REBOUR Pauline [née BOYENVAL Pauline, Étiennette, Marie]

Par Claire Saunier-Le Foll

Née en décembre 1878 (jour non porté à l’état-civil) à Mortain (Manche), morte le 2 mars 1956 à Courbevoie (Seine) ; professeure d’école primaire supérieure, avocate ; fondatrice de la Société féministe du Havre, secrétaire générale-adjointe de l’Union Française du Suffrage féminin (1914), secrétaire générale de l’Action laïque et démocratique des femmes (1935).

Pauline Rebour est la fille aînée de Théophile Boyenval, – lui-même fils d’instituteur, professeur puis principal de collège – et d’Alice Harel, fille de chapelier. Son itinéraire est caractéristique des milieux de l’enseignement en France, les enseignantes de l’instruction publique étant souvent issues d’un milieu plus aisé et instruit que leurs homologues masculins ; il est conforme aux flux des enseignants manchois vers la Seine-Inférieure, seul département normand qui affiche un solde migratoire positif à la fin du siècle.

Elle enseigna au Havre en 1902 comme institutrice publique à l’école Émile Renouf. En septembre 1903, elle fut nommée professeur à l’école primaire supérieure de Rouen et épousa le 31 octobre Raoul Rebour (1879-1952), originaire d’Octeville près du Havre, et professeur à l’École normale de Rouen. Fils aîné d’instituteur et petit-fils de cordonnier, il fut un exemple de l’élévation sociale permise par l’enseignement sous la Troisième République.

Il est probable qu’ils se connaissaient depuis plusieurs mois, puisque c’est déjà sous le nom de Pauline Rebour, singulièrement, qu’elle avait donné une conférence sur la condition féminine à l’Université Populaire de Rouen en mars 1903, l’usage d’un patronyme encore d’emprunt à cette date lui permettant probablement d’échapper aux foudres de sa hiérarchie. Leur mariage civil fut remarqué par le quotidien radical L’Aurore et après quelques années chaotiques au hasard des nominations en Seine-Inférieure, les époux Rebour, qui ont alors trois enfants, enseignèrent au Havre comme professeurs en école primaire supérieure à partir de 1907. Pauline Rebour mena dès lors de front son activité professionnelle, la fondation de la Société féministe du Havre et sa collaboration à la presse féministe nationale. Cet objectif militant fut partagé puisque Raoul Rebour était déjà repéré par le quotidien La Fronde pour son soutien aux institutrices féministes à l’école Normale de Saint-Cloud en septembre 1902.

Le métier d’enseignante de Pauline Rebour a incontestablement marqué la suite de son parcours : sa pratique professionnelle à l’école primaire supérieure du Havre lui fit porter un jugement sévère sur un arbitrage trop souvent favorable à l’enseignement ménager aux dépens de l’instruction générale chez les filles. Elle refusa que l’école prépare uniquement à exercer le seul métier «  qu’on impose à toutes les femmes, le seul qui ne soit point rétribué et le seul qui ait tendance à absorber toutes les heures, toute l’attention (…) : le métier de ménagère. » (La Française, 7 novembre 1909).

Elle fonda à la fin de l’année 1907 ou au début de l’année 1908 la Société féministe du Havre, contemporaine d’autres sociétés du même nom nées également dans les milieux de l’enseignement, comme la Société féministe de Vienne dans le Sud-Est. Elle fut comme elle affiliée à la Fédération Féministe Universitaire de Marie Guérin, à Laxou-lès-Nancy, en gestation depuis 1903 au travers des cercles d’études sociales d’institutrices. L’objectif énoncé par ses statuts est clair : « obtenir l’égalité entre l’homme et la femme du point de vue électoral, civil et économique ; étudier les moyens pour y parvenir. » C’est avant tout une construction originale. Le bureau, sans président, est composé à parité d’hommes et de femmes issus d’horizons divers. Même si les institutrices y sont largement représentées, la Société reflète la vigueur d’un vivier provincial plus large acquis à la cause féministe, qui s’appuie sur un réseau associatif en plein développement. Si Louise Guillaume, institutrice, fut trésorière de la SFH, elle était aussi bibliothécaire-adjointe de l’Université populaire dont elle épousa le secrétaire, Gaston Jouault, typographe, en 1913. Georgina Lion, administratrice de la SFH, qui était institutrice également, est initiée dans la loge n° 3 du Droit Humain à Rouen en juin 1902 permettant l’installation de la loge n° 5 au Havre cette même année. Y étaient également actifs Mme Bois, libraire et divorcée, que Raymond Queneau fera revivre sous les traits de Mme Dutertre dans son roman Un rude hiver, qui prit place au Havre en 1917, Georges Barthélémy président du comité havrais de la Ligue des droits de l’Homme ou encore Camille Salacrou, père du futur écrivain (Armand Salacrou) et élu municipal. René Coty, alors jeune avocat est également adhérent de la Société féministe du Havre en 1912.

Pour Pauline Rebour, qui en était la secrétaire, la SFH dut soutenir directement l’action suffragiste : elle appuya en 1909 la proposition de loi Buisson et participa activement à la campagne des élections municipales de 1912. Mais cet objectif n’était réalisable qu’en fédérant d’autres forces militantes, comme celles de l’Université populaire du Havre, ou de la section havraise de la Ligue des droits de l’Homme, dans laquelle elle fut la première femme à entrer. Elle montra sa volonté permanente de rassembler les forces féministes en appuyant la lutte de la Fédération féministe universitaire pour garder sa spécificité et sa place au sein du mouvement syndical enseignant naissant, refusant de subordonner la lutte des femmes à celle de la profession. Elle soutint pour cette raison l’affiliation de la Société féministe du Havre au Conseil national des femmes françaises formé en 1900, pourtant bien plus modéré que la SFH, et intégra la branche normande du CNFF fondée le 10 mars 1910. Pauline Rebour y fut responsable de la section suffrage, mais les objectifs des unes et des autres au sein de ce groupement disparate dans sa composition sociale comme dans ses pratiques ne convergeaient guère. La Société féministe du Havre devint dès l’année suivante la section havraise de l’Union française du suffrage des femmes, née en 1909, qui correspondait davantage à ses projets. Pendant toutes ces années, Pauline Rebour poursuivit une collaboration assidue avec le journal La Française.

En octobre 1912, elle obtint un poste de répétitrice à l’école Edgar Quinet à Paris qui lui permit de s’installer à Courbevoie et de poursuivre sa carrière militante au sein des instances centrales de l’UFSF. Élue au comité central de l’UFSF en mai 1913, elle devint secrétaire générale adjointe du mouvement en mai 1914, aux côtés de Cécile Brunschvicg, en charge du développement des groupes provinciaux. Elle fut l’une des quatre oratrices à prendre la parole devant la statue de Condorcet lors de la grande manifestation pour les droits civiques des femmes du 5 juillet 1914.
La Première Guerre mondiale la trouva comme la majorité des féministes françaises du côté de l’Union sacrée. Elle plaida alors dans La Française pour la reconnaissance du travail effectué par les femmes institutrices pour suppléer les maires dans les campagnes, y puisant un argument supplémentaire en faveur du droit de vote des femmes. Après le conflit et le refus du Sénat de leur accorder le droit de suffrage, et alors que Raoul Rebour était secrétaire de la Ligue des électeurs pour le suffrage des femmes, Pauline Rebour sillonna le nord-ouest de la France pour y donner des conférences au nom de l’UFSF. Ayant obtenu une licence de droit pendant la guerre, elle prêta serment au barreau de Paris et plaida régulièrement pendant les années vingt et trente. En 1935, elle fut secrétaire générale de l’Action laïque et démocratique des femmes.

Elle fut décorée du grade de chevalier de la Légion d’honneur sous le gouvernement Blum en 1937. Elle se retira de la vie publique après la Seconde Guerre mondiale après que l’ordonnance du 21 avril 1944 lui a permis d’accéder à son vœu le plus cher : voter.

Le parcours de Pauline Rebour est exemplaire à plus d’un titre. Il souligne d’une part les liens entre le féminisme et d’autres pôles militants et associatifs dans les classes moyennes. Il met en avant d’autre part le rôle joué par la province dans le développement des sociétés féministes entre 1900 et 1914, permettant la transformation des grandes associations parisiennes que sont le CNFF et UFSF en sociétés nationales. Il illustre enfin de façon remarquable l’émergence d’une action politique affranchie de l’action sociale dans les mouvements féministes, et la revendication de l’obtention de droits civiques sans contrepartie.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article231453, notice REBOUR Pauline [née BOYENVAL Pauline, Étiennette, Marie] par Claire Saunier-Le Foll, version mise en ligne le 25 août 2020, dernière modification le 28 août 2022.

Par Claire Saunier-Le Foll

ŒUVRE : Pourquoi les Françaises veulent et doivent voter, Publications de l’UFSF, 1923.

SOURCES : Arch. Dép. Manche, 3E 359/17. — Arch. Dép. Seine-Maritime, 4 M 482, 1 T 740. — Arch. Mun. du Havre, ANN 1902, 1908. — Presse (Le Féminisme havrais, La Française, Jus Suffragii, La Fronde, l’Action féminine. — Bulletin UFSF 1909 à 1914).

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