GENTY Maurice, Lucien, Robert

Par Gérard Leidet

Né le 7 septembre 1925 à Vailly-sur-Aisne (Aisne), mort le 9 avril 2020 à Paris (XIIIe arr.) ; professeur d’histoire et historien de la Révolution française ; militant communiste.

Issu d’un milieu modeste, Maurice Genty naquit dans une famille dont les « origines populaires » sont à préciser. Son père, Robert Genty, maçon de formation, était devenu un petit entrepreneur de maçonnerie, profitant de l’essor du bâtiment dans les régions dévastées – Vailly se trouvait sur le ligne de front durant la Grande Guerre. Mais il avait dû se résoudre à renoncer à son entreprise par suite de la conjonction de la crise économique de 1929 et de la baisse de la reconstruction, et dut exercer divers métiers tout au long des années 1930. La mère, Lucie Marion, institutrice durant dix-huit ans, peu faite pour l’enseignement, avait pris une retraite anticipée. Dès lors, durant la jeunesse et l‘adolescence de Maurice Genty, la famille connut de graves problèmes financiers ; une gêne qui confina sans doute jusqu’aux marges de la misère. Cela n’ôtait pas du côté de la mère, un vague sentiment de supériorité à l’égard d’un voisinage aux contours largement populaires, sentiment lié à ses origines familiales et à une culture classique, héritée et maîtrisée.

Après des études secondaires au collège de Soissons (Aisne) - lequel occupait les bâtiments où Saint-Just avait étudié – puis au lycée Henri IV, Maurice Genty connut des moments très difficiles dans sa vie quotidienne. Il n’aurait pu entamer et poursuivre des études supérieures sans une bourse d’État puis un prêt d’honneur. Il put alors préparer et obtenir sa licence d’histoire à la Sorbonne. Il commença à enseigner en 1946 au lycée de Bourges, puis à partir de 1948 au lycée de Constantine, commune du nord-est de l’Algérie (chef lieu du département et de l’arrondissement de Constantine). Il militait alors au SNES, d’abord au sein de la FEN-CGT. Dès le mois de janvier 1954, le PCF dans un appel du bureau politique diffusé largement auprès des enseignants appela ses adhérents instituteurs à mettre fin à leur double affiliation et à militer à la FEN autonome. Le processus engagé pour les instituteurs se développa « naturellement » pour les autres corps d’enseignement. Maurice Genty continua de militer sur le plan syndical dans le courant de pensée des syndicalistes-enseignants « ex-cégétistes », lequel se structura au milieu des années 1960 dans la tendance Unité-action. Il enseigna ensuite successivement à Cannes, Reims, Saint-Germain, enfin à Savigny-sur-Orge jusqu’en 1985, année de sa retraite. Agrégé d’histoire en 1953, sans renoncer à dispenser son enseignement dans les lycées, il fut, notamment avec son collègue Claude Mazauric, un des professeurs d’histoire très fidèles du séminaire d’Albert Soboul dans les années 1970-82.

Maurice Genty prépara sous la direction d’Albert Soboul une thèse de doctorat d’État soutenue à l’Université de Paris I en 1981 sur « Le mouvement démocratique dans les sections parisiennes printemps, 1790 - printemps 1792 » qui complétait la recherche fondatrice de Soboul. Une thèse dont il reprit les principales conclusions dans un ouvrage de synthèse qui parut sous le titre L’apprentissage de la citoyenneté, Paris 1789-1795. Le livre parut en 1988 dans la « Bibliothèque du bicentenaire de la Révolution française » et portait le numéro 14 de cette collection (Messidor/Éditions sociales) qui comprenait au total vingt titres. Cet essai historique, qui demeurait une référence plus de trente ans après sa sortie, prenait place dans un ensemble éditorial ambitieux qui publia ou réédita les travaux relatifs à la Révolution française de Karl Marx et Friedrich Engels, Jean Jaurès, Albert Mathiez, Georges Lefebvre, Albert Soboul, Claude Mazauric et Michel Vovelle. Jacques Guilhaumou dans sa recension du livre de Maurice Genty pour la revue Dix-Huitème Siècle rappela que ce dernier retraçait l’histoire de deux composantes majeures de la vie politique parisienne pendant la Révolution française : l’exercice de la vie communale et l’effort d’implantation de démocratie directe par le mouvement sectionnaire. Au départ c’est dans le cadre des districts que la petite et moyenne bourgeoisie fit l’expérience du gouvernement direct. Toujours selon Guilhaumou, un des intérêts majeurs du travail de Maurice Genty était de nuancer la thèse classique exprimée par Soboul, où l’on voyait les sans culottes parisiens, partisans de la démocratie directe, s’opposer à la bourgeoisie plutôt favorable à la démocratie représentative. Maurice Genty montrait de son côté que de larges couches de la bourgeoisie parisienne manifestaient leur attachement au principe de la souveraineté populaire, et à sa conséquence immédiate, la démocratie directe.

Membre de l’IHRF (Institut d’histoire de la Révolution française), Maurice Genty collaborait par ailleurs aux Cahiers d’histoire - Revue d’histoire critique, et demeura un membre fidèle de la Société d’études robespierristes. Il fournit de nombreuses contributions (articles et recensions) aux Annales historiques de la Révolution française (treize publications entre 1973 et 2006, dont « Pratique et théorie de la démocratie directe : l’exemple des districts parisiens (1789-1790) », en 1985 ; « Le mouvement démocratique dans les sections parisiennes (printemps 1790-printemps 1792) » en 1982 ; « Controverses autour de la Garde nationale parisienne » en 1993). Tout ceci représentait une intense activité qui lui permit d’écrire de nombreux articles très novateurs, notamment pour la Revue d’Histoire moderne et contemporaine (deux publications en 1978 et 1984), et pour La revue du Nord (une publication l’année du bicentenaire, en 1989). Mais on pense en particulier à la vingtaine de notices fort bien documentées rédigées pour le Dictionnaire historique de la Révolution française d’Albert Soboul (publié sous la direction scientifique de Jean-René Suratteau et François Gendron, PUF, 1989) et consacrées notamment aux aristocrates, comités civils, comités de surveillance, à la démocratie directe, démocratie représentative, aux sections de Paris ; et à quelques figures singulières de la Révolution française parmi lesquelles, Lally-Tollendal, Sylvain Maréchal, l’Abbé Barruel, etc.

Maurice Genty avait adhéré au Parti communiste français dès 1946. Il fut ensuite, de 1948 à 1953, membre du Parti communiste algérien. Il demeura très attaché à l’Algérie et soutint par la suite, dès les années 1970, la cause palestinienne.

Il fut aussi partie prenante des controverses animant le PCF au milieu des années 1960. Depuis 1949, il s’était intéressé à la révolution chinoise. Lors d’un voyage en Chine en 1966, il avait été témoin des premières manifestations de la Révolution culturelle. Il en avait approuvé le sens, ce qui l’avait amené à s’opposer aux positions du PCF dans les domaines de la politique internationale, et par suite à le quitter en 1969 tout en restant très proche de lui dans bien d’autres domaines...Une orientation que partageait également son collègue professeur de philosophie au lycée de Savigny-sur-Orge, Étienne Balibar, et suivies par ailleurs par un groupe d’élèves de l’établissement. Tout en maintenant des liens auprès de ses camarades, il continuait de manifester dans les rangs du Parti communiste.

En 1984, notamment sous l’insistance amicale de l’historien communiste Roger Martelli, il renoua avec l’activité régulière au sein du PCF, sans avoir jamais vraiment rompu, et demeura, tant que ses forces le lui permirent, un militant de base très actif, vendant jusqu’aux années 2010 l’Humanité dimanche au sein de la section du XIIIe arrondissement de Paris. Selon le témoignage de son « compagnon de combat » pour la défense de la Révolution française, Claude Mazauric, « on [pouvait] sans réserves louer le formidable travail d’historien de terrain de Maurice Genty, sa clarté de vues… Son décès a clos une vie de longue fidélité à son idéal, embrassé dès sa jeunesse... »

Maurice Genty avait épousé en 1952 Françoise Huard, sœur de l’historien Raymond Huard, professeure agrégée d’histoire-géographie dans le secondaire, militante syndicaliste du SNES et d’une association pro-palestinienne.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article230488, notice GENTY Maurice, Lucien, Robert par Gérard Leidet, version mise en ligne le 12 août 2020, dernière modification le 22 août 2022.

Par Gérard Leidet

OEUVRE : L’apprentissage de la citoyenneté, Paris 1789-1795, Messidor, Éditions sociales, 1987.

SOURCES : Jacques Guilhaumou, [compte-rendu], Maurice Genty : L’apprentissage de la citoyenneté. Paris 1789-1795, 1987 ; Dix-Huitième Siècle, Année 1988, n° 20, p. 524. — Pierre Chaillan, notice nécrologique, L’Humanité, 14 avril 2020. – Entretiens avec Françoise Genty, veuve du militant ; et notes écrites de Françoise Genty, les 17 juin, 8 juillet et 8 août 2020. — Notes de Raymond Huard et Claude Mazauric.

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