DUBOIS Jean

Par Odette Hardy-Hémery

Né le 24 septembre 1915 à Bruay-sur-Escaut (Nord), fusillé le 15 novembre 1941 à Lille (Nord) ; aide comptable ; résistant OS.

Première page de la dernière lettre de Jean Dubois, Loos le 15 novembre 1941.
Communiqué par Jérémy Ferro, son arrière petit neveu.

Né dans une famille de mineurs de fond, fils de Charles Dubois, chaudronnier, et de Eugénie Bonva, ménagère, Jean Dubois était aide-comptable au début de l’Occupation à Valenciennes. Communiste, il adhéra à l’Organisation spéciale de combat, groupe Félicien Joly, et participa au vol de 100 kg de dynamite à la fosse Lagrange à Raismes dans la nuit du 15 au 16 août 1941. Arrêté le 15 septembre 1941 par la police française, il fut remis à la Gestapo, interné à Valenciennes puis à Loos. De sa cellule, il écrivit à son filleul et à sa famille de ne pas se faire de soucis, de se distraire, de mener une vie normale, "allez au cinéma, allez au bal quand ceux-ci reviendront, et ne gâchez pas la vie de Gilberte et d’Andrée" (ses soeurs). Il se montre très proche de "ses collègues, copains, voisins et amis".
Condamné à mort le 30 octobre 1941 par le tribunal militaire de la Feldkommandantur 678 de Lille, il a été fusillé à la citadelle de Lille le 15 novembre 1941 avec entre autres Félicien Joly et Maurice Dor.

Dernière lettre.
Les deux dernières lettres ont été conservées par sa soeur Gilberte qui vécut centenaire, sans être portées à la connaissance des descendants. A son décès vers 2014, son neveu les découvrit et à l’été 2017 le fils de celui-ci, prenant connaissance du site Maitron-fusillés, nous les communiqua.
(orthographe et ponctuation d’origine respectées)
 
Loos Lille le 15 novembre 1941
Mme Berthe
12h
Depuis que je vous ai brusquement quitté le mercredi 17 septembre voila la 1re fois que je puis vous donner de mes nouvelles mais hélas ce sera aussi la dernière fois car je viens d’avoir communication du jugement définitif qui me condamne à la peine de mort.
Cette sentence sera exécutée cet après-midi à 17h45.
Le moral est très bon et qui ne m’a pas quitté depuis deux mois, est celui qui m’entrainera dans l’autre monde.
Je vous dirais que j’ai payé très cher mais que voulez-vous c’est la loi de la guerre et on ne peut arrêter les évènements.
2iè J’espère que chez vous tout va bien ainsi qu’au bureau.
Ce que je regrette c’est de partir sans avoir eu l’impression qui y régnait.
Des jours tragiques passent mais je vois déjà venir pour ceux qui restent des jours meilleurs et c’est avec cette confiance que je vais quitter votre monde.
J’ignore ce qu’à fait le chef pour moi à la fin du mois de septembre peut-être ne m’a t’il réglé qu’un demi mois,mais peu importe il pourra savoir que la dernière pensée que j’ai eu pour lui en écrivant au bureau, c’est ques’il ne m’avait pas toujours lésé comme il l’a fait je ne serai peut-être pas ici ; malgré tout je ne lui en veux pas et je souhaite qu’à l’avenir il soit un peu moins égoïste et aide plus autour de lui ceux qui travaillent.
 
Vous donnerez le bonjour à Martial et vous lui direz la formule rituelle.
Cher Monsieur Dubois dormez en Paix.
Je vais boire un Guignolet mais je ne pourrai plus trinquer cependant la sentence qui me frappe aujourd’hui n’enlève rien à mon honnêteté d’hier et c’est toujours la tête haute que pourra aller ma famille toute entière.
Je ne vois rien d’autre à vous communiquer et vous quitte en vous adressant un adieu à tous ceux que je crois toujours mes amis, MM.
M Paris, Feutry, Marcy, Mmes Trehout, Yvette et les dactylos.
Votre Ami.
Jean
 
Deuxième dernière lettre
.
Loos-lez Lille le 15 Novembre 1941
Chers mère, frères,soeurs,nièces et filleul, tantes, oncles, cousins et cousines.
Je vous adresse aujourd’hui ma lettre d’adieux car je viens de recevoir la confirmation du jugement me condamnant à la peine de mort.
C’est donc cet après-midi que tout sera fini pour moi à 17h45 ;
C’est avec un très bon moral que j’ai appris la décision définitive car je ne pouvais croire à la grâce et c’est avec ce même moral que j’affronterai la mort.
Peut-être cette sentence est très chère, mais celà est la loi de la guerre et de l’argent.
Pour moi qui vous quitte pour toujours je regrette de vous occasionner, surtout à vous maman, de nouveaux soucis, de nouvelles peines, mais que voulez vous le sort en est jeté et nous ne pouvons pas arrêter la roue qui tourne.
Je vous quitte, il faut que fassiez comme si je n’étais plus chez vous, il faut que vous preniez votre courage à deux mains et que vous m’oubliez rapidement.
Vous maman, ne vous laissez pas manquer de rien, vivez doucement et longtemps il vous restera encore de longues années heureuses quand bientôt Marcel et Marceau seront rentrés. En attendant passez votre temps, distrâyez-vous en allant chez Eugénie, chez Kléber, chez Lucienne, ne restez pas seule à la maison et surtout ne vous en faite pas pour moi.
Pour vous Eugénie, Kléber, Gustave, Marie-Louise, Lucienne je vous demande et il faut le faire, de continuer votre vie comme précédemment, allez au Cinéma, allez au bal lorsque ceux-ci reviendront, et ne gâchez pas la vie de Gilberte et de Andrée pour moi car bientôt la guerre va se terminer et la gaité reparaitra sur toutes les figures, il faut, je le veux, qu’il en soit de même pour vous tous, donc en résumé pas de deuil pour moi c’est ma dernière volonté.
Pour Gilberte, la vie commence ce qu’il faut c’est qu’elle apprenne à Travailler comme il faut pour avoir plus tard une vie heureuse.
Pour Andrée il en est de même, elle est en très bonne voie, et je lui conseille de continuer dans ce sens, plus tard elle ne se repentira pas. Qu’elle continue l’école le plus longtemps possible et surtout qu’elle continue à bien travailler.
Marceau et Marcel à qui il faudra apprendre la nouvelle, je vous laisse le soin de les prévenir mais je crois qu’il vous faudrait les laisser dans l’ignorance le plus longtemps possible afin de ne pas leur faire faire du mauvais sang inutile.
Et maintenant, mon petit Paul, qui certes n’aura pas beaucoup connu son parrain, mais j’espère qu’il trouvera en la personne du fiancé de sa marraine un digne remplaçant, à lui je lui souhaite toute sorte de bonheur et je l’embrasse bien fort tout particulièrement. Il en est de même pour Marie-Rose qui je l’espère commence à se débrouiller comme il faut.
En somme je me résume comme ceci.
Mon moral est très bon et ainsi que je vous quitterai.
Vous pouvez rester fier de moi et aller partout la tête haute.
Ce que je vous ordonne à Maman c’est de ne pas s’en faire et de vivre doucement en attendant le retour de Marcel et Marceau.
A tous ses garçons et filles de bien prendre soin d’elle, de la distraire et de vous distraire aussi en continuant votre vie normale.
A mes tantes oncles et cousins j’adresse ma dernière pensée et je vous quitte en vous embrassant tous mille fois.
Vous adresserez mes amitiés à tous les copains, voisins et amis.
Encore une fois mille baisers et pas de soucis pour
Votre fils
Dubois Jean
Jean
 
Vous donnerez le bonjour et l’adieu à Andrée, Bébert, Henri, François marquant.Mme Vermesr, Yves, Alice, Mme et Mr Taverne, Fernand, Marie Louise, Alphonse et sa femme, à Léontine et à Odette.
Le 15-11-41
12 heures
Je mange comme il faut, je n’ai jamais été malheureux ici vous recevrez je crois mes vêtements et mes affaires que je portais sur moi le jour de mon arrestation : Ma montre, mon stylo, 125f environ dont di10f en argent.
Mon stylo vous pouvez en faire cadeau à Andrée. Quant au souvenir faites ce qu’il vous plaira car je n’ai pas grand chose.
Jean
Je retourne tout mon linge, mes sabots, mon par dessus, mon foulard bleu marine.
Je remercie particulièrement André pour son pain d’épice et lui adresserez mon amical souvenir ainsi que de Félicien.
Enveloppe avec timbre du maréchal Pétain adressée à Monsieur Dubois Kléber 14 rue Merecoeur (illisible)
Anzin (Nord)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23049, notice DUBOIS Jean par Odette Hardy-Hémery, version mise en ligne le 4 septembre 2017, dernière modification le 3 janvier 2022.

Par Odette Hardy-Hémery

Première page de la dernière lettre de Jean Dubois, Loos le 15 novembre 1941.
Communiqué par Jérémy Ferro, son arrière petit neveu.

SOURCES : DAVCC, Caen. – Arch. Musée de la Résistance de Denain. — Renseignements et documents communiqués par Jérémy Ferro, son arrière petit neveu. — État civil en ligne cote 3 E 4276, vue 187.

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