DUBOIS Marius, Casimir, dit MARIUS-DUBOIS

Par Gilles Morin, Justinien Raymond

Né le 10 octobre 1890 à Aubenas (Ardèche), mort le 7 septembre 1976 à Aubenas ; instituteur ; syndicaliste et militant socialiste d’Oran (Algérie) puis de l’Ardèche, fondateur d’Oran-Socialiste, membre suppléant de la CAP (1936-1938), secrétaire de la fédération Force ouvrière de l’Ardèche dans les années 1950 ; conseiller général d’Oran (1931-1944), député d’Oran (1936-1942), maire de Saint-Andéol-de-Vals (1965-1966).

Marius Dubois
Marius Dubois
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936

Marius Dubois était le fils d’un directeur et d’une directrice d’école publique. Il fit ses études primaires dans l’école de son père à Saint-Étienne-de-Fontbellon (Ardèche). De là, il alla à l’École primaire supérieure d’Aubenas où il fut reçu au Brevet élémentaire et passa avec succès le concours d’entrée à l’École normale d’instituteurs de Privas. Après trois ans passés dans cette dernière école il fut élève-maître de 4e année d’École normale au collège Alaoui de Tunis où il se prépara à l’enseignement en Afrique du Nord.

Il devança l’appel sous les drapeaux et servit au 4e régiment du Génie à Grenoble. Réformé pour avoir contracté une grave maladie après un bain glacé dans l’Isère, il regagna l’Afrique du Nord. Il fut instituteur en Algérie, à Lamoricière, puis directeur d’école à La Ténaia, près de Sid-Bel-Abbès, puis à Lalla-Marnia, sur la frontière du Maroc, enfin, après la Grande Guerre à Oued-Tania et à Palikao. En 1924, il fut nommé à Oran. Cette année-là, il créa, à Oran, la première section socialiste SFIO. Lui-même appartenait au Parti socialiste depuis 1912.

Secrétaire de la fédération SFIO d’Oran depuis 1924, il participa au congrès des Fédérations socialistes nord africaines qui se tint à Alger, les 1er et 2 novembre 1929. Le 23 août 1930, en tant que secrétaire fédéral, il comparut au tribunal de simple police d’Oran parce que le drapeau rouge avait été arboré au siège de la fédération socialiste et du Semeur. Il fut relaxé. Candidat à l’élection législative de 1928 et aux deux partielles de 1929, puis du 22 mars 1931 à Oran, il obtint à cette dernière 6 696 voix au premier tour, sur 19 020 votants. Le 15 mars 1931, il fut élu conseiller général d’Oran par 955 voix contre 888 au candidat de droite : c’était la première victoire socialiste à Oran. De nouveau candidat aux législatives de 1932 et à l’élection sénatoriale complémentaire du 31 décembre 1933, il échoua aux élections municipales de 1935, donna sa démission de conseiller général, se représenta et fut réélu.

Dans la SFIO, Marius Dubois se situait résolument à la gauche de l’organisation. Au congrès national de Paris, le 14 juillet 1933, il intervint pour le droit d’adhérer au Comité d’Amsterdam-Pleyel puis s’affirma comme un adversaire conséquent des thèses néo-socialistes. Il rappelait à cette occasion avoir crié « Déception ! Déception ! » lorsque lors du congrès d’Avignon précédent, où il était délégué au titre de la motion Paul Faure-Léon Blum, avait été tentée une conciliation avec les élus du groupe. Il disait refuser que l’axe du parti soit déplacé vers la démocratie car, « la vieille démocratie républicaine a fait son temps », incapable « aujourd’hui de résoudre les problèmes d’ordre social car elle a encore ses racines dans le capitalisme ». Puis, il présenta et défendit une motion de la 15e section de la Seine et de la tendance Bataille socialiste, visant à l’exclusion de Frossard, Marquet, Varenne et Fiancette qu’il qualifiait de « parlementaires récidivistes de la désobéissance aux décisions du congrès ».

En 1936, Marius Dubois fut élu au second tour de scrutin, député socialiste d’Oran. Jusque-là les Oranais d’origine espagnole ne participaient guère à la vie politique. Or, leurs voix furent déterminantes pour départager les trois candidats, Gatuing, d’extrême-droite, l’abbé Lambert, démocrate-national et bête noire de la fédération socialiste, et Marius Dubois. Pour s’attacher les électeurs d’origine espagnole, l’extrême-droite s’acharna contre l’abbé Lambert. L’Écho d’Oran décrivait la « terreur en Espagne » (29 avril 1936). Le Parti socialiste riposta vivement à cette campagne qui représentait les républicains comme des brutes sanguinaires. L’appel aux passions modifia quelque peu les positions du 1er tour qui donnèrent 8 202 voix à Gatuing. 7 237 à Lambert et 6 420 à Dubois (35 687 inscrits). Au second tour grâce au désistement du communiste Zannettacci, Dubois l’emporta avec 11 526 voix sur 29 778 votants contre Gatuing, 9 440 et Lambert, 8 440. Dubois avait dû sa victoire au renversement des alliances de l’électorat israélite d’Oran et à la détermination d’une partie de la population d’origine espagnole saluant dans l’avènement du Front populaire une ère de bonheur social. Tous les quartiers avaient voté en majorité pour Dubois sauf Karguentah, fidèle à l’abbé Lambert, maire de la ville. Il avait acquis la confiance des dockers et des marins d’Oran.

Directeur d’Oran socialiste, hebdomadaire, propagandiste actif à la voix rocailleuse et à l’éloquence abondante, Dubois défendit ardemment le projet Blum-Violette. Co-fondateur du Droit de vivre en 1932, Marius Dubois était encore secrétaire-général adjoint de la LICA, en 1939, et appartenait à la loge "L’Aurore nouvelle africaine".

Marius Dubois fit partie des parlementaires embarqués sur le Massilia à Bordeaux. Il n’arriva à Vichy qu’après le vote des pleins pouvoirs au Maréchal Pétain le 10 juillet 1940. On ne peut préjuger de son attitude lors de la séance historique. C’est donc par erreur qu’il fut exclu du Parti socialiste au congrès de novembre 1944 pour avoir voté les pleins pouvoirs. Il n’en reste pas moins que le dossier établi par la commission nationale des conflits et soumis au conseil national du 15 décembre 1956, témoigne d’une période d’hésitation : « Marius Dubois crut, non pas à Pétain, mais à l’avènement d’un régime nouveau dans lequel, selon lui, le travail seul serait souverain ». Rentré à Vichy après le 10 juillet, il s’était rapproché de l’équipe Rives-Spinasse et de son compatriote Marcel Régis et avait publié dans l’Effort du 28 août 1940 un article intitulé : « Nous n’avons pas voulu la guerre. » Il y parlait de « reconstruire sur des bases nouvelles, après une entente économique avec l’Allemagne, un régime nouveau, où le travail sera souverain ». Un article du 17 juillet 1941 avait pour titre : « La révolution nationale sera sociale. » Sa signature apparaît pour la dernière fois le 31 juillet au bas d’un texte sur Jaurès largement censuré. Dubois déclara plus tard avoir alors compris que sa collaboration à l’Effort était en contradiction avec « son idéal républicain, laïque et socialiste ». Le 14 janvier 1942, il fut destitué de ses fonctions de conseiller général comme dignitaire de la maçonnerie. Il fut dénoncé comme Franc-Maçon et membre de la LICA dans la brochure Je vous hais, publiée au 10 rue de Pyramides par le PPF. Il avait été initié le 17 avril 1914 à la loge « L’Union de Tlemcen ». Il semble avoir eu un parcours maçonnique compliqué, mais toujours dans le cadre du Grand Orient de France. Affilié à « L’Étoile », à Mascara le 28 août 1918, il quitta sa loge-mère pour intégrer « La Raison », à Oran, le 2 mars 1925, puis quitta « L’Étoile » pour s’affilier à « L’Aurore sociale africaine » en 1929, à « L’union africaine » (Oran) en 1929, pour la quitter début 1932. Il aurait été 18e en 1942, selon le service des sociétés secrètes, mais aussi fondateur des « Lettres maçonniques ». Il sera après l’Occupation vénérable de « L’Espérance des Amis réunis » (Aubenas) en 1949-1950 puis 1952-1953.

En février 1942, au moment du procès de Riom, Dubois adressa une lettre à Léon Blum* pour le remercier « de parler à nouveau à la France républicaine et socialiste ». Il prit contact avec le mouvement de résistance « France d’abord », abrita des juifs et procura de nombreuses fausses cartes d’identité. Cette activité lui valut d’être condamné par défaut, le 26 juin 1944, par le tribunal de Montpellier, à quinze jours de prison et 250 francs d’amende. Dubois procura d’autre part aux forces alliées des plans de terrains d’aviation. La médaille de la Résistance lui fut attribuée par Édouard Depreux*, par un décret du 26 novembre 1946.

Marius Dubois effectua un retour difficile en Ardèche dans la région d’Aubenas où il réapparut en 1944. Il se présenta comme responsable du mouvement France d’abord et entretint des liens notamment avec Henri Lebrat*, employé de préfecture qui participait à la confection de « vrais faux-papiers » pour la Résistance. Mais durant l’été 44, les résistants de l’Armée secrète s’emparèrent de lui et lui infligèrent la tonte de sa barbe en public. L’Ardèche socialiste du 11 novembre 1944 publia une mise en garde à l’encontre de « l’ex député socialiste SFIO Marius Dubois ». L’hebdomadaire de la fédération lui reprochait de n’avoir entretenu aucun rapport avec ses camarades socialistes pendant la clandestinité et d’avoir répandu des « insinuations calomnieuses » sur le militant SFIO Emir Lardeur*, greffier au tribunal de Privas, qui participait activement à l’épuration.

Il ne put retourner en Algérie reprendre ses activités politiques à la Libération. Le gouverneur général socialiste Chataigneau refusa de lui attribuer un passage par mer pour rejoindre Oran en novembre 1944 avec le motif suivant « En l’état actuel de la situation politique à Oran, la présence de M. Dubois, serait de nature à provoquer de vives controverses au sein du Parti socialiste et à affaiblir dangereusement l’unité indispensable des partis républicains » (lettre à Adrien Tixier, du 24 novembre 1944, F1/a 3214). Installé dans son Ardèche natale à Aubenas où il eu une active action associative (laïque, libre-pensée, vieux travailleurs), Dubois ne semble pas avoir protesté immédiatement contre son exclusion du Parti socialiste SFIO. Il rejoignit le Parti socialiste démocratique de Paul Faure, en fut membre de la commission exécutive provisoire en 1944 puis élu au Comité directeur en 1951 et collaborait à La République libre. Il signa l’affiche appelant à voter « non » au référendum du 5 mai 1946 et devint vice-président du RGR en 1949.

Dubois tenta à plusieurs reprises de reprendre une carrière politique, contre ou avec la SFIO. Il fut candidat aux législatives de novembre 1946 dans le Rhône, en deuxième position d’une liste du « Regroupement socialiste et républicain, parti socialiste démocratique » dirigée par un autre ancien parlementaire paul-fauriste, Armand Chouffet. Sa demande de réintégration à la SFIO appuyée par la fédération de l’Ardèche date du 23 mars 1951. Le XLIIIe congrès national la rejeta le 14 mai 195, pratiquement à l’unanimité. Il se présenta donc de nouveau aux élections cantonales d’octobre 1951, sous l’étiquette « socialiste indépendant », dans le canton d’Aubenas, après le retrait du socialiste Beaussier*, élu en 1945. La fédération socialiste qui n’avait pas présenté de candidat l’appuya et il se présenta aux élections cantonales de 1952 dans le canton d’Aubenas, comme candidat « républicain » avec l’investiture du Parti socialiste SFIO. La fédération de l’Ardèche se prononça pour sa réintégration au congrès du 19 novembre 1954, par 116 voix contre 7 et 37 abstentions, et présenta une nouvelle demande de réintégration, renvoyée à la Commission nationale des conflits par le congrès de 1955. Quant à la Fédération d’Oran, elle fit savoir qu’elle ne faisait pas opposition à la demande présentée par son ancien député. Il fut finalement réintégré par le conseil national du 15 décembre 1956. Le rapporteur, Rémy Sicard*, avait tenu compte de ses activités politiques et syndicales depuis 1945.

Secrétaire de l’Union départementale CGT-FO, il succéda en janvier 1954, lors d’un congrès tenu à La Voulte-sur-Rhône à Georges Chave, au poste de secrétaire général de cette UD. Il resta en fonction jusqu’à la fin des années 50. Il fut également secrétaire de la section départementale des vieux travailleurs en 1953-1954.

Il soutint les candidats socialistes aux diverses élections. Aux élections législatives de 1956, il avait été placé en deuxième position dans la liste socialiste, derrière Jean Palméro* qui fut élu député. Il fut candidat SFIO aux législatives de novembre 1958 dans la 3e circonscription de l’Ardèche, en équipe avec Jean Faravel*, obtenant 3 228 suffrages au premier tour et 2 423 au second, sur 52 035 inscrits et 38 545 exprimés.

Élu conseiller municipal de Saint-Andéol-de-Vals le 13 mars 1965, il en devint maire le 20 mars, et le demeura jusqu’au 11 février 1966.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23064, notice DUBOIS Marius, Casimir, dit MARIUS-DUBOIS par Gilles Morin, Justinien Raymond, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 26 mars 2012.

Par Gilles Morin, Justinien Raymond

Marius Dubois
Marius Dubois
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936

SOURCES : Arch. Nat., F7/13085 ; F/1a/3239 ; F/1cII/137. — Arch. OURS, rapport de Rémy Sicard au conseil national du 15 décembre 1956 et correspondance Ardèche, lettre 8 mai 1950. — Arch. Com. Saint-Andéol-de-Vals. — Arch. Dép. de l’Ardèche : collection de L’Ardèche socialiste (1944-1948). — Le Populaire, 29 août 1930. —La Vie socialiste, 28 mars 1931. — Les Cahiers d’information du militant, n° 16, mai 1936. — Francis Koerner : « Les répercussions de la guerre d’Espagne en Oranie (1936-1939) » in Revue d’Histoire moderne et contemporaine, t. XXII, juillet-septembre 1975 (p. 476-486). — J. Jolly, Dictionnaire des Parlementaires. — Marc Sadoun, Les socialistes sous l’Occupation, Presses de la FNSP, 1982. — Bulletin intérieur de la SFIO, n° 87. — Fraternité, n° 7, du 6 février 1944. — PS-SFIO, Rapports des congrès SFIO de Tours, 1931 et Paris, 1933. — André Combes, La Franc-Maçonnerie sous l’Occupation, Éd. du Rocher, 2001, p. 46 et 52. — Michel Bancilhon (ex Commandant Bernard de l’AS), Un Ardéchois dans la tourmente, recueil de souvenirs reprographiés, s.d. — Antonio Amaniéra, Les racines de la passion, publication FO Drôme-Ardèche, Valence, 1997. — Témoignage de Henri Lebrat. — Notes de Pierre Bonnaud et de Louis Botella. — État civil d’Aubenas.

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