DUCHAT Jules, Fernand

Par Éric Nadaud

Né le 16 mars 1887 à Montgé (Seine-et-Marne), mort le 27 octobre 1971 à Vouzeron (Cher) ; ouvrier parqueteur ; syndicaliste, membre de la CE et du bureau de la Fédération CGT des travailleurs du Bâtiment, secrétaire de la CGT (1948-1959) ; membre du conseil national du Mouvement de la paix ; vice-président du Secours populaire français.

Jules Duchat était le fils de Denis Félix Duchat, maçon originaire de l’Aisne, décédé la veille de sa naissance, et de Désirée Éléonore Serpe, fille sans profession d’un manouvrier de Montgé. Domicilié durant la plus grande partie de sa vie active à Paris, 10 rue Lamarck (XVIIIe arr.), il exerça la profession d’ouvrier parqueteur.
Après avoir pris part à la guerre, il s’engagea activement dans le syndicalisme du Bâtiment, auquel il avait adhéré dès 1905. Il fut secrétaire pendant quinze ans du syndicat confédéré des parqueteurs de la Seine. À ce titre, il fut élu au conseil d’administration de la Caisse ouvrière d’assurances sociales de la Seine « Le Travail », dès sa constitution à l’initiative de la CGT en septembre 1930. De plus, il appartint à partir d’août 1925 à la commission de contrôle, et à partir de novembre 1927 à la commission exécutive de la Fédération nationale confédérée des travailleurs du Bâtiment. Il participa aux congrès nationaux de la CGT, principalement comme délégué des parqueteurs de la Seine, de 1923 à 1946.
Durant les années 1930, il compta avec ses amis Henri Cordier, Raymond Froideval et Arthur Minot parmi les dirigeants confédérés les plus méfiants vis-à-vis des syndicalistes unitaires. Lors des pourparlers pour l’unité syndicale, il fit adopter par son syndicat une protestation contre les agissements déloyaux des parqueteurs unitaires, et contribua à faire voter par l’assemblée des conseillers syndicaux du Bâtiment confédéré parisien réunis le 5 novembre 1935 un ordre du jour demandant à la CE fédérale de conditionner strictement la poursuite des discussions avec la Fédération unitaire au respect des principes de loyauté et d’indépendance du syndicalisme, et décidant la cessation des relations avec les organisations unitaires parisiennes tant que leurs méthodes n’auraient pas été condamnées publiquement. Les pourparlers ayant tout de même abouti, il fit partie de la commission exécutive de la nouvelle Fédération nationale CGT des travailleurs du Bâtiment, des Travaux publics et des Matériaux de construction qui sortit du congrès d’unité des 13-15 septembre 1936. Il s’y occupa particulièrement des conflits relatifs à l’exécution des conventions collectives et de la législation du travail, et des procédures de conciliation et d’arbitrage. Cependant, il accepta mal la prise de contrôle de la fédération par les ex-unitaires. En octobre 1938, il fit partie de la fraction ex-confédérée de la CE qui refusa de suivre la majorité ex-unitaire dans sa condamnation sans nuances des accords de Munich, et dénonça la « colonisation » du syndicalisme par les communistes. Au congrès national que tint la Fédération les 6-9 décembre 1938, il fut réélu membre de la commission exécutive, mais n’accepta pas ce mandat, parce que les principaux leaders ex-confédérés, notamment Cordier et Froideval, étaient éliminés dans le même temps. Pour désamorcer la crise, la majorité proposa sa propre entrée au bureau fédéral et la réintégration des minoritaires évincés. Il refusa néanmoins jusqu’à la guerre, comme ses amis, de siéger à la CE, qui dut fonctionner sans eux. À la suite du Pacte germano-soviétique du 23 août 1939, la Fédération du Bâtiment étant dissoute, il fit partie du groupe qui mit sur pieds, avec le soutien de la direction confédérale, le Comité national de liaison des militants et syndicalistes du Bâtiment, et constitua en janvier 1940 une nouvelle Fédération nationale des travailleurs du Bâtiment et du Bois. Il entra au bureau de cette dernière, dont Cordier devenait le secrétaire général.
Sous l’Occupation, il fut un résistant de la première heure, que les Allemands recherchèrent sans succès. Il prit une part active à la reconstitution dans l’illégalité de la Fédération du Bâtiment. Il rentra à l’automne 1944 à la direction fédérale provisoire, en tant que secrétaire. Il fut élu membre du bureau par le congrès national qui donna naissance en mars 1945 à la nouvelle Fédération CGT des travailleurs du Bâtiment, du Bois et des parties similaires. Il resta à ce poste jusqu’en 1948.
Fin 1947, il s’opposa à la scission de Force ouvrière. La direction de la CGT cherchant à remplacer ses membres démissionnaires par des non communistes fidèles, il fut désigné secrétaire confédéral par le Comité confédéral national du 5 janvier 1948. Régulièrement confirmé dans cette fonction par les congrès nationaux suivants, il resta au bureau de la CGT jusqu’au congrès de 1959, où il se retira pour raison d’âge et de santé. Il siégea ensuite à la commission administrative confédérale, de 1959 à 1963. Au bureau, il eut principalement la responsabilité des comités d’entreprise, en tant que secrétaire de la Commission nationale des comités d’entreprise, créée par la CGT en 1948, et directeur-gérant de la Revue des comités d’entreprise. Il fit aussi partie du comité de rédaction du Peuple, tribune officielle de la confédération.
Proche du Parti socialiste unitaire à partir de 1948, lié dans les années 1950 à l’Union progressiste dont il fut un souscripteur, il fut un compagnon de route du Parti communiste. Il célébra l’URSS, qu’il présenta comme « un lumineux exemple pour les travailleurs du monde entier » après y avoir conduit une délégation de la CGT en avril-mai 1950. Après avoir appelé en 1950 les travailleurs de France à signer l’appel de Stockholm contre l’arme atomique, il présenta le rapport sur l’action de la CGT pour la paix au congrès confédéral de 1953, et siégea au nom de la CGT dans les instances dirigeantes du Mouvement de la paix en France, à sa commission permanente à partir de décembre 1951, puis dans son conseil national, d’avril 1955 à mars 1962, et figura dans la délégation française aux différents congrès mondiaux de la paix, à Varsovie en 1950, Vienne en décembre 1952, Helsinki en juin 1955, et Stockholm en juillet 1958. Il représenta aussi la CGT au sein du Secours populaire français, dont il fut élu membre du bureau national en mai 1951, et vice-président en avril 1957. Il signa également nombre d’appels et adhéra à de multiples comités conçus pour témoigner de l’adhésion de personnalités non-communistes aux grandes causes communistes. Ainsi fut-il signataire de la « déclaration commune de militants syndicalistes non communistes » publiée à l’issue du congrès confédéral d’octobre 1948 pour dénoncer l’attitude du ministre de l’Intérieur socialiste Jules Moch face à la grève des mineurs, ou encore de « l’appel pour la Conférence nationale pour la négociation en Indochine » lancé par le Comité d’étude et d’action pour le règlement pacifique de la guerre au Vietnam en octobre 1953, et fit-il partie du Comité national d’action pour la libération d’Alain Le Léap et des emprisonnés, constitué fin 1952. En mai 1949, une information judiciaire fut ouverte contre lui, ainsi qu’Alain Le Léap, pour provocation au crime d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État à la suite d’un article d’Alain Le Léap sur les fabrications de matériel de guerre paru dans la Revue des Comités d’entreprise. Il refusa cependant d’approuver l’intervention soviétique en Hongrie en 1956.
Jules Duchat se retira à Vouzeron à partir de 1965. Veuf d’Emma Sarah Million, qu’il avait épousée le 11 décembre 1920 à Paris (XVIIIe arr.), il finit ses jours à la maison de repos Ambroise-Croizat de Vierzon.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23125, notice DUCHAT Jules, Fernand par Éric Nadaud, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 25 octobre 2008.

Par Éric Nadaud

SOURCES : Témoignage de Jean Schaefer. — Le Travailleur parisien, juillet-septembre 1930. — L’Ouvrier du bâtiment, 1930-1939. — Fédération nationale des travailleurs du bâtiment, travaux publics et matériaux de construction, Lettre bimensuelle aux régions fédérales et aux syndicats, 1937-1939. — Idem, Congrès national, 1938. — Revue des comités d’entreprise..., avril 1948-1959. — Le Peuple, 1948-1959, 15-20 novembre 1971. — Comptes rendus des congrès de la CGT. — Le Berry républicain, 28 octobre 1971. — Notice DBMOF. — État civil de Montgé-en-Goele, et de Vouzeron.

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