Par Julien Chuzeville
Née le 29 juin 1841 à Mézières-en-Drouais (Eure-et-Loir), morte le 19 février 1914 à Asnières (Seine, aujourd’hui Hauts-de-Seine) ; communarde ; militante féministe et socialiste.
Eliska Vincent, souvent appelée « madame Vincent », grandit à Asnières dans un milieu familial républicain « très avancé » (son père prit part à la révolution de 1848).
Elle participa à la fin des années 1860 à la création de la Société pour la revendication des droits de la femme, aux côtés de Maria Deraismes, André Léo, etc.
En 1871, elle aurait participé à la direction de l’Assistance publique pendant la Commune de Paris. Elle-même indique s’être occupé de la maison de secours de la rue Corbeau (aujourd’hui rue Jacques-Louvel-Tessier, Xe arr.). Pendant la Semaine sanglante, elle transforma cette maison de secours en ambulance. Elle ne fut pas arrêtée pour sa participation à la Commune.
Eliska Vincent fut en 1885 l’une des candidates aux élections législatives présentées par la Fédération républicaine socialiste de Louise Barberousse.
Eliska Vincent créa en 1888 ou 1889 la société féministe L’Égalité. L’association était domiciliée chez elle, rue de Paris à Asnières. Elle fut également membre de la société Le Suffrage des Femmes aux côtés d’Hubertine Auclert, et de l’Union internationale des femmes pour la Paix. En octobre 1892, elle écrivit dans le journal L’Harmonie sociale d’Aline Valette ; elle signa : « Madame Vincent, délégué du groupe l’Égalité ».
Elle tenta de s’inscrire sur les listes électorales à Saint-Ouen, ce qui donna lieu à une procédure judiciaire, mais son pourvoi en cassation fut rejeté en avril 1893. Elle milita pour le droit de vote et l’éligibilité des femmes aux conseils de prud’hommes. Elle prit part aux congrès féministes internationaux de Paris (avril 1896), Berlin (septembre 1896) puis de Bruxelles (août 1897). En septembre 1900, elle participa au Congrès international de la condition et des droits des femmes, qui se tenait à Paris.
Elle était franc-maçonne au Droit Humain, de même que sa sœur Florestine Mauriceau.
En 1907, G. Avril de Sainte-Croix décrivait « Mme Vincent » comme « une des féministes les plus actives, les plus connues de notre époque » (Le Féminisme, p. 78). En 1911, elle était la présidente de l’Union française pour le suffrage des femmes.
Eliska Vincent constitua une bibliothèque féministe, qu’elle souhaita léguer au Musée social de Paris, mais sa documentation disparaîtra quelques années après sa mort. Ses exécutrices testamentaires étaient Marguerite Durand et Maria Vérone.
Selon l’historienne Christine Bard, Eliska Vincent fut la « première archiviste du mouvement féministe ».
Il y a certainement identité avec la « citoyenne Vincent », militante du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire à Asnières.
Par Julien Chuzeville
SOURCES : Manuscrit autobiographique d’Eliska Vincent conservé à la Bibliothèque Marguerite Durand (Paris), cote Ms 168. — Arch. PPo., Ba 1651. — Laurence Klejman et Florence Rochefort, L’Égalité en marche, le féminisme sous la Troisième République, FNSP, 1989. — Françoise Blum et Janet Horne, « Féminisme et Musée social », Vie sociale n° 8-9, 1988. — Éliane Gubin, Valérie Piette et Catherine Jacques, « Les féminismes belges et français de 1830 à 1914 », Le Mouvement social n° 178, 1997. — Christine Bard, « Les gardiennes de la mémoire », Bulletin Archives du féminisme n° 5, juin 2003. — La Nation, 15 avril 1893. — La Femme, 1er juillet 1896 et 15 juin 1898. — La Fronde, 9 juillet 1899, 12 septembre 1900 et 27 décembre 1902. — La Française, 7 mai 1911. — Hélène Brion, « Une militante », L’Action féministe n° 31, mars 1914. — État civil d’Eure-et-Loir et des Hauts-de-Seine.