DUBIC Élie

Par André Balent

Né le 29 mai 1905 à Lamanère (Pyrénées-Orientales), mort le 9 janvier 1997 à Lamanère ; employé dans une industrie de sandales, ouvrier trépointeur ; militant socialiste SFIO puis PS ; coopérateur ; maire de Lamanère de 1935 à 1945 puis adjoint au maire (1953-1959).

La mère d’Élie Dubic, Angélique Juanole, originaire de Lamanère était une ouvrière espadrilleuse. Son père, Sébastien Dubic, natif de Prats-de-Mollo (Pyrénées-Orientales) exerçait la profession de tailleur d’habits.
Élie Dubic quitta l’école à l’âge de treize ans sans avoir obtenu le Certificat d’études primaires. Il réussit à se faire embaucher par Coste, fabriquant d’espadrilles à Lamanère, petit village du Haut-Vallespir où, comme dans les deux localités voisines de Saint-Laurent-de-Cerdans et de Prats-de-Mollo, s’étaient implantés un artisanat et une industrie sandaliers. La maison Coste de Lamanère qui s’était spécialisée dans la production de modèles de luxe avait ouvert ses portes en 1892. Élie Dubic qui s’était fait embaucher pour un salaire initial de 1 F par jour y acquit la formation d’ouvrier trépointeur.
Élie Dubic fut à trois reprises ajourné pour l’accomplissement du service militaire. Le conseil de révision qui invoquait son « insuffisance musculaire » finit cependant par l’appeler sous les drapeaux en qualité d’auxiliaire. Il effectua six mois de service militaire à Narbonne (Aude).
Élie Dubic fut très tôt influencé par les idées socialistes qui, au début du siècle, se diffusaient dans tout le Haut-Vallespir (voir notamment : Joseph Nivet*). Dès qu’il fut majeur, il adhéra au Parti socialiste SFIO. Sa vie durant, il demeura fidèle à ses choix politiques puisqu’il ne cessa d’adhérer à la SFIO puis, à partir de 1972, au Parti socialiste. Si d’autres ouvriers de Lamanère adhérèrent comme lui au Parti socialiste SFIO (voir notamment : Jean Payrot*), ils ne constituèrent jamais dans cette commune une section organisée. Il n’y eut donc à Lamanère que des adhérents individuels de la SFIO.
La vie militante d’Élie Dubic se confond, pour l’essentiel, avec celle de la coopérative ouvrière de production : « L’Union ouvrière ».
« L’Union ouvrière » de Lamanère fut fondée en 1921 par huit personnes de Lamanère parmi lesquelles sept travailleurs des établissements Coste : (voir Jean Costa*, Clément Corominas*, Louis Guisset*, Jean Juanole*, Joseph Payrot*, Joseph Soler*, André Poch*, Abdon Vignes*). En 1921 une crise de mévente incita le patron à réduire de 20 % les salaires versés aux ouvriers. Les plus conscients d’entre eux, qui refusaient d’accepter une baisse aussi brutale de leur pouvoir d’achat, envisagèrent deux solutions : la création d’un syndicat au sein des établissements Coste, la création d’une coopérative ouvrière. Ils choisirent la seconde : de ce fait, il n’y eut pratiquement jamais d’organisation syndicale aux établissements Coste de Lamanère.
L’idée de la coopération était populaire dans le Haut-Vallespir. Dès avant 1914, les travailleurs des industries textile et sandalière de Saint-Laurent-de-Cerdans (voir Dominique Erre*, Joseph Nivet*, Laurent Poch*, Joseph Saquer*) avaient fondé une coopérative de consommation (« l’Union des Travailleurs syndiqués »). Après la Première Guerre mondiale ils posèrent les jalons de la constitution d’une coopérative de production (« l’Union sandalière »). Toutefois, ils furent devancés de quelques mois par leurs camarades de Lamanère. Réunis le 17 décembre 1921, les huit coopérateurs initiaux formèrent leur bureau. Dès le début le jeune Élie Dubic se joignit à eux bien que n’ayant pas l’âge requis ; il ne pouvait adhérer que formellement à « l’Union ouvrière » de Lamanère qui fonctionna à compter du 1er janvier 1922.
Élie Dubic devint officiellement un des coopérateurs de « l’Union ouvrière » le 5 janvier 1923. Cette même année, il succéda à Joseph Payrot au poste de trésorier.
Il exerça les fonctions de trésorier jusqu’à la fin de 1932. De janvier 1933 à septembre 1939, date à laquelle il fut mobilisé, il fut secrétaire de la coopérative.
Les fondateurs de « l’Union ouvrière » de Lamanère avaient initialement conçu le projet de mettre non seulement en route un secteur de production mais également un secteur de consommation. En effet, ils entendaient non seulement faire leurs preuves dans la gestion d’une unité productive, mais également battre en brèche le monopole de l’épicerie patronale qui était alors l’unique commerce de détail qui existait à Lamanère. Toutefois, leur faible nombre et le scepticisme que les autres travailleurs du village qui demeuraient des salariés des établissements Coste manifestaient à l’égard de leur entreprise, les incitèrent à remettre à plus tard la mise en place d’un secteur de consommation. En fait ils ne mirent jamais sur pied de commerce coopératif. « L’Union ouvrière » de Lamanère demeura donc une coopérative de production.
Les ouvriers coopérateurs de Lamanère œuvrèrent au succès de leur entreprise. Élie Dubic suivit des cours afin de se perfectionner en comptabilité. D’autres coopérateurs (voir Louis Guisset*, Abdon Vignes*) prospectaient des marchés ; les coopérateurs qui étaient au nombre de huit en 1922, étaient 12 en 1926 ; 15 en 1932 ; 17 en 1936 ; 19 en 1942. Leurs familles participaient également à la production.
Si la coopérative connut dans les premières années de son existence des difficultés financières (le capital initial fut constitué par huit parts de 1 000 F chacune) elle sut rapidement trouver des débouchés. Spécialisée dans les articles de qualité (pour ne pas dire de luxe) elle ne connut jamais de crise. Notons au passage que les tissages Sans et Garcerie de Saint-Laurent-de-Cerdans dont les patrons étaient hostiles aux coopérateurs de cette localité ne firent aucune difficulté pour approvisionner ceux de Lamanère en matière première (toile et tresse). De fait, pendant de nombreuses années, la production de « l’Union ouvrière » resta relativement peu importante car tout le travail était entièrement fait à la main. Aussi « l’Union ouvrière » ne fut-elle pas confrontée comme « l’Union sandalière » de Saint-Laurent-de-Cerdans aux crises cycliques de surproduction qui menaçaient périodiquement le secteur économiquement fragile de la production sandalière. Élie Dubic, quant à lui, fut, avant 1939, un des principaux artisans des progrès lents mais certains de « l’Union ouvrière ».
Mobilisé en septembre 1939 il fut affecté dans un foyer de soldats à Narbonne (Aude). Il demanda à gagner la zone des combats mais il se heurta à un refus de ses chefs. Démobilisé après l’armistice il regagna Lamanère où il s’occupa à nouveau de « l’Union ouvrière ». En 1941, il fut élu secrétaire de la coopérative. À l’issue de l’assemblée générale de 1942, il en devint le président.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, à Lamanère commune frontalière, personne, à commencer par le maire et les autres militants socialistes et coopérateurs, ne participa activement à la Résistance, pourtant active, avec les réseaux de passage vers l’Espagne qui cherchaient des relais.
Après la Seconde Guerre mondiale « l’Union ouvrière » poursuivit son expansion sous la direction d’Élie Dubic. À la fin de 1954 « l’Union ouvrière » employait 51 personnes. Mais l’exode rural qui touchait tout particulièrement le petit village montagnard de Lamanère menaçait son existence. Nombre de jeunes quittaient cette petite commune (la plus méridionale de France, si l’on exclut la Corse) à l’écart de toutes les voies de communication : la main-d’œuvre ne pouvait donc se renouveler dans des conditions satisfaisantes. Élie Dubic et ses camarades suggérèrent donc de pallier cette difficulté en mécanisant la coopérative. Ce fut chose faite en 1955. « L’Union ouvrière » put ainsi continuer avec moins de main-d’œuvre, tout en ayant une production plus importante. Mais au fil des ans, le nombre de coopérateurs diminua encore et l’exode rural dépeuplait encore davantage Lamanère. Élie Dubic assurait toujours la direction de « l’Union ouvrière » tout en participant à la production. Il continua ainsi jusqu’au 30 mai 1981 date à laquelle lui-même et les derniers ouvriers coopérateurs décidèrent de prendre leur retraite. En 1980 pourtant, la production (réduite) de « l’Union ouvrière » était écoulée dans des conditions satisfaisantes dans trois dépôts : à Perpignan (Pyrénées-Orientales), Béziers (Hérault) et Avignon (Vaucluse). En novembre 1982, la procédure de liquidation de « l’Union ouvrière » était toujours en cours.
« L’Union ouvrière » demeura toujours une coopérative « indépendante » et refusa de s’affilier à une Fédération de coopératives, non par hostilité de principe, mais parce qu’elle n’y trouvait pas d’avantage immédiat. Élie Dubic qui géra pendant de nombreuses années les finances de « l’Union ouvrière » nous confia (24 novembre 1982) que l’affiliation à une Fédération de coopératives comme celle que présidait Joseph Passebosc* aurait obéré le budget d’une coopérative comme celle de Lamanère car les cotisations exigées étaient trop lourdes et sans rapport avec les avantages qu’elle aurait pu en tirer : son capital demeura toujours limité et il fallait en priorité verser des salaires aux travailleurs.
Le 19 mai 1935, Élie Dubic fut élu maire de Lamanère (voir également Jean Mach*). Il succédait à un autre maire socialiste SFIO, Pierre Guisset*. Il occupa ce poste jusqu’en septembre 1939, lorsqu’il fut mobilisé. Il le retrouva dès son retour de l’armée et le conserva jusqu’en août 1944. Il fut désigné maire par les autorités issues de la Libération du département (août 1944) et fut élu à nouveau à la suite du renouvellement général des conseils municipaux de mai 1945. Il démissionna de ses fonctions de maire à la suite des élections cantonales d’octobre 1945 après avoir eu une altercation avec des militants communistes de Lamanère à propos de la surveillance de l’urne et du déroulement des opérations électorales. En 1953, il fut à nouveau élu adjoint au maire et exerça ce mandat jusqu’en 1959, date à laquelle il renonça à présenter à nouveau sa candidature.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23026, notice DUBIC Élie par André Balent, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 25 octobre 2008.

Par André Balent

SOURCES : Arch. Dép. Pyrénées-Orientales 2 M 5 302/303/304. — Arch. de « l’Union ouvrière » de Lamanère détenues par Élie Dubic, en 1982 et aujourd’hui dispersées. — Entretien avec Élie Dubic, Lamanère. — Entretien avec Élie Dubic (24 novembre 1982). — Renseignements communiqués par le maire de Lamanère (24 novembre 1982). — Conversation avec Francine Mach, née Payrot, fille d’un coopérateur de Lamanère, Arles-sur-Tech, 28 novembre 2007.

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