Par Frédéric Stévenot, Dominique Tantin
Née le 25 février 1871 à Mianos, province de Saragosse (Espagne), massacrée le 10 juin 1944 à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) ; victime civile.
Ramona Domínguez Gil était la fille de Sebastían Domínguez Sarasa et de Evarista Gil Soteras. Elle épousa Juan Téllez Guíllen (né à La Unión, province de Murcie) et de cette union naquit Joan Téllez Domínguez* à Saragosse le 2 janvier 1899.
Joan Téllez Domínguez* vécut d’abord avec Maria Rosa Sancho Valls dont il eut un fils, Joan Téllez Sancho, né le 13 mai 1920. Puis, au tournant des années 30, il devint le compagnon de Marina Domènech Almirall* née à Sant Feliu de Llobregat (province de Barcelone) le 19 avril 1915. De cette union naquirent deux enfants dans les années 30 : Miquel Téllez Domènech* né à Barcelone le 21 janvier 1933 ; Harmonia Téllez Domènech* née à Montcada i Reixac (Barcelone) le 24 octobre 1936.
Joan Téllez Domínguez vécut donc à Barcelone, y travailla comme briquetier, notamment dans l’entreprise Asland, et adhéra à la Confédération nationale du Travail (CNT), organisation anarcho-syndicaliste. Entre 1931 et 1933, il devint responsable du Syndicat unifié de la CNT à Montcada i Reixac (Barcelone), et correspondant de Solidaridad obrera, l’organe de la CNT de Catalogne.
Joan Téllez Domínguez participa à la résistance au coup d’état franquiste de juillet 1936 dans les rangs de la CNT à Montcada i Reixac. Au début de 1939, alors que la Catalogne allait tomber sous le joug franquiste, ce fut la Retirada. Tandis que son fils aîné, Joan Téllez Sancho, resta en Espagne, les autres membres de la famille – la grand-mère Ramona Domínguez Gil, Joan Téllez Domínguez et sa compagne Marina Domènech Almirall, les deux enfants Miquel Téllez Domènech et Harmonia Téllez Domènech – partirent en exil. Ils furent enregistrés à Port-Bou en février 1939 puis internés au camp d’Argelès-sur-Mer, le père étant séparé de sa femme et de ses enfants.
Ramona Domínguez Gil, sa belle-fille et ses petits-enfants résidèrent ensuite à Saint-Étienne-les-Orgues (Basses-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence), commune qui accueillit de nombreux réfugiés républicains espagnols et italiens antifascistes. Le 11 avril 1940, Marina Domènech obtint un contrat de travail dans une fabrique de pantoufles à Pussay (Seine-et-Oise, Essonne) et elle s’établit à Grandville-Gaudreville (Eure-et-Loir). Quelques semaines plus, tard l’invasion allemande la jeta sur les routes de l’exode et la famille se trouva réunie – avec Joan Téllez Domínguez et Ramona Domínguez - à Oradour-sur-Glane à partir d’octobre 1940. La famille Téllez-Domènech trouva un hébergement dans une maison de la famille Texier, au lieu-dit Chez Magnot, dans la rue qui conduit au cimetière.
En 1941, Joan Téllez Domínguez était incorporé au 643e Groupement de travailleurs étrangers (GTE) avec le matricule n° 643 247. A l’instar de nombreuses femmes d’Oradour, Marina Domènech travailla comme gantière pour un fabricant de Saint-Junien. C’est dans ces circonstances que le couple eut un troisième enfant, Llibert Téllez Domènech* née à l’Hôpital de Limoges le 24 août 1942.
En 1942, Joan Téllez Domínguez travailla pour Michel Avril à Oradour, pour H. Tournon à Saint-Junien, et pour Lévêque à Orbagnac. En juillet 1943, il put échapper à une réquisition de l’Organisation Todt et fut embauché par Louis Jousset à Bellac pour la fabrication de charbon de bois destiné aux véhicules à gazogène.
Le 10 juin 1944, la famille était réunie à Oradour et fut anéantie. Joan Téllez Domínguez fut abattu dans une grange avec les hommes. Ramona Domínguez Gil, sa belle-fille Marina Domènech Almirall et ses trois petits-enfants (Miquel, Harmonia, Llibert, périrent dans l’église, brûlés avec l’ensemble des femmes et des enfants.
Il fut longtemps admis que le nombre de victimes du massacre s’élevait à 642 dont 18 Espagnols. À la suite d’un « jugement déclaratif de décès » du tribunal de grande instance de Limoges en décembre 2019, le nom de Ramona Domínguez Gil fut officiellement ajouté à la liste des victimes d’Oradour par Claude Milord, président de l’Association nationale des familles des martyrs d’Oradour.
Cet ajout est dû aux travaux d’un universitaire espagnol, David Ferrer Revull, qui effectua des recherches sur les Républicains espagnols réfugiés en France, notamment dans les archives départementales de la Haute-Vienne et auprès des familles. Ces réfugiés étaient dix-neuf à Oradour-sur-Glane au moment du massacre. Les recherches de David Ferrer Revull permirent d’établir un dossier qui servit au tribunal de Limoges pour établir un jugement déclaratif du décès de Ramona Domínguez Gil.
Afin de la reconnaître officiellement parmi les victimes de la barbarie nazie, le conseil d’administration de l’association nationale des familles des martyrs d’Oradour-sur-Glane devait se réunir le mercredi 7 octobre 2020 afin de déterminer précisément comment honorer la mémoire de Ramona Domínguez Gil « au titre du souvenir et de la mémoire, comme pour les 642 autres victimes ». Son nom sera désormais gravé sur le tombeau des martyrs, et devrait également apparaître sur le mémorial, ainsi que dans les prochaines publications et rééditions de tous les documents et livres d’histoire dans lesquels est publiée la liste des noms des martyrs du 10 juin 1944.
Voir Oradour-sur-Glane.
Par Frédéric Stévenot, Dominique Tantin
SOURCES : David Ferrer Revull, « Recuerda », Españoles en la masacre de Oradour-sur-Glane, Barcelone, 2019, Famille Téllez-Domènech, pp. 139-155. — Le Monde, « Ramona Dominguez Gil, victime jusqu’ici ignorée du massacre d’Oradour-sur-Glane », 2 oct. 2020. — Le Populaire du Centre, « Ramona Domínguez Gil, la 643e victime du massacre d’Oradour-sur-Glane ne sera plus jamais oubliée », 2 oct. 2020.