Par Odette Hardy-Hémery
Né le 18 février 1923 à Wattreloos (Nord), mort le 22 décembre 2006 ; tisserand ; militant communiste et syndicaliste CGTU puis CGT du Nord, secrétaire de l’UD du Nord, membre du bureau de la Fédération nationale Textile CGT ; membre du secrétariat national de la CGT (1961-1963) ; adjoint au maire de Roubaix (Nord) ; conseiller régional (1986-1992).
Les parents d’Émile Duhamel travaillaient dans le textile en qualité de trieurs de laine, au peignage Motte. À la naissance de ce nouveau fils, la mère, chargée d’une famille de quatre enfants, cessa son activité. Son père, communiste, l’emmenait dès l’âge de huit ans dans les meetings politiques. Il commença à travailler à douze ans en s’embauchant en 1935 comme apprenti tisserand aux Établissements Fauvarque (tissage de serviettes de table et de ménage). Dès la première année, il fut victime d’un accident du travail. Il côtoya dès les premières années d’ardents propagandistes de l’idéologie communiste. La grève de 1936 fut très suivie chez Fauvarque mais, en raison de son jeune âge, le comité de grève refusa à Émile Duhamel le droit d’occuper l’usine. Il tenta de gagner davantage dans le tissage de la robe et du tissu en s’engageant jusqu’en 1939 chez Pollet.
À la déclaration de guerre en 1939, les tissages fermèrent faute d’alimentation. Il fut embauché au peignage Motte qui ferma à son tour. Il entra alors à la filature Saint-Liévin dont les patrons appartenaient à la famille Mulliez, le président du conseil d’administration étant Louis Mulliez, président également du comité central de la laine. Émile Duhamel travailla sur des métiers de préparation au peignage, après cardage de la matière. Au début de 1943, à l’âge de vingt ans, il refusa de travailler pour insuffisance de nourriture dans une ferme située dans les collines de la Pévèle, propriété de l’un des frères Mulliez. Quelques semaines plus tard, il reçut sa convocation pour le STO et refusa de s’y rendre. Il devint donc réfractaire en février 1943. Illégal, il réussit à se faire employer chez un entrepreneur de couverture-zinguerie qui accepta son embauche sans déclaration à l’expresse condition qu’il devienne l’aide de son père, couvreur. Émile Duhamel apprit donc le métier et, à la Libération, il avait la qualification d’ouvrier. Syndiqué depuis l’âge de 12 ans, il prit toute sa place au sein du syndicat. En 1947, il travailla chez Schwartz-Hautmont qui construisait un nouveau peignage chez Amédée Prouvost. Il fut élu délégué du personnel, secrétaire du comité d’entreprise et membre du comité central d’entreprise à Paris.
Au début de 1950, à l’appel de la Fédération CGT du Bâtiment, l’entreprise se lança dans une grève de deux mois qui permit d’obtenir une augmentation de 10 %, soit le double du résultat national. La direction licencia l’ensemble du personnel. Émile Duhamel, repéré, ne retrouva pas d’emploi dans le bâtiment. Grâce à l’aide d’un camarade, il entra comme tisserand aux Établissements Soubise et reporta son engagement syndical dans le textile. Il participa à plusieurs arrêts de travail. Le 1er mars 1951, Jérôme Moërman* fut appelé à la responsabilité de l’Union régionale du textile de Lille. La commission administrative convoquée élut Émile Duhamel pour le remplacer au secrétariat général du syndicat textile CGT de Roubaix. La fédération le désigna pour faire partie de la délégation qui discuta la première convention collective depuis 1936 : les accords de juin 1953. Dans ces années, l’obligation d’un préavis de grève avant dix jours freinait considérablement les mouvements revendicatifs, ce qui n’empêcha pas une grève importante en 1953 contre les décrets Laniel instaurant une politique de rigueur salariale.
Émile Duhamel, membre du bureau de la Fédération nationale Textile CGT, fut membre du secrétariat national de 1961 à 1963. En 1963, il quitta ces fonctions nationales pour remplacer à la direction de l’Union locale des syndicats de Roubaix, Ferdinand Mélard*, promu au secrétariat de l’Union départementale ; il y eut pour responsabilité l’industrie textile et la formation des militants. Il entra à la commission nationale de l’éducation et la CGT lui confia la mise en place d’un centre d’éducation régionale ouvrière. En 1968, il fut l’un des principaux responsables du comité de lutte pour l’emploi et pour la défense du pouvoir d’achat et l’un des organisateurs de la grande manifestation régionale du 11 mai 1968 qui rassembla 40 000 participants à Lille. Il assuma sa responsabilité à l’UD du Nord jusqu’en 1977 où la direction du Parti communiste lui proposa d’être chef de file sur une liste d’union à l’élection municipale de mars 1977. Émile Duhamel avait déjà été conseiller municipal de Roubaix de 1947 à 1953. À l’issue de cette campagne des municipales, il fut élu adjoint au maire de Roubaix et devint membre du conseil de la communauté urbaine de Lille dont il fut l’un des vice-présidents. Émile Duhamel fut en outre élu conseiller régional de 1986 à 1992 et fut membre du comité fédéral du Nord du Parti communiste pendant vingt ans. Membre du conseil d’administration de la Caisse centrale d’activités sociales (CCAS) de Roubaix, président des Amis du parc Barbieux, il fut nommé chevalier de la Légion d’honneur en janvier 1998.
Par Odette Hardy-Hémery
SOURCES : Arch. Institut régional CGT d’Histoire sociale du Nord-Pas-de-Calais. — Arch. personnelles de l’intéressé. — La Vie ouvrière, nº 804, 27 janvier 1960, p. 8.