859. À Londres il continuait d’entretenir des relations avec Victor Hugo comme le montrent plusieurs lettres que l’écrivain lui avait adressées de sa maison de Hauteville house à Guernesey en 1868.
Il apparaît sur le recensement londonien de 1861 comme veuf, chimiste résidant 15, Wardour-street ou Princes-street, paroisse de St James Westminster, avec ses deux employés français. Il fit à nouveau faillite en 1869 mais réussi à monter une nouvelle pharmacie. Après la proclamation de la IIIe République il ne revint pas immédiatement en France puisqu’il exerçait toujours à Londres en 1882. Il prit sa retraite, avant 1890, comme pharmacien à Saint-Quay-Portrieux, une station balnéaire voisine de sa ville natale de Saint-Brieuc. En effet, il avait auparavant épousé une rentière, Amélie-Louise Martel, qui possédait une villa dans le hameau de Ville-Fréhour. Avec sa nouvelle épouse, il fit construire un jardin botanique et des viviers sur l’île de la Comtesse.
Par Gauthier Langlois
ŒUVRE : Outre son journal publié à Saint-Malo, il a publié à Londres sous le pseudonyme Ar. Maout des articles politiques et deux poèmes : Le parfumeur, poème comique, illustré par J. Cherte, dont la 3e édition est datée de 1874 ; et À l’illustre égyptologue Auguste Mariette-Pacha, en 1882.
SOURCES : Bnf notice autorité. — Archives nationales, BB/30/421 dossier P1618. — Le Journal d’Avranches, 28 juillet 1850 — The London Gazette, 2 avril 1880, p. 24. — Jules Lamare, Histoire de la ville de Saint-Brieuc, Saint-Brieuc, Francisque Guyon, 1884. — L’Ouest éclair, 6 janvier 1914. — La Dépêche de Brest, 9 janvier 1914. — Pierre Angrand, Victor Hugo raconté par les papiers d’État, Paris, 1961, p. 92. — Goulven Le Bars, Les Le Maout, une famille de pharmaciens bretons au XIXe siècle, Thèse de pharmacie, Université de Rennes, 1990, 132 p. — Thomas C. Jones, French republican exiles in Britain, 1848-1870, dissertation for the degree of Doctor of Philosophy, University of Cambridge, 2010.