Par Paul Boulland, Didier Lemaire
Né le 9 janvier 1914 à Tours (Indre-et-Loire), mort le 8 avril 2008 à Durtal (Maine-et-Loire) ; polisseur sur métaux ; militant communiste ; secrétaire de la fédération communiste du Loir-et-Cher (1944-1947), puis du Maine-et-Loire (1947-1974).
Fils d’une chanteuse professionnelle et d’un typographe socialiste, Émile Dufois devait sa formation politique à son grand-père maternel, le père Rémy, peintre en bâtiment, anarcho-syndicaliste à Tours. Ce dernier le fit participer aux manifestations en faveur de Sacco et Vanzetti et lui inculqua sa méfiance à l’égard de la social-démocratie incarnée par le député-maire de Tours, Morin. À l’issue du certificat d’études primaires, il entama un apprentissage dans le Livre chez Mame, à Tours, et se syndiqua à la CGTU. Il travailla également dans une imprimerie dirigée par le socialiste Lenoir, adjoint au maire de Tours.
En 1929, Émile Dufois adhéra aux Jeunesses communistes à Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire). Cette même année, licencié pour sa participation aux grèves des apprentis du Livre, il dut abandonner sa formation et débuta un apprentissage dans la métallurgie. Il gagna Châtellerault (Vienne) où il devint polisseur sur métaux dans la coutellerie. En 1936, au retour de son service militaire effectué comme ouvrier d’armurerie dans l’artillerie, il adhéra au Parti communiste à Châtellerault (Vienne). Sa formation politique y fut complétée par l’instituteur Aristide Pouilloux*. En 1936, il prit également des responsabilités syndicales à la coutellerie Guyonneau de Châtellerault où il fut élu délégué d’atelier et il devint membre du conseil d’administration de l’Union locale CGT de la ville (1936-1939). Membre du comité de la section communiste de Châtellerault puis du comité régional PCF de la Vienne, il suivit, en 1937, les cours de l’école centrale d’Arcueil.
Secrétaire local des JC, il participa au congrès national à la Mutualité.
Mobilisé le 16 septembre 1939, Émile Dufois fut affecté en Côte-d’Or, où il put entrer en contact avec l’organisation communiste clandestine. Lors d’une permission en janvier 1940 il fut ainsi chargé de remettre aux communistes de Côte-d’Or la lettre du groupe parlementaire communiste à Édouard Herriot. Démobilisé le 17 août 1940, il retrouva un emploi de métallurgiste à Châtellerault et s’efforça de remettre sur pied le PC clandestin avec Maurice Bourgeois et Lévy-Richard. Le petit groupe put tirer un journal clandestin, La Vérité, fabriqué chez Dufois. Émile Dufois fut interpellé le 8 novembre 1940, sur dénonciation d’un militant arrêté selon ses déclarations en 1950. Il fut condamné par le tribunal correctionnel de Poitiers à un an d’emprisonnement pour « propagande anarchiste en faveur de la IIIe Internationale » et mis au régime cellulaire. Libéré en août 1941 il reprit son travail chez Guyonneau et son activité clandestine à Châtellerault, jusqu’à une nouvelle arrestation par la Gestapo en juin 1942. Il parvint à échapper à ses geôliers au cours de son transfert de Châtellerault à Poitiers. Après vérification de l’inter-cadre, il fut envoyé à Blois (Loir-et-Cher) où il travailla pendant six mois chez un coutelier et fut secrétaire de la section communiste. Ayant reçu une convocation pour la Feldgendarmerie, le secrétaire fédéral Maurice Carroué le fit passer dans la clandestinité et il fut hébergé par un agriculteur communiste vendômois, Henri Lefur. En juillet 1943, il devint responsable régional à l’organisation, puis en septembre, responsable politique régional, sous le nom de Jacques François, succédant à Georges Lemerle qui avait lui-même succédé à Maurice Carroué . Il anima l’équipe de direction du parti constituée du responsable à la propagande André Faucheux d’Orléans, du responsable militaire Robert Godineau et du responsable du Front national Lucien Jardel*. Sa liaison avec la direction nationale du Parti était assurée par Guillon, professeur à Tours, lequel fut par la suite déporté en Allemagne et, après la Libération, élu député communiste d’Indre-et-Loire. En avril 1944, il fut enfin désigné inter-adjoint pour les départements du Loiret, du Loir-et-Cher et de l’Indre-et-Loire.
Comme responsable du Loir-et-Cher, Émile Dufois encouragea les militants à pénétrer les syndicats officiels de la Charte du Travail et, en même temps, à constituer des organisations clandestines : des « comités de défense » et des syndicats liés à la CGT reconstituée. Il poussa à l’action ouverte dans les entreprises : grève patriotique du 11 novembre 1943 dans les grandes entreprises de Blois, divers débrayages, et il organisa le sabotage dans celles qui travaillaient pour l’armée allemande : destruction des transformateurs des usines Bronzavia et Air-équipement. Son travail en direction de la paysannerie tendait à entraver le ravitaillement des Allemands et à organiser celui des clandestins et des maquis. Il organisa la confection clandestine du journal communiste Le Travailleur de Loir-et-Cher dont le tirage était réalisé à Mont-près-Chambord ainsi que la répartition et la diffusion des journaux et tracts envoyés de Paris. En mai 1944, il présida au tournant de l’activité des FTP dans le Loir-et-Cher : constitution de maquis à Souesmes et Mont-près-Chambord, préparation de l’intégration des FTP dans les FFI, organisation de grandes opérations comme la libération de la prison de Blois effectuée sous la direction de Godineau. Dès mai 1944, il participa aux réunions du Comité départemental de Libération.
À la Libération, Émile Dufois fut désigné secrétaire régional du Loir-et-Cher, fonction qu’il conserva jusqu’en 1947, même s’il émit, en 1946, le souhait de se consacrer au mouvement syndical, comme secrétaire de l’UD-CGT. Sous sa direction, la fédération communiste du Loir-et-Cher passa rapidement d’environ 1 000 adhérents dans la clandestinité à 4 000 adhérents et fit élire Bernard Paumier aux deux Constituantes et lors des législatives de 1946 avec environ 25 % des suffrages exprimés. En octobre 1946, Dufois rejoignit le Maine-et-Loire où il devint, dès 1947, membre du secrétariat de la fédération communiste, chargé de la propagande. À la fin des années 1940, il suivit les cours d’une école centrale d’un mois qui le fit apparaître comme un militant « à suivre et à faire monter ». Devenu rapidement premier secrétaire permanent de la fédération communiste du Maine-et-Loire, il le resta jusqu’en 1974, malgré les difficultés financières de la fédération, en 1954, et des problèmes de santé, en 1957. En 1954, Gaston Auguet, délégué du comité central, soulignait l’importance locale de Dufois « homme expérimenté, énergique et capable » qui « [dominait] le comité fédéral », tandis qu’en 1959, Juliette Dubois soulignait à l’issue de la conférence fédérale, la qualité de son rapport « très étudié, tenant compte de la situation politique générale et des conditions du département ». En juin 1956, il fut également directeur adjoint d’une école centrale d’un mois du PCF. À la tête de la fédération, il s’entoura de cheminots comme Pierre Sicard puis d’enseignants comme Albert Beugnon. Remis au bureau fédéral en 1974, il y siégea continuellement jusqu’en 1979, puis au comité fédéral jusqu’en 1982, lorsqu’il demanda à ne pas être réélu pour raisons de santé.
Émile Dufois fut candidat aux élections cantonales de 1948 dans le canton de Ponts-de-Cé (Maine-et-Loire). En 1977, il fut élu adjoint au maire de Trélazé, ville ouvrière de la banlieue d’Angers où les traditions de lutte des ardoisiers sont vives.
Le Journal de la Résistance annonça son décès dans son numéro de mars-avril 2008.
Par Paul Boulland, Didier Lemaire
SOURCES : Arch. comité national du PCF. — Témoignages d’Émile Dufois et Lucien Jardel. — L. Jardel et R. Casas, La Résistance en Loir-et-Cher, Librairie de la Loire. — État cil de Tours.