SANSON de la VALESQUERIE Daniel [né DUMANOIR Daniel]

Par Gauthier Langlois

Né le 18 septembre 1813 à Caen (Calvados) ; mort le 27 novembre 1888 à Saint-Ebremond-de-Bonfossé (Manche), protestant ; cultivateur puis propriétaire à Saint-Ebremond-de-Bonfossé ; proscrit réfugié à Jersey en 1854.

Né de parents inconnus et déposé à la porte de l’hôpital général, rue Saint-Louis, à Caen, il avait été baptisé sous le nom de Daniel Dumanoir. Devenu adulte avait été adopté en 1835 par un propriétaire sans enfants, Félix Alexis Sanson (1770-1858). Son père adoptif, qui se qualifiait sur l’acte d’adoption, de cultivateur à Saint-Ebremond-de-Bonfossé, appartenait à une riche famille bourgeoise (il possédait la troisième fortune foncière de l’arrondissement de Saint-Lô). Félix Sanson avait participé à la Révolution comme engagé volontaire dans l’armée puis s’était établi, en 1804, à Saint-Ebremond où il avait acquis le domaine de la Motte l’Évêque, ancienne résidence des évêques de Coutance. Sous le premier Empire il avait été maire de Saint-Ebremond et conseiller général du canton de Canisy. Sous Louis-Philippe il retrouva ses fonctions de maire et de conseiller général. Libéral, il collaborait au Journal de Cherbourg et du département de la Manche et au Pilote, journal du Calvados qui reproduisait des articles de George Sand, Pierre Leroux et Lamartine.

En 1848 Félix-Alexis Sanson publia un projet de constitution dans la presse locale, sous le titre Offrandes de quelques idées démocratiques du citoyen Félix-Alexis Sanson, membre du Conseil général de la Manche, à l’Assemblée nationale constituante. Ce document nous fait connaître les idées du père adoptif à défaut de pouvoir connaître celles du fils. C’est un curieux mélange de progressisme socialiste et de conservatisme rural. Il y propose des mesures démocratiques et sociales proches de celles votées peu après par les constituants telles que la mise en place d’un régime parlementaire, l’abolition de l’esclavage, la liberté de la presse et de réunion, la limitation de la peine de mort, et d’autres qui ne seront adoptées que sous la IIIe République tels que l’école publique, gratuite et obligatoire, le vote à bulletin secret, le service militaire obligatoire pour tous, l’interdiction des signes religieux en dehors des édifices cultuels.... D’autres propositions relèvent d’un paternalisme généreux : le maître doit à son domestique logement, nourriture et soins médicaux. Après 25 ans de services le domestique fait partie de la famille et ne peut plus être congédié. En contrepartie le domestique doit respect et obéissance à son maître. Les communaux et terres vagues doivent être distribués aux prolétaires mais la propriété reste un droit absolu. D’autres propositions tranchent par leur caractère conservateur : la femme ne doit pas posséder de biens fonciers et doit rester sous la tutelle de son père, de son mari ou d’un tuteur désigné par un juge ; les domestiques, les militaires, les analphabètes et ceux qui ne paient pas d’impôt sont exclus du corps électoral ; les voies ferrées, responsables de la destruction de terres agricoles et du cosmopolitisme, doivent être abandonnées ; le bocage doit être généralisé à toute la France sur le modèle normand.

Dans quelle mesure le fils adhérait aux idées de son père adoptif et pourquoi s’exila-t-il ? Nous ne le savons pas. Les combats de la libération nous ont privé à la fois des archives publiques telles que des rapports de police, détruites avec les Archives départementales en 1944 et des archives privées de la famille Sanson, disparues sans doute à la même date. Restent les données d’État-civil permettant de reconstituer partiellement l’itinéraire de la famille. Le 19 avril 1854, Daniel Sanson épousa civilement -et religieusement devant un pasteur de l’Église réformée-, Élisabeth Jeanne Gautier, née à Saint-Hélier, île de Jersey, le 22 avril 1833. Le couple émigra à Saint-Hélier peu après, où Élisabeth accoucha de Mélie Anna Élisabeth, née le 24 septembre 1854. Sur l’acte de naissance de sa fille, Sanson est prénommé David et qualifié de rentier.

Les raisons de cette émigration sont sans doute politiques puisque le consul français de Jersey cite Sanson dans une liste de proscrits ayant demandé du Gouvernement britannique un passage gratuit pour l’Amérique. Le consul ajoute qu’il ne l’obtint pas sans préciser la raison du refus.

À la naissance de son fils Félix Jean, le 28 mai 1856, Daniel Sanson était revenu à Saint-Ebremond-de-Bonfossé. Abandonnant la modestie de son père adoptif qui se qualifiait simplement de cultivateur et avait délaissé, depuis la Révolution, le titre de sieur de la Valesquerie, Daniel Sanson fit rectifier, en 1880, son nom en Sanson de la Valesquerie et vécu en propriétaire en son château de la Motte-l’évêque.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article230427, notice SANSON de la VALESQUERIE Daniel [né DUMANOIR Daniel] par Gauthier Langlois, version mise en ligne le 21 juillet 2020, dernière modification le 28 novembre 2020.

Par Gauthier Langlois

SOURCES : Archives de la Manche, Acte d’adoption, Acte de mariage, Rectification d’État-civil. — Robert Sinsoilliez, Marie-Louise Sinsoilliez, Victor Hugo et les proscrits de Jersey, Ancre de marine, 2008. — Félix-Alexis Sanson, À l’Assemblée chargée de donner une constitution à la République Française ... Offrande de quelques idées démocratiques, Saint-Lo, imprimerie d’Élie fils, 1848. — « Félix Samson-La Valesquerie », Wikimanche. — Marcel Gesbert, « Sanson Lavalesquerie, volontaire de la Révolution… », Cercle de généalogie et d’histoire locale de Coutances. — Association de sauvegarde et de valorisation du patrimoine en val de Sienne, Saint-Ebremond-de-Bonfossé, chapelle funéraire des Sanson.

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