VALLAURI Louis, François. Pseudonyme dans la clandestinité : JAURÈS

Par Renaud Poulain-Argiolas, Jean-Marie Guillon

Né le 30 octobre 1913 à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône), mort le 2 septembre 1989 à Martigues (Bouches-du-Rhône) ; docker ; militant communiste de Port-de-Bouc ; résistant, responsable du Front national de Port-de-Bouc ; un des fondateurs du journal communiste La Marseillaise dans la clandestinité.

1er numéro de <em>La Marseillaise</em> (1er décembre 1943)
1er numéro de La Marseillaise (1er décembre 1943)

Fils de Jean Vallauri et d’Hélène Monteux, Louis Vallauri était docker à Port-de-Bouc. Militant communiste depuis 1936, il fut, d’après un article de Rouge-Midi, secrétaire du Bureau de propagande du Comité électoral du candidat communiste André Miffre en octobre 1937 aux élections cantonales, responsabilité qu’il partagea avec Sauveur Pastourel. Il était inscrit sur la liste S des communistes à surveiller.

Réformé temporaire à la déclaration de guerre en septembre 1939, il fut mobilisé du 26 avril au 1er juin 1940. Il participa mi-janvier 1941 à une réunion secrète qui se tint au quartier Saint-Jean de Port-de-Bouc chez Jean Nunez. Il y rencontra Charles Scarpelli, Sauveur Pastourel, François Caparros et John Vella pour discuter de la reconstitution clandestine du Parti communiste local dans un climat de traque des militants par le gouvernement de Vichy. Il aurait été, d’après Marcel-Pierre Bernard, le responsable du PC local en 1941 et, pour la police, il aurait tenté de reformer un syndicat « national » (c’est-à-dire autorisé) en mars 1941 avec des militants ou des sympathisants. Il travaillait alors chez Apparicio au fort Vauban.

Il était surveillé et la police proposa son internement administratif le 7 juin 1941, proposition restée sans suite. Il semblerait qu’il soit alors parti de Port-de-Bouc. Selon les archives policières, le PCF de Port-de-Bouc n’aurait distribué en 1942 aucun tract ni effectué aucun affichage, mais les organisations liées au parti avaient cependant été intégralement remises sur pied dès avril et des responsables nommés à leur tête. Ainsi, en plus de Scarpelli à qui échouait la responsabilité de la section, Louis Vallauri dirigeait le Front national (nom complet : « Front national de lutte pour la libération de la France »), Armand Peynichou* la CGT, François Caparros avait été chargé des Jeunesses communistes et René Rieubon de créer le syndical autorisé par le pouvoir pétainiste pour en faire un moyen officieux de lutte.

Louis Vallauri revint à Port-de-Bouc en juillet 1943. D’après un rapport de police du 6 décembre 1943, de nombreuses distributions de tracts coïncidèrent avec son retour. Le rédacteur du rapport, un inspecteur de la police spéciale, signalait qu’il fréquentait ses « subversifs », qu’il ne travaillait pas et se rendait souvent à Marseille. Le préfet régional prit un arrêté d’internement administratif à Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) à son encontre, le 15 décembre 1943, mais les gendarmes mirent quatorze jours pour l’exécuter ce qui permit à Vallauri de s’éclipser. Le préfet exigea une enquête à laquelle le chef de brigade répondit, le 31 janvier 1944, en arguant notamment du manque d’effectifs. Réalité ou prétexte ? On ne sait et on ignore aussi si l’affaire eut des suites pour les gendarmes. En juillet 1943, Louis Vallauri aurait quitté la direction locale du FN, remplacé par René Rieubon, pour rejoindre son état-major départemental. Mis en place par Daniel Georges, interrégional FN, il militait alors avec le Docteur Paret et Maria Albini. En décembre, il rejoignit l’équipe qui se rassembla autour de Pierre Brandon pour créer le journal du FN La Marseillaise, tiré dans la clandestinité dans l’imprimerie familiale d’Eugène Tournel à Aix-en-Provence. Le premier tirage fut de 15 000 exemplaires. Il était son adjoint technique et lui procura sa première ronéo.

Dans le témoignage donné à Notre Musée en 1985, Brandon écrivit que la vie de ce colosse était « un roman admirable » qu’il se proposait de raconter. Il ajouta dans le livre de souvenirs qu’il publia en 1994 qu’il avait été torturé et s’était évadé du train le menant en Allemagne, sans que les sources consultées permettent de savoir à quoi il faisait allusion. Toujours d’après Brandon, Vallauri aurait refusé de militer ailleurs qu’à Marseille. L’équipe initiale de La Marseillaise comprenait notamment le typographe Jean de Bernardy, abattu l’année suivante, et la femme de Vallauri, qui aurait permis à la rédaction du journal d’échapper à un piège tendu par les Allemands dans son lieu d’impression aixois. D’après Marcel Guizard, interrégional du FN, Vallauri était présent lorsque Brandon lui remis, rue Clovis Hugues, douze « tuniques SS » (lire : douze tuniques de l’armée allemande) qui devaient servir à une évasion de prisonniers. Au témoignage de tous ceux qui ont milité avec lui, Vallauri portait le pseudonyme de Jaurès.

On trouve deux fiches à son nom sur le site « Mémoire des Hommes » du Ministère de la Défense. La première tient compte de sa naissance à Port-de-Bouc, lui donnant par erreur « James » comme pseudonyme, le répertoriant parmi les "déportés et internés de la résistance" (DIR) et les membres du mouvement de résistance Front national. La seconde fiche le fait naître à la même date à Bouc-Bel-Air (information erronée) et mentionne qu’il fut médaillé de l’Ordre de la Libération (décret du 3 août 1946, publication au Journal officiel le 13 octobre 1946).

Il est enterré au cimetière communal de Port-de-Bouc aux côtés de sa femme Yvonne.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article232483, notice VALLAURI Louis, François. Pseudonyme dans la clandestinité : JAURÈS par Renaud Poulain-Argiolas, Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 3 février 2021, dernière modification le 26 octobre 2021.

Par Renaud Poulain-Argiolas, Jean-Marie Guillon

1er numéro de <em>La Marseillaise</em> (1er décembre 1943)
1er numéro de La Marseillaise (1er décembre 1943)

SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône 5 W 218 (dossier d’internement). — Site Mémoire des Hommes, SHD Vincennes, GR 16 P 583313 (nc) ; SHD Caen, AC 21 P 560258 (nc). — Jean Domenichino, Une ville en chantiers : La construction navale à Port-de-Bouc, 1900-1966, Edisud, 1989 (p. 174, 176, 178, 184). — Rouge-Midi, 21 septembre 1937. — Article sur le blog du PCF du Lot du 12 février 2014 : « La Marseillaise clandestine. En attendant les jours heureux ». — Léo Purguette, "La « grande émotion » de Marie-Rose Brandon", 21 novembre 2014, La Marseillaise (en ligne). — Journal Zibeline (en ligne) de novembre-décembre 2014 : "Entrer en résistance". — Données du site Généanet. — Cimetière de Port-de-Bouc.

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