PIGNARD Gilbert

Par Bernard Thièry

Né le 29 mars 1924, mort le 2 mai 2016 à Bar-le-Duc ; ordonné prêtre en 1948 ; curé de Notre Dame à Bar-le-Duc (Meuse) jusqu’en 1988, aumônier de la JOC, contribue au développement de l’ACO ; proche de la CFTC et de la CFDT, du PS, se tint toujours aux côtés des ouvriers.

Gilbert Pignard-Péguet est né à Romagne-sous-les-Côtes (Meuse), village situé au nord de Verdun et d’Étain. Curé dans le département de la Meuse, il a beaucoup milité pour le développement des mouvements d’action catholique en direction de la jeunesse ouvrière. Il était réputé pour sa bonhommie, pour son empathie avec les gens simples et pour la sympathie qu’il avait pour les organisations du mouvement ouvrier.
Son père, Joseph-Marie Pignard-Péguet, originaire de la Savoie, avait fait la Première Guerre mondiale. À la fin de celle-ci, il s’installa dans le département de la Meuse pour occuper un emploi de gardien de cimetière militaire comme mutilé de guerre. Sa mère, Maria, Clémentine Lhomme, originaire de la région de Belfort, fut mère au foyer. Gilbert eut une sœur, Nicole. Veuve très tôt, elle éleva seule, à Étain, deux enfants handicapés. Gilbert Pignard fréquenta l’école communale de Fromezey, petit village proche d’Étain (Meuse). Il effectua ses études secondaires au petit séminaire de Glorieux-Verdun. Après le baccalauréat, en 1942, il entra au grand séminaire de Verdun. Il avait 24 ans lorsqu’il fut ordonné prêtre. Mais, s’il était devenu prêtre, aimait-il à dire, « ce n’(était) pas pour rester dans la sacristie ».
Après une formation complémentaire de trois mois, en juillet 1948, il fut nommé vicaire à la paroisse Notre Dame de Bar-le-Duc. Dès lors, il s’investit dans l’action catholique auprès des jeunes, prit en charge le catéchisme et organisa un patronage de 150 garçons, le mouvement de jeunesse des « Cœurs vaillants » et des « Âmes vaillantes ». Il devint également l’aumônier du mouvement local de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC). Dès 1952, soit deux ans après sa création, il développa l’Action Catholique Ouvrière » (ACO) dans le département de la Meuse notamment à Verdun, Lérouville, Stenay, Commercy, puis Bar-le-Duc. En 2010, dans son intervention prononcée lors de la célébration des 60 ans de ce mouvement, il rappela « qu’en 1945-1955, on était en pleine reconstruction et que ce que l’on appelait « monde ouvrier » avait pignon sur rue. Mais l’Église était toujours soupçonnée d’être du côté du patronat et avait peur du communisme, majoritaire à l’époque ». Après le rachat d’une vieille ferme près du col du Bonhomme (Vosges), il fonda et dirigea une colonie de vacances pour les enfants qui en étaient privés. En 1955, il devint prêtre auxiliaire de l’église Saint Antoine à Bar-le-Duc et directeur du patronage les « Bleus de Bar ». À partir de 1962, il devint chapelain de la cathédrale de Verdun. En 1966, il fut nommé membre du Conseil épiscopal et curé archiprêtre de la paroisse Notre Dame à Bar-le-Duc et y resta jusqu’en 1988. En 1985, il avait été nommé aumônier de l’hôpital de Bar-le-Duc puis en 1989, délégué diocésain à la Pastorale sanitaire et sociale avant de reprendre en 1990 la responsabilité départementale de l’Action Catholique Ouvrière (ACO). Bien que retraité en 2003, il était resté très actif dans les paroisses de Bar-le-Duc et de Ligny-en-Barrois.
Son physique robuste, sa voix puissante en imposaient mais il impressionnait surtout par son ouverture d’esprit, par sa capacité d’échange avec tout le monde. Tous les soirs, il allait rencontrer des militants croyants ou non. Il appréciait surtout les échanges avec les personnes engagées dans la vie associative, syndicale et politique parce que, disait-il, là où on « lutte pour que l’homme vive debout, il y a quelque chose du royaume de Dieu qui se bâtit ». Il était particulièrement proche des gens simples, des précaires. Enfant déjà, au curé qui lui demandait s’il voulait devenir prêtre, il répondit : « Si c’est pour prier, non, si c’est pour sauver les autres, oui ». Ses sympathies les plus fortes allaient vers la CFTC, puis à sa création en 1964, vers la CFDT ; elles allaient aussi vers le PS. Il n’était pas rare de le croiser lors des manifestations de rue. Dans ses discussions, il invitait souvent les personnes qui n’étaient pas impliquées dans la vie sociale à s’y engager. Meneur infatigable et organisateur exigeant, il savait aussi remotiver et stimuler ceux qui se lassaient. Lui venaient alors des formules de bon aloi telles que : « Quand on a mis la main à la charrue, on ne regarde pas en arrière ! »
Il ne recherchait pas les distinctions et lorsque, malgré tout, il en recevait une, il la tournait volontiers en dérision avec ses proches. Réputé « avant-gardiste », à ses 38 ans, celui que l’on nommait facilement « le père Pignard » ou tout simplement « Gilbert », vécut avec enthousiasme le Concile de Vatican II. Il le vécut comme une libération, comme « un aggiornamento » dira-t-il. Mais en juillet 2013, s’exprimant à la radio catholique RCF il laissa transparaitre sa déception, regrettant que 50 ans après ce concile « les mentalités évoluent lentement » et qu’ « on ait perdu du temps ». Dans cette interview, il se réjouissait de l’élection du Pape François intervenue quatre mois auparavant.
Il décéda à Bar-le-Duc, le 2 mai 2016 à l’âge de 92 ans. Ses obsèques eurent lieu le 9 mai à l’église Saint Jean de Bar-le-Duc.
À la cérémonie religieuse d’enterrement de Gilbert PIignard, les militants de l’ACO ont chanté , comme ils le font souvent à la fin de leurs réunions "le Chiffon rouge » la fameuse chanson de Michel Fugain, sur des paroles écrites en 1977 au Havre par Maurice Vidalin.

La coutume veut que sur le cercueil d’un prêtre ou d’un diacre soit posée une aube blanche recouverte d’un étole blanche ou violette. Pour Pignard ils ont choisi l’étole qu’à la fin de sa vie il portait habituellement quand il officiait : une étole rouge.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article232182, notice PIGNARD Gilbert par Bernard Thièry, version mise en ligne le 19 septembre 2020, dernière modification le 29 septembre 2020.

Par Bernard Thièry

SOURCES : L’Est Républicain 4 mai et 7 mai 2016. — Interview de Gilbert Pignard donnée à la radio RCF juillet 2013. — Allocution prononcée par Yves Halbin et intervention de la Mission ouvrière et de l’ACO des milieux sanitaires et sociaux le 9 mai 2016 lors des obsèques de Gilbert Pignard ; témoignage de Gilbert Pignard lors de la fête des 60 ans de l’ACO ; interview de Yves Halbin, prêtre, très proche de Gilbert Pignard, réalisée en août 2020.

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