LE GUYADEC Yvon [Morbihan]

Par Bruno Mory, Robert Le Fanic, Jean Michel Evanno

Né le 20 juillet 1941 à Grace Uzel (Côtes-du-Nord, Côtes d’Armor), mort le 11 février 2012 ; instituteur dans le Morbihan ; militant syndical, secrétaire départemental du SNI puis du SNI-PEGC (1967-1987), membre du bureau national du SNI-PEGC-FEN (1985-1992), membre du bureau national du SNUipp-FSU, trésorier national (1992-1996), vice-président puis président des PEP du Morbihan (1981-2012) et vice-président national (2008-2012), vice-président de la section départementale de la MGEN (1976-2006) et de l’Union mutualiste du Morbihan.

Le Guyadec et Bouchareissas au congrès du SNI-PEGC de 1987

Petit-fils maternel d’Émile Le Corre, capitaine au long cours, cap-hornier disparu en mer avec son équipage à l’âge de quarante-cinq ans, et d’une grand-mère institutrice publique, Yvon Le Guyadec était le fils de Robert Le Guyadec, pupille de la Nation, et d’Angèle Le Corre, tous deux instituteurs publics.
Le divorce de ses parents le conduisit à être pensionnaire tout au long de sa scolarité secondaire, au lycée Anatole Le Braz de Saint-Brieuc (Côtes du Nord) pour les trois premières années, puis au lycée Dupuy-de-Lôme de Lorient (Morbihan).
Lorsqu’il fut admis à l’École normale d’instituteurs de Vannes (Morbihan) en 1957, il apparut à ses amis normaliens, comme dynamique, volontaire, plein de vie et engagé dans des choix politiques marqués à gauche. Il entraina ainsi bon nombre de ses amis aux rassemblements annuels de normaliens, organisés à Paris par le Parti communiste français, qui comportaient aussi une dimension culturelle. C’est ainsi que des normaliens morbihannais découvrirent en 1961 le TNP de Jean Vilar présentant la pièce de l’Irlandais Sean O’ Casey « Roses rouges pour moi ». Une préoccupation culturelle que l’on retrouva au long de son parcours.
Marquées par son engagement politique contre la guerre d’Algérie et ses responsabilités de délégué du SNI (Syndicat national des instituteurs), ces années d’école normale le furent aussi par la personnalité de son professeur d’histoire-géographie, Jean Tanguy, ancien résistant, militant politique et syndical, secrétaire général du SNPEN (Syndicat national des professeurs d’école normale) à la fin de sa carrière.
Yvon Le Guyadec se maria le 13 novembre 1962 à Sotteville-lès-Rouen avec Danièle Mangane, institutrice en Seine-Maritime, rencontrée lors de luttes contre la guerre d’Algérie. Ils eurent deux enfants : Éric, né en 1963, et Murièle, née en 1964.
Après son service militaire (1963-1964), il enseigna ainsi que sa femme, à Plumeliau (Morbihan). Il reprit très vite des activités syndicales, débattant avec vigueur et détermination, avec le secrétaire départemental d’alors, René Dervout. Ce dernier, ancien résistant, était membre de la majorité nationale, figure d’alors du SNI, secrétaire de la section départementale de 1946 à 1949, puis à nouveau à partir de 1956, membre du bureau national depuis 1964 et secrétaire départemental de la FEN (Fédération de l’Éducation Nationale) ; il succédait à Joseph Le Douaran, lui-même successeur de Joseph Rollo, personnalité marquante du syndicalisme des instituteurs, mort en déportation en avril 1945.
En 1967, les élections au conseil syndical départemental donnèrent la victoire au courant de pensée « Unité et Action », récemment organisé sous ce nom, qui remplaçait celui que les majoritaires désignaient sous le nom « d’ex cégétiste ». Le 25 février 1967, Dervout annonça des résultats très serrés, UA l’emportant d’un siège. Invoquant la proximité de son départ à la retraite, la tête de liste UA, Eugène Gestin, se désista, si bien qu’Yvon Le Guyadec fut élu secrétaire de la section départementale, de manière imprévue, à l’âge de 26 ans, les élus de l’École émancipée s’abstenant, mais prenant un peu plus tard leur place au bureau départemental.
Une nouvelle génération prit alors les rênes et s’efforça de mettre en œuvre des formes nouvelles d’action syndicale dans une société en profonde mutation, alors que la majorité dans les autres sections départementales bretonnes du SNI avait déjà basculé dans le même sens, suivies sur le plan académique en 1969 par les sections du SNES, du SNEP et du SNEsup. Les quatre sections départementales de la FEN de Bretagne étaient donc à majorité UA.
Yvon Le Guyadec et l’équipe qu’il anima, réalisèrent rapidement ce qu’ils avaient annoncé : création de sections cantonales, remplacement de l’Assemblée générale départementale par un congrès regroupant notamment les représentants des cantons, mise en place de commissions spécialisées (jeunes, maternelles, femmes, pédagogique, collèges et, plus tard, une Université pédagogique très appréciée), travaillant en équipe pour un travail plus approfondi. Autant de choix qui se révélèrent longtemps efficaces pour une meilleure participation des personnels.
Yvon Le Guyadec était très présent sur le terrain, animant nombre de réunions cantonales, et ne craignait pas la confrontation. Ainsi, lors de telle réunion publique chahutée, en faveur de l’ouverture d’une école publique à Brandérion, ou tel débat houleux, à Ploermel, avec le secrétaire national du Syndicat CFTC de l’enseignement catholique, où il se montra le plus convaincant selon les témoins. Sa capacité à affronter administration et pouvoirs, faisait porter haut et fort la voix du SNI. Soucieux de lier loisirs et formation de militants, il créa et anima un stage syndical de neige, au Mont Dore, organisé dans une AJ (auberge de jeunesse), véritable pépinière de militant.es.
Ce rôle important dans le combat laïque, centré essentiellement sur les problèmes scolaires, qu’il conduisait avec un CDAL (comité départemental d’action laïque) revigoré, surtout au début de son mandat, dans un climat encore de dure guerre scolaire, était une composante majeure de son activité. Elle déboucha sur des réouvertures d’écoles, la création de nouveaux lycées et collèges, malgré des entraves de la droite départementale, la promotion de l’école maternelle et de l’école rurale : autant de terrains « labourés » sans relâche et qui se soldèrent, pour l’école primaire, à un basculement du rapport des effectifs public-privé dans le département, l’enseignement public devenant majoritaire pendant son mandat.
Orateur convaincant, respectueux du pluralisme interne du syndicat, et de l’autonomie syndicale vis-à-vis du politique, Yvon Le Guyadec ne faisait pas toujours l’unanimité, comme toutes les fortes personnalités. Mais tous lui reconnaissaient son engagement déterminé en faveur de la laïcité et du droit des jeunes à une éducation de qualité.
Cet engagement fut marqué par quelques moments forts. Les évènements de Mai 1968, constituèrent ainsi un « baptême du feu » exceptionnel. L’élection de François Mitterrand, en 1981, porteur notamment d’un engagement pour la création d’un « grand service public, unifié et laïque d’éducation », confié au ministre Alain Savary, était prometteur de la réalisation d’une vieille revendication, déjà formulée à la Libération. L’abandon, en 1984, de cette promesse solennelle, combattue par la droite et l’extrême droite, fut douloureusement ressentie chez les syndicalistes bretons. Si a souvent été retenue la grande manifestation nationale de soutien à l’enseignement catholique en 1984, elle ne saurait faire oublier les manifestations régionales et départementales laïques qui avaient rassemblé auparavant davantage de participants encore ; ainsi à Vannes, plusieurs dizaines de milliers de personnes bloquèrent tout le centre-ville. D’autres luttes furent des temps forts de l’action syndicale : ainsi, les projets de création de maîtres-directeurs par le ministre Monory (1986), d’aide accrue au privé (Devaquet) provoquèrent un rassemblement de 200 000 personnes à Paris le 22 novembre 1986. Les manifestations nationales furent nombreuses pendant son mandat ; la section départementale, sous son impulsion, y prit toujours une part active, en organisant le transport en cars des manifestants morbihannais. Approchant de la retraite, en 1987, il fut remplacé par Robert (« Bob ») Le Fanic, pilier aguerri de l’équipe départementale.
Élu titulaire au bureau national du SNI-PEGC en 1985, sur la liste UA conduite par Joël Derrien, et suppléant au conseil fédéral national en 1988, Yvon Le Guyadec vit avec inquiétude la scission de la FEN se profiler au début de la décennie 1990, provoquée par la majorité nationale UID. Attaché à l’unité syndicale, il craignit l’affaiblissement du syndicalisme qui pourrait en résulter. Une relative incrédulité régnait alors, dans sa section, sur la volonté de la majorité nationale d’aller jusqu’à l’éclatement. L’éviction en juin 1991 de Yannick Simbron, secrétaire général de la FEN, partisan de ne pas précipiter la transformation de la fédération, souhaitée au contraire par Jean-Claude Barbarant, secrétaire général du SNI-PEGC, puis l’exclusion du SNES et du SNEP de la FEN en mai 1992, suivie de l’extension du champ de syndicalisation du SNI PEGC en juin 1992 et sa transformation en SE (Syndicat des enseignants), créèrent une situation irréversible.
Après avoir porté jusqu’au bout son mandat de membre du bureau national du SNI-PEGC, Yvon Le Guyadec se consacra alors totalement à la création du SNUipp (Syndicat national unitaire des instituteurs et professeurs des écoles) officialisée au congrès de Créteil en décembre 1992. L’autorité et l’expérience qu’il avait acquise dans son syndicat et dans la tendance UA lui permirent de jouer un rôle de premier plan, jusqu’à son départ à la retraite en 1996, dans la construction du nouveau syndicat affilié à la nouvelle FSU, ce qui ne fut pas toujours facile dans une équipe très jeune dirigée par Daniel Le Bret, et constituée de militant.es à la fois UA et EE. Il exerça la responsabilité de trésorier national, secondé par Guy Bremesse.
Ayant rejoint très largement le SNUipp, les syndiqués morbihannais lui témoignèrent, à lui et son équipe, leur attachement à sa vision de l’action syndicale. Il s’impliqua dans toutes les luttes, notamment dans la défense de la laïcité : 8 000 morbihannais participèrent à la manifestation nationale du 16 janvier 1994. Puis ils furent nombreux dans les grèves et manifestations à l’automne 1995, contre le plan Juppé de réforme de la Sécurité sociale, de gel des rémunérations des fonctionnaires et d’alignement de leur régime particulier de retraite sur le régime général.
Soucieux de maintenir un lien avec les réalités quotidiennes de l’enseignement, Yvon le Guyadec fut directeur de l’école de Kerentrech à Lorient, de 1987 à sa retraite en 1996. Il habita dans le quartier populaire du Bois du Château jusqu’en 1995, dans le logement de fonction de l’école Elsa Triolet, dont sa femme fut directrice durant vingt-sept ans.
Parallèlement à ses activités syndicales, il était resté attaché à d’autres formes d’éducation populaire auprès de jeunes. Moniteur de colonie de vacances dès l’école normale, il dirigea chaque année, de 1965 à 1994, un camp d’ados en Corrèze, pour la ville de Bobigny.
Avec les mêmes préoccupations, il participa très activement à l’action des PEP (Pupilles de l’enseignement public) du Morbihan. Il en fut vice-président en 1981, puis président par délégation en 1993, président de plein exercice en 1995 et président d’honneur en 2011. Au niveau national, il fut administrateur fédéral, et, en 2008, vice-président, alors que Joël Derrien en était secrétaire général, avant d’être élu président en 2010. Sous son impulsion, les PEP du département connurent un grand développement et élargirent leur champ d’action. En 2012, on comptait 290 emplois, dans des directions complémentaires, parfois en partenariat avec plusieurs municipalités morbihannaises : cinq centres de classes de découverte et de vacances, des services d’éducation spécialisée (CMPP, IME…) et de suivi, multi accueil, petite enfance, demandeurs d’asile, insertion avec le André-Yvette naviguant avec des jeunes en difficulté… Marie- Georges Buffet, alors ministre des Sports, lui remit la médaille d’or de la Jeunesse et des Sports. De même, les œuvres laïques, reçurent toujours de sa part un soutien actif, à l’instar de la JPA (Jeunesse au plein air), de la MAE (Mutuelle assurance élèves), de la CASDEN-BP (Caisse d’aide sociale d l’Éducation nationale).
Dans la même période, il fut vice-président de la section du Morbihan de la Mutuelle générale de l’Education nationale, de 1976 à 2006, assurant ainsi pleinement la filiation syndicale de la mutuelle. Il fut également vice-président de l’Union mutualiste Finistère-Morbihan, au titre de la délégation MGEN. Dès son départ en retraite, il mit sa connaissance de la protection sociale au service de la FGR-FP (Fédération générale des retraités de la Fonction publique). Il y représenta le SNUipp et fut élu délégué national en 2008. « Il marqua l’histoire de l’Association » observa le président, Michel Salingue, après son décès, « en étant à l’initiative de son évolution vers une plus grande pluralité » et par « sa très grande connaissance des dossiers de la protection sociale ».
Dès sa jeunesse, il avait adhéré au PCF où il exerçait aussi son esprit critique. Avec Danièle, sa femme, ils étaient des « adhérents de base », sans responsabilité particulière, jusqu’à l’intervention de l’URSS en Afghanistan, fin 1979, date à laquelle ils rendirent définitivement leur carte. Yvon Le Guyadec tenait constamment à maintenir une réelle autonomie du syndicat vis-à-vis des partis et du pouvoir politique.
Engagé, dynamique et organisateur, fédérateur, dénicheur de talents, il avait choisi, lui qui aurait pu exercer d’autres responsabilités, de « rester instituteur et syndicaliste ». Il reçut, lors de ses obsèques, à la Maison des syndicats de Lorient, un hommage militant et populaire.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article232399, notice LE GUYADEC Yvon [Morbihan] par Bruno Mory, Robert Le Fanic, Jean Michel Evanno, version mise en ligne le 5 octobre 2020, dernière modification le 29 novembre 2022.

Par Bruno Mory, Robert Le Fanic, Jean Michel Evanno

Le Guyadec et Bouchareissas au congrès du SNI-PEGC de 1987

SOURCES : Presse syndicale nationale (L’Ecole libératrice, L’enseignement public, Revue Unité et Action et départementales (Bulletin du SNI puis du SNI-PEGC). — Raphaël Szjanfeld, Histoire de la FSU, tome 1 Une percée flamboyante (1993-1997), Syllepse, IR-FSU. — Renseignements fournis par son épouse et ses camarades.

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