OTTO Jean, Jules [dit Henri] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Dominique Petit

Né le 14 mai 1878 à Paris (XIIe arr.) ; mort le 7 juin 1960 à Paris (XIIe arr.) ; publiciste, sculpteur-décorateur ; anarchiste parisien puis antisémite.

Né de parents allemands, qui étaient venus s’établir dans le faubourg Saint-Antoine, il avait acquis la nationalité française par la loi du 26 juin 1889. Jean, Jules Otto avait un frère, Joseph, Auguste [dit Georges ou Le Requin] également anarchiste.
Le 27 avril 1894, Otto père, ouvrier ébéniste, âgé de soixante-quatre ans, demeurant rue de Cotte, refusa de donner 20 francs à Jean, ce dernier entra dans une rage furieuse et s’élança sur son père qu’il renversa à terre, lui labourant le visage a coups de talon.
Mme Otto voulut alors s’interposer mais Auguste, s’élança sur elle et lui porta un coup de tête dans le ventre, qui la fit rouler à terre. En tombant, elle se fit une profonde blessure à la tempe, contre l’angle d’un meuble. Aux cris des blessés, on accourut, mais les deux agresseurs avaient pris la fuite.
M. Demarquay, commissaire de police, les arrêta et les envoya au Dépôt.
Au cours de l’interrogatoire qu’on leur fit subir, ils s’écrièrent à plusieurs reprises : « Vive l’anarchie ! » Ils furent relâchés au bout de quelques jours. Ils rendirent visite, le 3 mais 1894 au Journal qui avait parlé de leur affaire, et déclarèrent que leur arrestation avait été motivée par leurs opinions anarchistes et non par des actes de violence auxquels ils se seraient livrés contre leurs parents, comme le bruit en avait couru. Mais on ne les retrouvait sur aucune liste d’anarchistes arrêtés, dans le cadre de l’application des « lois scélérates ». Leur arrestation relevait plus certainement des violences à l’égard des parents. Selon le Journal : « Les idées nouvelles qu’ils puisent dans ces milieux les ont amenés, outre à ne plus travailler, à frapper leurs parents quand ils refusent de leur fournir de l’argent. »
Il fut condamné le 12 octobre 1894, par le tribunal correctionnel de la Seine à 6 mois de prison avec sursis et 50 fr. d’amende, pour coups et blessures .
Il figurait sur l’état des anarchistes au 31 décembre 1894 et demeurait 7 rue Rondelet.
Le 15 décembre 1895, Otto assistait à une conférence de Martinet où celui-ci attaqua les anarchistes fauristes.
Il avait fondé en décembre 1895 le journal Le Rifflard (Paris, 38 numéros, du 16 décembre 1895 au 3 octobre 1896) qu’il anima avec Mayence. Selon le rapport de l’indicateur Cosse du 1er février 1896 : « Le journal le Riflard, fondé par Otto est devenu un organe de chantage. Otto qui vient de fonder un groupe 58 rue de Charonne, fait appel à tous les compagnons qui peuvent connaître quelques faits compromettants de la vie privée d’un patron et commence aussitôt une campagne qui ne cesse que lorsque le patron est arrivé à contribution.
Ce journal n’avait jusqu’ici attaqué que les patrons de l’ébénisterie mais à l’avenir, Otto mettra son procédé en œuvre contre tout ce qui s’y prêtera. »
Charles Malato dans ses « souvenirs d’un libertaire » évoqua ce journal : « Ils avaient commencé en fondant, au faubourg Saint-Antoine, royaume de l’ameublement, une feuille hebdomadaire de chantage, Le Riflard, dans laquelle ils dénonçaient chaque fois comme infâmes exploiteurs un certain nombre de patrons. Les concurrents de ceux-ci exultaient et versaient des subsides. Mais bientôt les rôles étaient renversés ; quand ceux qui avaient ri la veille ne versaient plus rien, ils étaient attaqués à leur tour et ceux dont ils s’étaient moqués se frottaient les mains. »
Le 13 février 1896, les anarchistes du 12e arrondissement, animés par Otto faisaient appel aux anarchistes de Paris, cherchaient à obtenir des fonds pour la création d’une bibliothèque dans le quartier de Charonne. Des conférences seraient faites deux fois par semaine dans le local. Une réunion de préparation devait avoir lieu le 15 février chez Lafond, 193 avenue Dauménil.
D’après un rapport de l’indicateur Cossé du 7 juillet 1896, Otto qui dirigeait le journal Le Rifflard, venait de prendre un arrangement avec Bernard Lazare, pour continuer la publication de l’Action que celui-ci avait fait paraître pendant quelque temps. Otto abandonnerait le Rifflard et l’Action clouerait au pilori tous les patrons dont les employés serait mécontents. "L’intention secrète du compagnon Otto, serait de faire chanter les patrons, contre lesquels il mènerait campagne".

Début août 1896, lors de la manifestation de la Libre pensée devant la statue d’Etienne Dolet, à laquelle avaient participé plusieurs compagnons - dont S. Faure - il avait crié ironiquement "Vive Sébastien !" au passage de S. Faure ce qui avait provoqué de vives discussions et même un échange de coups avec les amis de ce dernier.
A compter du n°38 (3 octobre 1896), Le Rifflard , tout en continuant la numérotation, changea son titre pour celui de L’Action (Paris, 15 numéros jusqu’au 10 juillet 1897 [n°53 dans la numérotation continue]).
Jean Otto dit Henri, était le responsable du journal dont Gustave Mayence et Hautrive étaient entre autres rédacteurs. Selon des rapports de police Otto faisait alors partie avec eux des individualistes qui allaient parfois perturber les conférences de Sébastien Faure qualifié « d’ anarchiste bourgeois » ou les réunions communistes et certains compagnons le suspectaient " de rendre des services à la police ». Otto demeurait alors 17 place de la Nation et était l’un des responsables d’une Ligue anticollectiviste.
Le 12 décembre 1896, Otto et Raoul Mayence participaient à un meeting de Guesde où les socialistes étaient expulsé et le bureau pris d’assaut par les anarchistes.
Le 27 décembre 1896, Otto et Mayence étaient présents lors d’une réunion organisée par le groupe les Négateurs à la salle du Commerce sur le thème de la misère et la dépopulation. Dans la salle on remarquait aussi Sébastien Faure.
Otto figurait sur l’état des anarchistes au 31 décembre 1896, il était recherché et noté « dangereux » .
Le 25 février 1897, une dizaine d’anarchistes individualistes se réunissaient au 1er étage, 19 faubourg du Temple, pour jouer aux dés. Ces compagnons étaient tous rejetés par les autres anarchistes qui n’admettaient pas leurs théories et les considéraient comme des agents provocateurs au service de la police. Ils devaient assister le soir à une conférence de Beaulieu à l’Hôtel des Sociétés savantes et y faire du bruit. Ce groupe était dirigé par Otto et Raoul Mayence. Plusieurs d’entre eux s’étaient armés de couteaux catalans. Leur intention était de provoquer une bagarre.
Le 3 juin 1897, la Ligue anticollectiviste se réunissait salle Triton, rue Vieille du Temple, 21 personnes assistaient à la réunion. Henri Otto demeurant 17 place de la Nation donna lecture d’un texte démontrant que le communisme n’est que l’exploitation de l’homme par la collectivité au lieu de l’être par un individu. Il fit le procès du collectivisme et remit à une date ultérieure l’exposé de ses théories sur la société idéale.
Le 12 juin 1897, Otto provoqua des altercations lors d’une réunion au Tivoli Vaux Hall, au bénéfice des grévistes de la Grand’Combe, présidée par Jaurès. Au moment où Jaurès s’apprêtait à prendre la parole, des cris de « Vive l’anarchie ! » se firent entendre dans divers points de la salle. Les interrupteurs furent expulsés à coups de poings et de canne.
Le 6 septembre 1897, un rapport de la 2e brigade de recherches de la Préfecture de police notait que Roubineau avait déclaré qu’au cours d’une conversation Otto s’était vanté d’avoir estampé 1200 francs à la Préfecture de police en lui fournissant de faux renseignements.
Charles Malato confirmait : « Ayant si bien débuté, ils (Otto et Mayence) avaient ensuite offert leurs services à la police... Pour estamper, naturellement, en lui donnant de faux renseignements », me déclarèrent-ils un jour, à la rédaction de l’Intransigeant, où ils étaient venus proposer de vendre des révélations sur les mystères de la préfecture. J’éconduisis ces deux fangeux individus, qui mangeaient à tous les râteliers. »
Effectivement on retrouvait trace dans une note de la Sûreté générale du 3 novembre 1897, de cette tentative d’Otto de vendre des informations à la police : « On est informé très confidentiellement par un correspondant bien au courant de tout ce qui se passe dans les milieux révolutionnaires de la Capitale...Faites bien garder MM. Dupuy et Constant, anciens ministres, pendant un certain temps du moins... J’insiste pour la surveillance à établir près des deux personnages désignés ci-dessus. »
Mais 3e brigade de la Préfecture de police fut avertie de la menace et ne la prit pas au sérieux car elle considérait l’Action comme un journal de chantage.
Dans un rapport la 3e brigade de la Préfecture de police du 8 novembre 1897, démontait le subterfuge : « le journal l’Action, publié irrégulièrement par Henri Otto, contenait dans son dernier numéro de juin, les indications suivantes :
1° les noms et adresses de tous les membres de la famille Rothschild.
2° L’adresse de M. Constans, ancien ministre, l’heure à laquelle il quittait le sénat et l’itinéraire suivi pour regagner son domicile ». Le rapport du commissaire de police concluait : « Tout me permet donc de supposer que l’avis donné à la Sûreté générale, provient, soit du nommé Otto, soit de son camarade de lit Mayence, ou bien du nommé Hautrive.
Ces 3 individus intimement liés par des mœurs inavouables, dit-on, appartiennent aux individualistes, ils ne reculent devant rien pour se procurer de l’argent qu’ils se partagent. »
En janvier 1898, dans les colonnes du Libertaire (29 janvier 1898), il avait été dénoncé avec Mayence "comme des sordides mouchards et infectes crapules".
Le 22 janvier 1898, Otto et Mayence se rendaient au meeting de la salle Chayne pour savoir ce que les anarchistes comptaient prévoir comme actions futures et en rendre compte à la Libre parole, le journal de Drumont.
Le 23 janvier 1898, l’indicateur Cossé commentait : « Dès ce soir l’attitude de Otto et Mayence était très commentée. Ces deux anarchistes qui sont à la solde de Guérin, se tenaient dans l’escalier qui mène à la salle des Mille Colonnes (meeting des anti-sémites) et désignaient à la police tous les compagnons qui passaient et auxquels l’entrée était impitoyablement refusée. A la suite de cette affaire le « passage à tabac » d’Otto et Mayence était sérieusement envisagé par les anarchistes.
Malato confirmait les propos de l’indicateur : « La furieuse bataille de l’affaire Dreyfus leur fournit une superbe occasion d’exercer leurs talents. Jules Guérin, type d’écumeur et de bravo, avait fondé un hebdomadaire, L’Antijuif, où s’étalaient calomnies impudentes et appels au meurtre. Otto et Mayence lui offrirent immédiatement leur collaboration. »
Le 29 janvier 1898, un article du Libertaire intitulé « Les deux » mettait Otto et Mayence à l’index : « Bon nombre de camarades parisiens connaissent les deux infectes crapules qui s’appellent Otto et Mayence. »
Le 15 février 1898, l’indicateur Lucien faisait savoir que Marchal avait reçu une lettre de province dans laquelle on lui annonçait que Zola allait être assassiné le jour même. L’attentat serait certainement commis avant la fin du procès par Otto. Drumont et Esterhazy s’en seraient vanté.
Pour Murmain, il fallait avertir Zola et que les anarchistes se rassemblent le jour même. Otto ne quitterait plus les bureaux de la Libre Parole. Il voyait tous les jours Drumont. Séverine qui était au courant de cette affaire aurait prévenu Murmain.
En mars 1899, il était le rédacteur avec Georges et Mayence de la feuille individualiste Le Révolutionnaire, (n°1 du 4 mars 1899, dernier n°20, Juillet 1899).
Il attaquait violemment Sébastien Faure « le salarié de Reinach », Constant Martin, Georges Renard, Malato et Pouget qualifiés de « fripouilles ».
Malato précisait les procédés employés par le journal : « ils créèrent un autre périodique infâme, bien à eux, qui s’intitulait Le Révolutionnaire, et qui était spécialement destiné à déshonorer les militants libertaires en produisant contre eux une documentation apocryphe. Œuvre de bandits à qui le faux ne coûtait rien ! Un tel était accusé d’avoir suborné une fillette un autre, d’avoir cambriolé ; le vieux militant Constant Martin, le plus bienveillant des hommes, était accusé d’assassinat. Moi, qui avais éconduit jadis ces deux gredins de L’Intransigeant, j’étais accusé par eux de complicité de vol : il fallait bien varier les histoires ! »
Le journal publia plusieurs articles sur des faux se trouvant dans les musés. Ces articles étaient inspirés par Parmeggiani, ouvrier d’art et antiquaire, réfugié à Londres. Le Révolutionnaire cherchait à agréger le mécontentement que le ralliement de Sébastien Faure au dreyfusisme, avait soulevé chez de nombreux militants.
Le programme du Révolutionnaire était sans ambiguïté : « Il est important de faire savoir que tous les révolutionnaires ne sont pas dreyfusards, défenseurs des financiers et des panamistes. La plupart de leurs journaux le sont ; c’est vrai, mais ils avaient besoin d’argent. Les travailleurs n’ont pas suivi leur volte-face et ce journal le démontrera. Le Révolutionnaire combattra les financiers, même juifs. Le Révolutionnaire ne sera pas le moniteur de l’Elysée. C’est un programme d’une netteté et d’une précision indiscutable. Tous les dreyfusards, les Gerault-Richard, Millerand, Jaurès, Sébastien Faure, Pouget et sous-ordres sont nos ennemis »
Le journal faisait cause commune avec les mouvements anti-sémites et nationalistes de Guérin et Drumont : « Le peuple a toujours considéré l’épithète de juif comme une injure et a toujours reconnu les capacités rapaces du juif. Pourquoi alors ne pas chasser des individus dangereux ? »
Le Révolutionnaire ne cessa d’accentuer son caractère anti-sémite en dénonçant « l’abjection juive » ou en s’écriant « A bas la charogne sémite ». Abandonnant tout lien avec l’anarchisme, il défendit l’armée, l’église ou la patrie.
Le 19 mars 1899, l’indicateur Finot (Georges Renard) notait que ces jours derniers de nombreux compagnons s’entretenaient d’Otto et de son journal et déclaraient vouloir « casser la g..... à ces individus, à la première occasion. »
Finot poursuivait : « Otto et Mayence ont fait paraître un troisième numéro de leur journal, dans lequel ils racontent à leur façon leur expulsion du groupe le Cri de la Révolte, mardi dernier. »
Le 6 avril 1899, Otto et Mayence participaient à une conférence organisée par le Révolutionnaire, groupe d’action sociale, avec pour ordre du jour : « Les socialistes et les anarchistes vendus aux capitalistes juifs. L’antisémitisme et la question sociale. »
Le 5 mai 1899, devant la 11e chambre correctionnelle, comparaissaient Otto et Mayence : le 20 mars, ils s’étaient rendus à la salle Chaynes, au meeting organisé par Jaurès. Pris à partie par les organisateurs de la réunion qui, voyaient en eux des anarchistes dissidents et voulurent les expulser brutalement. Otto et Mayence se virent bientôt entourés par une quinzaine d’adversaires, ils se mirent alors en posture de défense, prenant leurs revolvers à la main. Le tribunal considéra qu’il s’agissait d’une sorte de légitime défense, Mayence fut acquitté et Otto condamné à 16 fr. d’amende.
En juin 1899, Mayence avec notamment Otto,Nestor Ferrière, Roubineau et Létrillard, devaient participer comme orateurs à une réunion organisée par le groupe nationaliste et antisémite d’Henri Rochefort dans le 18ème arrondissement. Cette réunion provoqua la mobilisation de la Jeunesse internationaliste, de socialistes et d’anarchistes qui se réunissaient à 4 ou 500 à la Maison du peuple, impasse Pers. A la suite du refus du propriétaire de la salle de la Ligue fraternelle de leur louer son établissement, par crainte d’affrontements, les antisémites s’étaient repliée au café "A la Cinquantaine" au coin de la rue du Poteau, ils furent envahis par les contre manifestants de la Maison du peuple. Les antisémites essayèrent de s’enfuir par une porte donnant sur la rue Poteau mais ils étaient rejoins par les contre manifestants qui les rossèrent et les jetèrent dehors.
En août 1899, on retrouvait Otto avec Mayence, rue de Chabrol, pour soutenir l’équipée de Jules Gérin, président de la Ligue antisémitique et directeur du journal hebdomadaire L’Antijuif. Dans une lettre, ils lui écrivirent pour expliquer leur soutien :
« Nous avons accepté de nous faire fusiller avec vous, sachant que le but n’était pas absolument celui avoué. Nous sommes antijuifs, mais républicains. »
Puis avec notamment Raubineau, Mayence, Prost et Lucas, tous rejetés des groupes , il avait constitué un petit groupe qui se réunissait au débit Le Petit Bleu rue de Belleville.
Le 23 octobre 1899, l’indicateur Legrand signalait que Sébastien Faure avait été l’objet d’une agression d’Otto et Mayence et portait depuis un revolver.
Otto fut condamné le 8 décembre 1899, par le tribunal correctionnel de la Seine à 25 fr. d’amende pour port d’arme prohibée.
Otto fut déclaré insoumis le 2 février 1900, il était arrêté par la police le 16 février. Il l’objet d’une ordonnance de non lieu le 10 mars 1900, ayant participé régulièrement à la classe 1899, bien qu’il fit normalement partie de la classe 1898.
Le 25 août 1900, l’indicateur Finot (Georges Renard) signalait que Raoul Mayence et Henri Otto, avec le concours de plusieurs autres anarchistes rejetés des groupes, notamment Raubineau, Prost et Lucas, avaient constitué un groupe se réunissant dans un café à l’enseigne « Au Petit bleu » rue de Belleville. Leur but était de se venger sur quelques compagnons de la suspicion et du mépris où les tenaient les anarchistes. Malato fut le premier agressé par Otto et par un autre individu resté inconnu. Ils avaient annoncé que les prochaines victimes seraient Sébastien Faure et Georges Renard.
Charles Malato expliqua les violences physiques reçues : « Deux fois, en 1899, j’ai eu à me colleter sur la voie publique avec ce couple de gredins. La première fois, remontant un soir le boulevard Saint-Michel, et entendant murmurer à mon oreille : « Sale juif ! » — l’injure courante lancée à tous les dreyfusards — je tirai de ma poche un fouet à chien et tombai sur eux ; la foule nous sépara. La seconde fois, ce fut beaucoup plus dur : fatigué par du surmenage et la canicule d’août, je m’étais assis sur un banc du boulevard Voltaire, un livre à la main, lorsque, levant la tête, j’aperçus le couple qui venait vers moi.
J’eus juste le temps de me lever pour me défendre : je tins bon, encaissant naturellement, seul contre deux, plus de coups que je n’en pouvais donner ; j’en reçus un d’Otto, fort bien appliqué au cœur, dont je me suis ressenti pendant plusieurs années. »
Début septembre 1900, dans certains groupes libertaires de province, on faisait circuler un manifeste tiré sur papier de couleur contenant des attaques virulentes contra un militant, attaques signées par Otto, Mayence, Lucas, Janvion. Selon Charles Malato dans l’Aurore « ce qui est odieux, c’est d’avoir impudemment accolé à leur signature celle de Janvion, qui n’est pour rien dans la rédaction du manifeste et qui, révolutionnaire aussi loyal que passionné n’attaque jamais qu’en face ennemis ou adversaires. »
Un droit de réponse était publié le 8 septembre par la Libre Parole, l’Aurore ayant refusé l’insertion : « Paris, le 7 septembre. Monsieur le directeur de l’Aurore, Un ami vient de nous annoncer l’entrefilet de M. Charles Malato, qui tient à se venger des quelques coups de poing qu’Otto lui a infligés. Il a procédé par insinuation. Nous ignorons le manifeste en question, nous n’avons jamais vu M. Janvion ; nous ne voulons rien avoir de commun avec Lucas. Nous sommes las des inexactitudes déshonorantes de l’Aurore et sommes décidés, si vous ne consentez à l’insertion de cette lettre dont la loi nous confère le droit, à en saisir les tribunaux compétents. Recevez, etc. H. Otto, R. Mayence. »
Incorporé le 16 novembre 1900 au 70e régiment d’infanterie. Mis en disponibilité le 22 septembre 1902, avec certificat de bonne conduite.
Il figurait sur l’état des anarchistes de 1901. Son numéro de dossier à la Préfecture de police était le 333.273.
Le 23 mars 1903, il demeurait 3 passage Rauch à Paris.
En juillet 1903, Raoul Mayence publia avec Otto, un communiqué de protestation dans l’Action, à propos de l’arrestation de Parmeggiani, se portant garant de son honorabilité : « Nous nous en porterons moralement garants devant le tribunal qui assumera la charge de condamner Parmeggiani ; et, à cette occasion, nous clamerons la vérité (déjà publiée par nous dans le Révolutionnaire) sur les antiquaires truqueurs, assez favorisés par leurs millions et leurs puissantes relations pour être décorés plutôt qu’appréhendés. »
Le 31 juillet 1906, il demeurait 37 rue Faidherbe à Paris (IIe arr.)
Le 10 juin 1908, il demeurait 206 faubourg Saint-Antoine à Paris (XIIe arr.)
En février 1916, la Sûreté nationale le faisait figurer dans un état de la situation militaire des anarchistes et syndicalistes et indiquait qu’ il était membre du groupe des Amis du Libertaire et fiché comme « anarchiste communiste ». Mais ce document montrait également qu’elle le confondait avec son frère puisqu’elle lui attribuait deux pseudonymes Georges et Henry, ainsi qu’une condamnation à 10 ans de travaux forcés, peine infligée à son frère.
Le 22 mai 1913, il demeurait 887 Maipu à Buenos-Aires (Argentine)
Le 1er avril 1914, il habitait 22 faubourg Saint-Antoine à Paris.
Rappelé à l’armée le 7 août 1914, au 33e régiment territorial d’infanterie. Il était détaché le 7 février 1917 à l’atelier de la Cie mécanique de la Seine à Paris. Il passa le 1er juillet 1917 au 4e régiment de zouaves et au 2e régiment de cuirassiers, le 1er juillet 1917
Le 14 avril 1919, il demeurait 28 rue Erard (Paris XIIe arr.). Le 26 février 1930, il était toujours à la même adresse. Jusqu’à son mariage le 24 mai 1938 à Paris (XIIe arrondissement) avec Matilde Diebold, professeur de piano.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article232702, notice OTTO Jean, Jules [dit Henri] [Dictionnaire des anarchistes] par Dominique Petit, version mise en ligne le 6 octobre 2020, dernière modification le 12 décembre 2020.

Par Dominique Petit

SOURCES :
Archives de Paris. Registre matricule XIIe arr. n° 3043, classe 1898 et n°154, classe 1899 et Etat civil — Archives de la Préfecture de police Ba 80, 1497, 1498, 1504 — Archives Nationales F7/12723, F7/13053 — Archives de Paris. Registres matricules — L’Intransigeant 6 avril 1899 — L’Aurore 15 août, 7 septembre 1899 — Le Journal 5 novembre 1899 — Le Radical 4 juillet 1903 — L’Action 3 juillet 1903 — La Libre parole 6 mai, 8 septembre 1899 — Les Temps nouveaux 15 octobre 1920 — Fonds Grave IFHS. Lettre de Malato du 13 juillet 1918 — Etude sur le mouvement anarchiste en France (1848-1914). Volume I L’individualisme anarchiste en France (1880-1914) Tome II par Gaetano Manfredonia IEP de Paris 1990, p. 193 à 195 — Répertoire des périodiques anarchistes de langue française : un siècle de presse anarchiste d’expression française, 1880-1983 par René Bianco, Aix-Marseille, 1987 — Archives départementales de la Gironde. Etat civil de Bordeaux — Le Peuple 16 mars 1938 — Notice Jean, Jules Otto du Dictionnaire des militants anarchistes.

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