BOUSQUET Jean

Par Gauthier Langlois

Né le 1er septembre 1821 à Bourg-de-Visa (Tarn-et-Garonne), mort le 17 avril 1853 à Saint-Hélier (Jersey) ; cafetier à Moissac ; socialiste il fut expulsé vers la Belgique suite au coup d’État du 2 décembre 1851 et se réfugia à Jersey.

Fils de Jean Bousquet, propriétaire et de Rose Flourens, il avait quitté son village natal pour s’installer à une vingtaine de kilomètres plus loin, dans la ville de Moissac où il tenait un café. Franc-maçon, il appartenait à la loge La parfaite union orient de Moissac et pendant son exil, rendit visite, le 24 mai 1852, à la loge La Césarée, orient de Jersey.

Après la Révolution de février 1848 il baptisa son café La Montagne, affichant ainsi son soutien aux Montagnards. C’était le lieu de réunion des socialistes de la ville dont Bousquet apparaissait comme le chef de file. Parmi eux Jean Courtès et Antoine Serres qui furent ses compagnons d’exil. Il résista au coup d’État du 2 décembre 1851 en tentant, notamment avec Antoine Racio et Guillaume Castera, de prendre la mairie et la sous-préfecture. Pour ses faits il fut interrogé puis, le 9 décembre, arrêté. Interrogé à nouveau il nia les faits qu’il lui était reprochés. Le sous-préfet, qui le considérait comme dangereux, proposa sa déportation en Guyane. Mais la commission mixte Tarn-et-Garonne le condamna à l’expulsion, sur les motifs suivants : « Il tenait à Moissac le café dit de la Montagne où se réunissaient toutes les notabilités et tous les sectaires du socialisme. Sa violence le rendait redoutable même aux hommes de son parti. Il fut traduit en 1849, mais acquitté, devant la cour d’assises de Montauban pour exposition publique d’emblèmes séditieux (bonnets et drapeaux rouges). Le 3 décembre il a été vu haranguant la foule, dans son café, à son arrivée d’Agen, où il était allé chercher des nouvelles, il a saisi le commissaire de police à la gorge en cirant : Prisonnier ! Prisonnier !… il est parti du café et a proféré ces mots : « du courage mes amis, la Mairie est à nous ». À la Mairie il dit à M. Vidal, adjoint : « décampez, décampez… la mairie est à nous ». Il marchait en tête de la colonne et se trouvait des trois premiers à l’attaque de la Mairie. Après la première attaque, il se mit sur la porte du café et s’écria dans le but d’exciter le peuple : « Citoyens les pompiers vont chercher leurs armes ». Le 3 décembre encore, revenant d’Agen et passant à Lamagistère, il fit avertir le Président et le vice-président d’une société démagogique établie dans une localité voisine de se rendre le lendemain à Moissac pour s’emparer de la sous-préfecture. On le représente comme un homme violent, passionné, cruel, capable de tout ».

Libéré, il quitta Moissac le 24 mars pour la Belgique avec Jean Courtès et Antoine Serres. Mais il n’y resta pas longtemps puisque le 24 mai 1852 il était à Jersey où il signa le registre de la loge maçonnique locale. Ses compagnons Courtès et Serres, l’avaient accompagné. Jean Bousquet y fit la connaissance de Victor Hugo, venu lui aussi de Belgique, mais en août.

Jean Bousquet mourut le 17 avril 1853, d’une fluxion de poitrine selon le registre de sépulture de Jersey, de chagrin suivant Hugo. Il fut inhumé le 20 avril au cimetière Saint-Jean (aujourd’hui cimetière Macpela à Sion), où les proscrits étaient désormais enterrés.

Victor Hugo, en présence de tous les proscrits, fit son éloge funèbre dans un discours républicain appelant à la délivrance de tous les peuples :

« Citoyens,
L’homme auquel nous sommes venus dire l’adieu suprême, Jean Bousquet, de Tarn-et-Garonne, fut un énergique soldat de la démocratie. Nous l’avons vu, proscrit inflexible, dépérir douloureusement au milieu de nous. Le mal du pays le rongeait ; il se sentait lentement empoisonné par le souvenir de tout ce qu’on laisse derrière soi ; il pouvait revoir les êtres absents, les lieux aimés, sa ville, sa maison ; il pouvait revoir la France, il n’avait qu’un mot à dire, cette humiliation exécrable que M. Bonaparte appelle amnistie, ou grâce, s’offrait à lui, il l’a chastement repoussée, et il est mort. Il avait trente-quatre ans. Maintenant le voilà ! (L’orateur montre la fosse).
Je n’ajouterai pas un éloge à cette simple vie, à cette grande mort. Qu’il repose en paix, dans cette fosse obscure où la terre va le couvrir, et où son âme est allée retrouver les espérances éternelles du tombeau !
Qu’il dorme ici, ce républicain, et que le peuple sache qu’il y a encore des cœurs fiers et purs, dévoués à sa cause ! Que la République sache qu’on meurt plutôt que de l’abandonner ! Que la France sache qu’on meurt parce qu’on ne la voit plus !
Qu’il dorme, ce patriote, au pays de l’étranger ! Et nous, ses compagnons de lutte et d’adversité, nous qui lui avons fermé les yeux, à sa ville natale, à sa famille, à ses amis, s’ils nous demandent : Où est-il ? nous répondrons : Mort dans l’exil ! comme les soldats répondaient au nom de La Tour d’Auvergne : Mort au champ d’honneur !
(...) Quand un de nos compagnons de bannissement, dévoré par la nostalgie, épuisé par la fièvre lente des habitudes rompues et des affections brisées, après avoir bu jusqu’à la lie toutes les agonies de la proscription, succombe enfin et meurt, nous suivons sa bière couverte d’un drap noir ; nous venons au bord de la fosse ; nous nous mettons à genoux, nous aussi, non devant le succès, mais devant le tombeau ; nous nous penchons sur notre frère enseveli et nous lui disons : – Ami ! nous te félicitons d’avoir été vaillant, nous te félicitons d’avoir été généreux et intrépide, nous te félicitons d’avoir été fidèle, nous te félicitons d’avoir donné à la foi républicaine jusqu’au dernier souffle de ta bouche, jusqu’au dernier battement de ton cœur, nous te félicitons d’avoir souffert, nous te félicitons d’être mort ! – Puis nous relevons la tête, et nous nous en allons le cœur plein d’une sombre joie. Ce sont là les fêtes de l’exil (...) ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article230517, notice BOUSQUET Jean par Gauthier Langlois, version mise en ligne le 24 juillet 2020, dernière modification le 29 décembre 2020.

Par Gauthier Langlois

SOURCES : BnF, Fichier Bossu. — Victor Hugo, Œuvres complètes de Victor Hugo. Actes et paroles. 2 publiées par Paul Meurice, puis par Gustave Simon, 1937-1940, p. 46-51. — Pierre Gayne, « Un proscrit de Tarn et Garonne, célébré par Victor Hugo, Jean Bousquet », Société archéologique et historique de Tarn-et-Garonne, 1996, p. 137-148. — Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, « Bousquet - Jean », Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier - (Université de Bourgogne/CNRS), [En ligne], mis en ligne le 27 août 2013. — Le Temps, 4 août 1883.

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