TABOUIS Geneviève

Par Anne Mathieu

Née le 23 février 1892 à Paris, morte le 22 septembre 1985 à Paris ; journaliste de presse écrite ; journaliste radiophonique ; principalement chroniqueuse de politique étrangère ; essayiste

L’Œuvre, 19 février 1939, p. 3.
Source gallica.bnf/BnF

Geneviève Le Quesnes naquit dans un milieu bourgeois. Son père, Fernand Le Quesne, artiste peintre, quitta le foyer familial alors qu’elle n’était âgée que de sept ans, et elle fut élevée par sa mère, Berthe Le Quesne (née Lafosse), fille d’un industriel fortuné. Elle grandit entourée de son frère cadet, Raymond, de sa mère et de sa tante Eugénie Lafosse, épouse de l’ambassadeur Jules Cambon.
Geneviève Le Quesne fut élève au couvent de l’Assomption rue de Lübeck à Paris. Puis elle suivit les cours de l’Ecole du Louvre où elle se spécialisa dans l’Egypte ancienne et où elle obtint son diplôme en 1912.

Ses oncles Jules et Paul Cambon, tous deux ambassadeurs, l’éveillèrent à la politique internationale. Elle rendit visite au premier à Madrid puis à Berlin, et, en 1919, il l’engagea comme secrétaire. Elle fut à ses côtés lors des négociations du Traité de Versailles. Grâce à ses oncles, elle se forgea un carnet d’adresses de personnalités politiques diverses.

Geneviève Le Quesne épousa Robert Tabouis, industriel français, en 1916. Ils eurent deux enfants.

Elle commença en 1922 sa collaboration pour La Petite Gironde, pour laquelle elle fut envoyée à la SDN. Elle poursuivit ses reportages au Petit marseillais.
Elle devint vice-présidente de l’Association internationale des journalistes accrédités auprès de la SDN.
Le 5 mai 1929, elle collabora à La Gazette de Biarritz-Bayonne et de Saint-Jean-de-Luz, avec un article « Le féminisme dans l’Egypte ancienne », titre qui correspond à certaines des conférences qu’elle dispensa depuis la parution de son essai Le pharaon Tout-Ank-Amon, sa vie et son temps (1928).

Ayant acquis une notoriété, le quotidien L’Œuvre la sollicita pour y entrer comme rédactrice de politique étrangère en 1933. Cette même année, elle inaugura une collaboration ponctuelle à l’hebdomadaire Marianne. Témoignage de sa notoriété, on lui consacra par exemple un portrait dans La Femme de France le 13 novembre 1932, signé de l’écrivaine Suzanne Normand : « On ne sait pas très bien quels peuvent être les rêves de Geneviève Tabouis, mais on connaît le fruit de ses méditations. Celles-ci vont de la politique contemporaine à l’histoire de l’Antiquité. C’est ce qu’on l’appelle une tête bien organisée, et c’est assez dire que ses goûts sont plutôt cérébraux. On pourrait dire que rien de ce qui est intellectuel ne lui est étranger. »
Dès le début de sa collaboration à L’Œuvre, ses articles furent très remarqués par ses confrères parisiens comme de province, et elle sera soit prise à partie par eux, soit mentionnée comme voix autorisée et à prendre en compte. Des extraits de ses articles étaient ainsi souvent cités par les uns comme par les autres.
« Le 17 décembre 1935, elle dévoil[a], en même temps que son collègue Pertinax à L’Echo de Paris, les dessous du plan de partage de l’Ethiopie élaboré par Pierre Laval et Samuel Hoare », nous précisent les Archives nationales. En 1936, elle « annon[ça], deux jours avant sa réalisation, la réoccupation allemande de la Rhénanie. De nouveau, en janvier 1937, elle dévoil[a] en avant-première les plans d’Hitler en Espagne ». Les Archives nationales, toujours, nous apprennent que ses articles « lui val[urent] d’être à plusieurs reprises prise à partie par la presse allemande et par Hitler lui-même lors d’un discours qu’il pronon[ça] le 1er mai 1939 ».
En tant que chroniqueuse de politique étrangère à L’Œuvre, elle suivit assidûment la guerre d’Espagne, dont elle examina aussi les remous en tant qu’envoyée spéciale à Genève. Cette guerre fut en outre l’occasion d’un engagement revendiqué en faveur des réfugiés, puisqu’elle prit en charge dans le quotidien, à partir de janvier 1939, une souscription « Au secours des enfants d’Espagne ».

Lorsque Paul Nizan décida de quitter le parti communiste suite à la signature du pacte germano-soviétique (23 août 1939) et à l’invasion de la partie orientale de la Pologne par l’URSS (17 septembre 1939), il joignit Geneviève Tabouis, avec laquelle il avait noué de très cordiales relations lors de leur couverture respective des sessions de la SDN, Nizan étant, lui, envoyé par Ce soir. Sa lettre de démission du parti communiste fut publiée le 25 septembre notamment par L’Œuvre, probablement présentée par Geneviève Tabouis. Cette dernière l’aida ultérieurement à obtenir une affectation d’interprète auprès de l’armée anglaise (Nizan avait été mobilisé début septembre 39).

Geneviève Tabouis s’enfuit à Bordeaux le 14 juin 1940, lors de l’entrée des troupes allemandes à Paris. Menacée d’arrestation du fait de ses prises de position, elle rejoignit la Grande-Bretagne sur l’invitation de Londres. Elle fut en effet déchue de sa nationalité française par le gouvernement de Vichy, condamnation annoncée en Première page du Jour du 7 septembre 1940.
A Londres, elle se brouilla avec le général de Gaulle, qui lui reprochait son absence de soutien officiel. Elle rencontra Winston Churchill, qui la convainquit de rejoindre les Etats-Unis, où il espérait qu’elle y soutiendrait la cause de l’entrée en guerre des Etats-Unis aux côtés des Alliés.
Arrivée là-bas, elle rencontra le président Roosevelt et noua une très forte amitié avec son épouse Eleanor. Elle dispensa plusieurs conférences et débuta une carrière de journaliste radio sur la section française de La Voix de l’Amérique. En outre, elle créa le journal Pour la victoire (10 janvier 1942-11 mai 1946), qu’elle dirigea jusqu’en 1945.

Les Archives nationales indiquent qu’elle « ne parv[i]nt à rentrer d’exil qu’à l’été 1945. Sans plus aucun repère dans cette France en reconstruction, elle début[a] difficilement une nouvelle carrière. »
Elle devint éditorialiste à L’Aurore et à France libre (1945-1949). A partir de mai 1951, elle assuma la direction – avec Frédéric Hoffet et Jacques Zenner – de la revue européenne paraissant à Strasbourg, Notre Europe. Après L’Aurore et France libre, elle devint éditorialiste à L’Information (1949-1956), dont elle dirigea le service de politique étrangère, puis à Paris-Jour (1959-1972). Elle collabora ponctuellement à d’autres périodiques, dont L’Espoir, La Revue des deux mondes ou Juvénal.

Face aux difficultés à vivre de sa plume journalistique, elle transféra son savoir-faire à la radio, de la RDF à l’ORTF en passant par la RTF, à Radio-Luxembourg puis RTL. Précisons que son époux fut administrateur à Radio-Luxembourg de 1953 à 1963.
A la radio, Geneviève Tabouis acquit une importante notoriété, et nombre d’auditeurs se rappellent encore aujourd’hui de ses chroniques de politique étrangère, « Dernières nouvelles de demain » (1949-1967), « Nouvelles exclusives » (1964-1966) et « L’Inédit du dimanche » (1967-1981).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article230722, notice TABOUIS Geneviève par Anne Mathieu, version mise en ligne le 29 juillet 2020, dernière modification le 8 août 2022.

Par Anne Mathieu

L’Œuvre, 26 septembre 1935, p. 1.
Source gallica.bnf.fr/BnF
L’Œuvre, 19 février 1939, p. 3.
Source gallica.bnf/BnF

ŒUVRE : Le pharaon Tout-Ank-Amon, sa vie et son temps, Préface de Théodore Reinach, Payot, 1928. — Salomon, roi d’Israël, Préface de N. Politis, Payot, 1934. — Nabuchodonosor et le triomphe de Babylone, Préface de Gabriel Hanotau, Payot, 1931. — Albion perfide ou loyale. De la guerre de Cent ans à nos jours, Payot, 1938. — Chantage à la guerre, Flammarion, 1938. — Jules Cambon : par l’un des siens...,, Payot, 1938. — Ils l’ont appelée Cassandre..., New York, Éditions de la Maison française, « Voix de France », 1942. — Grandeurs et servitudes américaines, souvenirs des U.S.A. 1940-1945, Éditions Nuit et jour, 1945. — avec Albert Mousset, Quand Paris résiste : l’occupation romaine, Paris sous les Anglais, l’occupation espagnole, l’occupation des Alliés, les Prussiens en 1871, Nouvelles éditions latines, 1951. — Sybaris : les Grecs en Italie, Préface de Mario Meunier, Payot, 1958. — Vingt ans de suspense diplomatique..., Albin Michel, 1958. — avec Georges Ohayon, Les Princes de la paix, A. Michel, 1980

SOURCES : Anne Mathieu, Nous n’oublierons pas les poings levés - Reporters, éditorialistes et commentateurs pendant la guerre d’Espagne, Paris, Syllepse, 2021. — Anne Mathieu, « En 1939, plongée dans les camps de réfugiés espagnols en France », Le Monde diplomatique, août 2019, pp. 20-21. — Thierry Guilpin et Valentine Weiss, avec la participation de Emmanuelle Denis, Aurore Lafoliée, Stéphane Le Flohic et Marie Le Provost, « Fonds Geneviève Tabouis (1818-1984) – 27 AR 1-269 », Archives nationales, 2010. — Journaux et articles de presse cités dans la notice.

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