DUFOUR André

Par Alain Dalançon

Né le 27 juillet 1913 à Saint-Ybard (Corrèze), mort le 5 novembre 2008 à Poitiers (Vienne) ; professeur agrégé d’histoire ; militant syndicaliste, membre de la CA du SNEPS (1937-1939), membre du bureau de la section académique (S2 puis S3) de Poitiers du SNES (1946-1968), puis secrétaire du S3 de 1961 à 1968 ; militant communiste, secrétaire du Mouvement de la Paix des Deux-Sèvres ; responsable pour la Vienne de l’ARAC.

André Dufour au congrès national du SNES en 1946
André Dufour au congrès national du SNES en 1946
Arch. IRHSES

Troisième fils d’une mère issue de la petite bourgeoisie rurale catholique, André Dufour ne connut presque pas son père au cours de sa petite enfance. Celui-ci, fils d’ouvrier agricole illettré, devenu instituteur laïque puis professeur d’histoire-géographie à l’École normale d’instituteurs de Rodez (Aveyron), mobilisé en 1914, ne revint à la vie civile qu’en 1919. À la rentrée 1919, son père fut nommé professeur à l’école primaire supérieure de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), puis devint inspecteur primaire en 1925, à Issoire (Puy-de-Dôme). Son fils fit donc ses études secondaires au collège de cette ville et y obtint le baccalauréat (série « philosophie ») en 1930. À la rentrée scolaire suivante, son père, nommé directeur de l’École normale d’instituteurs de La Roche-sur-Yon (Vendée), l’envoya en khâgne au lycée Henri IV de Poitiers (Vienne), où il demeura deux années, sans présenter le concours de l’École normale supérieure mais en obtenant en 1932 à la Faculté des Lettres de Poitiers, deux certificats de la licence d’histoire-géographie qu’il termina en 1933 en étant surveillant à l’EPS de garçons.

Au contraire de son père de sensibilité radicale-socialiste, membre de la Ligue des droits de l’Homme, qui n’afficha jamais ses opinions politiques, André Dufour s’engagea très tôt. Membre de la Ligue d’action universitaire des républicains socialistes en 1933, il adhéra au Parti communiste au printemps 1934 à la cellule de Poitiers dirigée par un instituteur, Alphonse Bouloux, qui l’emmena dans des réunions dans le département.

À la rentrée scolaire 1934, André Dufour vint à Paris pour préparer l’agrégation en étant instituteur chargé de suppléance éventuelle, c’est-à-dire surveillant au collège Jean-Baptiste Say. Il était adhérent d’une Amicale des surveillants, constituée en 1935, qui tentait de se faire entendre dans le Syndicat des personnels des collèges de la Ville de Paris. Après la victoire du Front populaire de mai 1936, avec Galli et Chaptal, il fit paraître dans trois journaux favorables à la gauche un article dénonçant la précarité de la situation des instituteurs suppléants. Réprimandés pour cette initiative par Jean-Baptiste Galletti, secrétaire général du Syndicat des collèges parisiens et André Delmas, secrétaire général du Syndicat national des instituteurs, les jeunes militants obtinrent cependant une audience auprès du ministre de l’Éducation nationale, Jean Zay*, par l’intermédiaire du député socialiste SFIO de la Somme, Max Lejeune, et obtinrent que leur catégorie soit payée pendant les vacances d’été. Encouragés, ils retournèrent voir le ministre, accompagnés cette fois par Galletti, pour demander un statut proche de celui des répétiteurs de lycée. Mais l’année scolaire 1936-1937 s’écoula sans résultat. Il se retrouva seul à la rentrée 1937 pour représenter sa catégorie dans la commission administrative nationale du Syndicat national des fonctionnaires des EPS (dans lequel s’était fondu le syndicat des collèges de la Ville de Paris) et rencontra une certaine hostilité de la part de la direction syndicale. Galletti et Gustave Pacquez négocièrent un statut des surveillants d’externat publié en mai 1938, proche de celui des maîtres d’internat de 1937, toujours existant en 2006. Durant cette année 1938, il se remit à militer au Parti communiste et fut dans la CA du SNEPS un adversaire de Gustave Pacquez, devenu secrétaire général à la rentrée 1938.

En septembre 1939, André Dufour fut mobilisé au Service géographique de l’Armée, puis muté dans une unité d’infanterie. Fait prisonnier en juin 1940 dans la poche de Dunkerque, il s’évada trois fois et fut trois fois repris, la dernière fois en mai 1941. Transféré dans un camp à l’est de l’Allemagne, il maintenait le moral de ses camarades, en faisant notamment des conférences sur l’Histoire de France ; il avait pour compagnon de captivité Lucien Molino et Jean Bruhat. Il se fit passer pour soutien de famille et infirmier, ce qui lui permit d’être rapatrié légalement en France en février 1943.

André Dufour retrouva un poste de surveillant au collège J.-B. Say et se consacra à la préparation de l’agrégation en 1943-1944. S’il avait de la sympathie pour la Résistance, il ne participa qu’à quelques distributions de tracts. Le concours de l’agrégation n’ayant pas été organisé, il rentra au début de l’été 1944 chez son père, devenu directeur de l’ENI de La Rochelle (Charente-Maritime), mais en raison des bombardements alliés sur la poche de La Rochelle-La Pallice, il se replia avec sa famille chez son frère, responsable de l’Organisation civile et militaire à Marennes (Charente-Maritime) et fut secrétaire du Comité de Libération de cette petite ville, fin août 1944.

À la rentrée scolaire 1944, André Dufour fut affecté comme professeur adjoint au lycée Henri IV de Poitiers et se remit à la préparation de l’agrégation d’histoire. Il fut reçu au début de l’été 1945, au titre du concours de 1944. Il s’était marié au début de l’année, avec une professeur auxiliaire d’anglais, avec qui il eut une fille et un fils. À la Toussaint 1945, il rejoignit un poste de professeur agrégé au lycée de garçons Fontanes de Niort (Deux-Sèvres), où il resta jusqu’en 1957 ; son épouse fut titularisée professeur certifiée et nommée au lycée de filles Jean Macé. Dès lors, tout en consacrant beaucoup de temps à son enseignement, qui fut toujours pour lui une sorte de sacerdoce républicain, il retrouva les voies du militantisme politique et syndical.

André Dufour reprit sa carte au Parti communiste français. Devenu membre du comité de la fédération communiste de 1953 à 1958, il participa à des réunions du bureau fédéral. À la veille de la conférence fédérale de 1957, un rapport fut transmis pour examiner s’il fallait le reconduire au bureau fédéral. En tant que responsable du Mouvement de la Paix, au moment des événements de Hongrie, il « avait participé à la rédaction d’un tract qui identifiait l’aide de l’URSS à l’agression impérialiste à Suez et en Algérie. » Le secrétariat du Parti estima qu’il n’y avait « rien d’autre à lui reprocher que la signature de ce tract » et qu’il fallait « ne pas mettre en question son appartenance au bureau fédéral ». Il fut réélu au comité fédéral mais fut muté peu après. Il n’eut, selon son témoignage, « jamais beaucoup de goût pour le militantisme politique ». Il resta pendant longtemps membre du parti avec « des périodes de retraite », notamment après les événements de Hongrie en 1956. Un rapport de Jean Colpin sur la fédération communiste de la Vienne en 1961 notait à son sujet : « persévérant mais pas d’autres perspectives ». Il rompit définitivement quand Georges Marchais soutint l’intervention soviétique en Afghanistan en 1979. En revanche, il s’engagea beaucoup dans les années 1950 dans le Mouvement de la Paix, dont il fut le secrétaire départemental pour les Deux-Sèvres. Il était aussi très actif dans l’Association républicaine des anciens combattants, dont il était toujours président de la section de Poitiers en 2002 ; il était titulaire de la médaille des évadés.

André Dufour s’engagea également dans le militantisme syndical au Syndicat national de l’enseignement secondaire à partir de 1945. Gilbert Tessier, professeur de lettres à Issoudun (Indre), fut élu secrétaire de la section académique (S3) et Dufour entra à son bureau. En 1948, il fut « cégétiste » puis militant de la liste « B » dans le SNES (classique et moderne). En 1957, le couple Dufour obtint sa mutation pour Poitiers : elle, au lycée de filles Victor Hugo, lui, sur la chaire de la classe préparatoire à Saint-Cyr au lycée Henri IV. Cette mutation au chef-lieu de l’académie l’amena à jouer un rôle beaucoup plus grand dans la direction de la section académique. Quand la carte des académies fut modifiée en 1961, il fut élu secrétaire du nouveau S3 et membre de la CA nationale. Son expérience, sa personnalité, sa connaissance des rouages administratifs firent de lui un représentant syndical très écouté au Conseil académique et à la commission paritaire des agrégés. Avec une petite équipe de militants compétents et dévoués pour le traitement des affaires personnelles, il obtint régulièrement une large confiance des syndiqués lors des votes sur le rapport d’activité du S3, au-delà du score pourtant majoritaire de la liste « B » aux élections à la CA nationale.

Doué d’un talent de tribun, ses interventions étaient remarquées. Au congrès de 1965, Dufour présenta, contre l’avis de la direction « autonome » mais aussi d’une partie de ses camarades « Unité et Action », une motion en faveur de la poursuite de la grève administrative qui fut repoussée d’assez peu. Mais le référendum organisé immédiatement après le congrès lui donna raison. Cependant, la grève s’effilochant de plus en plus, la CA nationale fut conduite à l’arrêter. Il eut des discussions difficiles avec certains de ses camarades communistes, Gérard Alaphilippe en particulier. Il figura néanmoins en 6e position sur la liste « Unité et Action » pour les dernières élections à la CA nationale du SNES (classique et moderne) en 1966, mais en 43e position seulement sur celle qui gagna les élections à la CA du nouveau Syndicat national des enseignements de second degré (classique, moderne, technique) de 1967. Dans son S3, la fusion avec le SNET, dont la majorité était « autonome », ne modifia pas les équilibres : la tendance « Unité et Action » resta nettement majoritaire.

Lors des événements de mai-juin 1968, la section départementale de la FEN (majoritairement « Unité et Action », dirigée par Amédée Nony) et le S3 du SNES jouèrent un rôle très actif. À la rentrée scolaire suivante, la classe préparatoire à Saint-Cyr étant condamnée, André Dufour renoua avec la mission professionnelle de son père, former des maîtres, et devint directeur d’études au centre de formation des professeurs d’enseignement général de collège de Poitiers. Il se syndiqua alors au Syndicat national des professeurs d’écoles normales mais n’y milita pas.

Après sa prise de retraite en 1977, il revint cependant au SNES et fut responsable académique de la section des retraités jusqu’en 1999.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23220, notice DUFOUR André par Alain Dalançon, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 5 août 2022.

Par Alain Dalançon

André Dufour au congrès national du SNES en 1946
André Dufour au congrès national du SNES en 1946
Arch. IRHSES
Congrès SNES 1993
Congrès SNES 1993
(Coll. IRHSES)
Avec son épouse à la table des retraités au congrès national du SNES de Bourg en 1993

SOURCES : Arch. IRHSES (SNEPS, Congrès SNES, CA, L’Université syndicaliste). — Bulletins syndicaux du S3 du SNES de Poitiers. — Arch. comité national du PCF. — Interviews par A. Dalançon en 1996 et 2002. — Notes de J. Girault.

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