DUGAS Alfred, Louis, Marius

Par Pierre Broué

Né le 9 avril 1901 à Beaulieu (Ardèche), mort en déportation le 17 février 1945 à Plœmnitz (Allemagne) ; soudeur ; militant du Parti communiste.

Pupille de l’Assistance publique, Alfred Dugas vécut dans son département d’origine jusqu’à l’âge de vingt ans environ. Une grave surdité précoce le fit classer dans le service auxiliaire. En 1928, il travaillait comme soudeur aux ateliers de wagons de Brignoud (Isère), où il était déjà connu comme militant communiste et surveillé par la police locale qui le tenait pour « dangereux ». Il joua dans la grève des travailleurs de cette usine, en 1931, un rôle que François Campiglia*, vingt ans plus tard, devait qualifier de « brillant ». Licencié, il fut embauché à l’usine Bouchayer et Viallet de Grenoble où il réussit à créer une cellule d’entreprise, la « cellule 42 ». Mais un informateur s’y était infiltré et il fut bientôt licencié. Dugas était assisté de Benedetto Oreste trésorier et Cividino Pietro président.
Il devint en 1931 gérant du Travailleur Alpin, tout en étant secrétaire du comité de chômeurs. Au mois de mai, pour avoir publié une lettre de soldats du 4e génie sur les brimades qu’ils subissaient, il fut inculpé de « provocation de militaires à la désobéissance dans un but de propagande anarchiste » et condamné en juin à deux mois de prison et 100 F d’amende. En appel, il obtint le sursis, mais le procureur ayant fait appel a minima, il fut condamné, cette fois par défaut, à deux mois de prison ferme, obtenant le sursis lorsqu’il se présenta, deux mois plus tard. En 1932, il composa une chanson satirique, qui fut tirée à part par Le Travailleur Alpin, sur le thème de la mésaventure survenue au consul d’Italie, victime d’une grave « blessure » à l’Hôtel Majestic, pendant une soirée galante. L’affaire fit grand bruit avant d’être finalement étouffée, car une famille de la bonne société grenobloise y était impliquée. Dugas fut de nouveau arrêté en novembre 1932, en exécution de la contrainte par corps pour son amende impayée : il purgea deux mois de prison, au régime politique. Au début de 1935, il fut une nouvelle fois arrêté à la suite de la publication dans Le Travailleur Alpin d’un article sur les conditions d’exploitation des ouvriers des chantiers militaires de Modane : inculpé de « divulgation de secrets intéressant la défense nationale », il fut placé au régime du droit commun, puis condamné à un mois de prison. Peu après, et bien qu’il eût été remplacé comme gérant du Travailleur Alpin, par l’interne en médecine Maurice Bourgeois, il fut inculpé de « provocation de militaires à la désobéissance » pour des articles publiés les 23 mai et 4 août 1935.
Toujours sans travail, il s’engagea dans les Brigades internationales et combattit en Espagne, d’où il revint avec les autres volontaires en 1938. Il ne trouva pas d’embauche : infirme, plusieurs fois condamné, inscrit sur les listes noires du patronat, et, de surcroît, ancien d’Espagne, il se débattit vraisemblablement dans les pires difficultés. Un communiqué de l’Association des volontaires en Espagne républicaine, paru dans la Voix du Peuple du 31 mars le dénonça publiquement comme escroc : « Le dénommé Alfred Dugas lors de son retour en France a mené une activité malhonnête vis-à-vis de notre organisation, collectant des sommes d’argent pour notre Amicale et s’en appropriant la majeure partie. » Selon ce communiqué, après la découverte d’un premier abus de confiance, Dugas aurait bénéficié de l’indulgence de ses camarades et en aurait profité pour recommencer. L’Amicale des volontaires invitait à lui réserver à l’avenir « l’accueil qu’il méritait ».
Le 22 novembre 1940, sur plainte de l’Association dauphinoise des contribuables, il fut reconnu coupable d’« abus de confiance » et condamné par le tribunal correctionnel de Grenoble à quatre mois de prison ferme. Le correspondant du Petit Dauphinois qui rendit compte de son procès se complut à rappeler que Dugas avait été autrefois le gérant du Travailleur Alpin, et qu’il était titulaire de « plusieurs condamnations de droit commun ». Interné à Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) à l’expiration de sa peine, il fut ultérieurement déporté en Allemagne. Évoquant sa mémoire en 1951, Campiglia l’appela « notre camarade Dugas » et mentionna sa mort en déportation.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23238, notice DUGAS Alfred, Louis, Marius par Pierre Broué, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 25 octobre 2008.

Par Pierre Broué

SOURCES : Arch. Nat. F7/13125, Grenoble 18 février 1931. — Arch. Dép. Isère. — Le Travailleur alpin, 1931-1935, 6 février 1937, 3 février 1951. — La Voix du peuple, 31 mars 1939. — Le Petit Dauphinois, 23 novembre 1940.

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