MAZIÈRES Serge

Par Patrick Bec

Né le 25 novembre 1950 à Maurs (Cantal), mort le 28 septembre 2020 à Arpajon-sur-Cère (Cantal) ; permanent et secrétaire général de l’Union Départementale CGT du Cantal (1972-2005) ; président-fondateur de l’Institut d’Histoire Sociale CGT du Cantal (2005-2019) ; militant communiste.

Serge Mazières en 2019 aux Archives départementales du Cantal (cliché F. Bianchi)
Serge Mazières en 2019 aux Archives départementales du Cantal (cliché F. Bianchi)

D’un père cantonnier et d’une mère femme de ménage qui élevèrent trois garçons et une fille, Serge Mazières a dû, dès son plus jeune âge, travailler durant ses vacances scolaires pour aider sa maman dont le mari était parti bien trop tôt.
C’est en 1968, alors qu’il suit une formation en mécanique générale au CET d’Aurillac, qu’il connaît son premier engagement, adhérant au comité d’action lycéen d’Aurillac et participant à la manifestation du 26 mai à Maurs qui réunit 250 personnes.
Jean Cipière, ami de la famille et maire communiste de Leynhac (Cantal), orienta alors le jeune Serge, CAP en poche, vers la CGT à laquelle il adhéra Le 1er mai 1972. Jean Cipière lui proposa de devenir le permanent de l’UD. Trois ans plus tard le 26 avril 1975, Antoine Benoit, secrétaire général de l’Union départementale du Cantal, permit à Serge Mazières, à seulement vingt-trois ans, de lui succéder comme secrétaire général à l’issue du congrès ; il occupa cette responsabilité jusqu’en 2003. Entouré des camarades de l’époque, il savait apporter sa touche personnelle à la vie de l’UD du Cantal à laquelle il consacrait toute son énergie.
Lors des élections prud’homales de 1979, il bouscula les habitudes et conduisit la CGT à une victoire marquante. Joseph Riotte, membre de la commission exécutive de l’UD en fut le président général du Conseil des Prud’hommes. C’est à l’occasion de cette campagne qu’il fit la rencontre de Chantal qui devint son épouse ; ils donnèrent naissance à leurs deux enfants, Romain et Laure.
Le succès retentissant à l’élection des administrateurs de la Sécurité Sociale en 1983 permis à la CGT, pour la première fois, d’obtenir la présidence de la Caisse d’allocations familiales du Cantal, à l’issue d’une campagne de sensibilisation de haut niveau.
Mais très rapidement, avec les militants des entreprises, il fut confronté aux combats pour la sauvegarde de l’emploi et du tissu industriel cantalien. Les plans de licenciement successifs, au début des années 1980 dans les entreprises LAFA, Sauvagnat, pour ne citer que les plus importants, et dans bien d’autres encore, étaient pour lui de véritables épreuves sans pour autant l’atteindre dans sa détermination à défendre les intérêts des salariés. Dans ces périodes difficiles, Serge Mazières était toujours auprès des militants de la CGT qui devaient faire face à la répression syndicale qui sévissait déjà avec violence. Il avait aussi cette faculté à mettre face à leurs responsabilités toutes les parties dont il jugeait utile l’intervention et chacune dans ses domaines, qu’il s’agisse des représentants de l’État, des diverses administrations concernées, des partis politiques, des syndicats.
Très vite, il adhéra au Parti communiste (PCF) devenant membre de la direction de la fédération du Cantal et du Comité régional. Il était en même temps membre du Conseil économique et social régional où il fut le rapporteur de dossiers importants comme par exemple sur le handicap ou sur le désenclavement du Cantal.
Le 16 novembre 1996, il sut créer l’événement en faisant venir le secrétaire général de la CGT, Louis Viannet, à la tête d’une manifestation interrégionale unitaire (CGT, CFDT, FO, CGC, CFTC, FEN, FSU, MODEF, Confédération Paysanne) de 12 000 personnes à Aurillac pour défendre le service public dans le Massif central.
Serge Mazières était viscéralement attaché à tout ce qui faisait la CGT et il avait particulièrement à cœur le journal Le Travail, journal de l’Union départementale du Cantal, dont il ne manquait jamais de marquer quelques dates anniversaire, et notamment le 50e fêté le 19 octobre 1994, et honoré de la présence de Georges Séguy qui présidait alors l’Institut d’Histoire Sociale de la CGT qu’il avait fondé en 1982. Cette même année 1994 avait été marquée en avril par la rencontre avec Abraham Serfaty, militant pour l’indépendance du Maroc qui avait été assigné à résidence dans la Cantal en 1953 et s’était lié d’amitié avec Antoine Benoit.
Très sensible à la transmission de la mémoire des luttes sociales, Serge Mazières organisait régulièrement des événements, des commémorations et intégra l’histoire sociale dans la formation de base des militants de la CGT. Il assura la diffusion de Des barbelés allemands au maquis de Mandailles, L’itinéraire d’un militant syndicaliste et résistant, écrit par Antoine Benoit en 1995. En 1996, l’UD publia un ouvrage de Michel Leymarie, Les débuts du mouvement ouvrier et les premières fêtes du travail à Aurillac. Le centenaire de la Bourse du travail d’Aurillac fut l’occasion de revoir Georges Séguy dans le Cantal le 31 mars 2000. Ce dernier revint encore pour le 60è anniversaire du journal Le Travail le 9 décembre 2004 mais aussi comme ancien résistant déporté, pour des rencontres organisées par Serge Mazières avec lycéens et professeurs d’Aurillac. En 2004 toujours, Serge Mazières publia À Champagnac-les-Mines, au seuil de la « Belle Époque » dans Les cahiers de l’Institut d’Histoire Sociale Mines-Énergie, ainsi que Dans le Cantal au tournant du XXe siècle : Prémices du syndicalisme des fonctionnaires et ouvriers d’État,.
À l’issue du 27è congrès de la CGT Cantal le 23 mai 2003 à Saint-Simon (Cantal), c’est Guy Bétrancourt qui succéda à Serge Mazières qui ne souhaitait pas être reconduit au poste de secrétaire général de l’UD.
Après vingt-huit ans à la tête du syndicat, Serge Mazières fut candidat aux élections régionales en 2004 pour le PCF. Il a également soutenu l’action d’élue municipale de son épouse à Arpajon-sur-Cère (Cantal). En 2014 il fut la cheville ouvrière du programme de cette liste menée par Chantal Mazières et qui recueillit 17 % des voix.
Toujours actif et permanent de l’UD, il voua aussi son temps et son énergie à écrire et à populariser l’histoire sociale de son territoire. Le 3 mars 2005, la CGT du Cantal fonda un Institut d’Histoire Sociale dont Serge Mazières présidait le bureau composé également de Jean-Pierre Maillet, Marie-Hélène Ricard, Patrick Bec, Alain Fagès et Pierre Salat.
De nombreux articles parurent alors dans Le Travail mais aussi dans le quotidien régional La Montagne. Serge Mazières réalisa un diaporama et réunit 250 personnes lors d’un colloque qu’il organisa en mars 2006 à l’occasion du centenaire du Conseil de Prud’hommes d’Aurillac.
Serge Mazières fit valoir ses droits à la retraite et ce sont plus de 300 personnes qui le fêtèrent et le remercièrent lors d’une soirée festive, fraternelle et chaleureuse le 8 décembre 2006. Aux côtés de Christian Navarro, puis assisté par Jean-Claude Gentil qui avait rejoint l’IHS, il continua d’assurer la journée “ histoire sociale “ dans la formation syndicale. Au terme d’une série d’articles parus dans Le Travail sur les luttes des mineurs de Champagnac-les-Mines à la « Belle-époque », il publia en 2008 Une grève de trois mois soutenue par Jean Jaurès. L’année 2011 fut marquée par le 75e anniversaire du Front populaire dans le Cantal. Exploration des archives, recherche de témoignages et de documents originaux ensuite déposés aux Archives départementales, exposition au musée d’art et archéologie, diaporama, conférence-débat, projection de films historiques, grand bal populaire furent au programme des festivités d’avril à juin et plus de 3 000 personnes bénéficièrent du programme concocté par Serge Mazières. À la fin de l’année fut publié son ouvrage de référence, 36 debout, des luttes, des chantiers, des hommes, Le Cantal dans le Front Populaire qui connaît un grand succès de librairie.
Serge Mazières travaillait toujours et revint sur sa période de prédilection, la “Belle-époque” sur laquelle il préparait un prochain livre. Il poursuivait ses publications dans le journal Le Travail, en lien avec les anniversaires qui donnèrent du sens aux luttes actuelles. En 2012, le centenaire de l’UD du Cantal lui permit de rappeler le parcours militant d’Antoine Cambourieu. Le 31 octobre 2014, c’est au tour du CNR d’être célébré par la projection du film Les jours heureux de Gilles Perret, un nouveau diaporama retraçant les luttes de la Libération dans le Cantal et un débat animé par l’historien Jean Vigreux.
A l’occasion du 31e congrès de l’UD CGT les 11 et 12 juin 2015 à Riom-ès-Montagnes (Cantal) et du 120e anniversaire de la CGT, Le Travail insèra un 4 pages écrit par Serge Mazières sur l’histoire du syndicalisme ouvrier cantalien. L’IHS, sur son initiative organisa encore exposition et débat sur la place de la femme au travail pendant la guerre de 1914-1918, puis entreprend, grâce à son réseau d’amitiés syndicalistes tissé tout au long de sa carrière et la grande estime dans laquelle le tenaient les militants, l’enregistrement, en partenariat avec les Archives départementales du Cantal, d’une série de témoignages sur Mai 1968.
Le 26 avril 2019, après des mois de travail et de contacts, Serge Mazières réunit à Vic-sur-Cère, dans le parc de la maison de convalescence de la Sécurité sociale qui avait été inaugurée par Ambroise Croizat en 1947, Pierre Caillaud-Croizat, le petit fils de ce métallurgiste syndicaliste, père de la Sécu et ministre communiste du travail, Dominique Bru, la maire socialiste de Vic, Jean-Pierre Clutier, le directeur du centre Maurice Delort représentant la branche maladie de la Sécurité sociale (Ugecam), pour la pose d’une plaque puis la projection du film La Sociale de Gilles Perret. L’histoire, mais aussi l’actualité de la Sécu firent l’objet de nombreux articles, de prises de position.
Serge Mazières, soutenu par sa famille et ses amis, se concentra sur la rédaction finale de son ouvrage sur les luttes sociales au tournant des 19 et 20è siècles.
Passionné de rugby, depuis sa jeunesse quand il y jouait au sein de l’équipe de Maurs, il suivait l’actualité du club d’Arpajon en tant que correspondant sport pour le quotidien La Montagne.
Il est décédé brutalement à son domicile le 28 septembre 2020 dans sa 70e année.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article232808, notice MAZIÈRES Serge par Patrick Bec, version mise en ligne le 9 octobre 2020, dernière modification le 29 mars 2022.

Par Patrick Bec

Serge Mazières en 2019 aux Archives départementales du Cantal (cliché F. Bianchi)
Serge Mazières en 2019 aux Archives départementales du Cantal (cliché F. Bianchi)
Antoine Benoît, Georges Séguy et Serge Mazières le 20 mars 1974.
Antoine Benoît, Georges Séguy et Serge Mazières le 20 mars 1974.
26 avril 1975, Serge Mazières à la tribune du congrès de l'UD CGT 15
26 avril 1975, Serge Mazières à la tribune du congrès de l’UD CGT 15

Publications de Serge Mazières :
Dans le Cantal au tournant du XXe siècle : Prémices du syndicalisme des fonctionnaires et ouvriers d’État, supplément au journal Le Travail, 1994, 28 p.
À Champagnac-les-Mines, au seuil de la Belle Époque, Les cahiers de l’Institut d’Histoire Sociale Mines-Énergie, 1994.
Une grève de trois mois soutenue par Jean Jaurès, autoédition, 2008, 24 p.
36 debout, des luttes, des chantiers, des hommes, Le Cantal dans le Front Populaire, Aurillac, éditions Gerbert, 2021, 226 p.

SOURCES : Guillaume Leybros, Christian Auzolle, hommages à Serge Mazières lors de ses obsèques à Arpajon le 2 octobre 2020. — Guy Lemaître, nécrologie parue dans La Montagne le 1er octobre 2020 . — Collection du journal Le Travail. —Archives de l’IHS CGT 15. — Témoignages oraux.

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