SCHNEIDER Joseph

Par Jean-Claude Magrinelli

Né le 23 avril 1898 à Villerupt (Meurthe-et-Moselle), mort déporté à Auschwitz en décembre 1942 ; secrétaire du syndicat CGT des métaux d’Auboué, militant communiste, arrêté le 7 février 1942 à la suite du sabotage du transformateur de l’usine, déporté le 6 juillet 1942.

Schneider Joseph naquit à Villerupt, fils de Michel Schneider, journalier, et de Barbe Scheidman. Conscrit de la classe 1918, il s’engagea dans la marine nationale. À son retour, il se fit embaucher comme conducteur de locomotive à la division d’Auboué de la Société des Hauts Fourneaux et Fonderies de Pont-à-Mousson. Le 1er octobre 1922, il épousa Marie-Jeanne Reyard à Rombas. Le couple eut trois enfants : Gisèle l’ainée née le 7 février 1922 à Rombas ; Serge né le 25 juillet 1924 à Auboué ; Jean né le 18 février 1927 à Auboué. La famille demeurait depuis 1927, à son arrivée à Auboué, au n° 105 des cités de Coinville.
Sous le Front Populaire, Joseph milita au Parti communiste. Il fut élu à la commission de contrôle du syndicat CGT des métaux d’Auboué créé le 11 août 1936 qui syndiquait la quasi totalité des ouvriers (456 adhérents). L’assemblée générale des syndiqués réunie le 30 décembre 1936 l’élit « à main levée au titre de secrétaire adjoint du syndicat ». Le 28 juin 1937, il fut élu secrétaire du syndicat des métaux. Les syndicats des métaux d’Auboué, Homécourt et Joeuf le mandatèrent au congrès de Nantes de la CGT le 15 novembre 1938. Licencié le 30 novembre 1938 avec 13 autres responsables syndicaux de la mine et de l’usine, il prit en avril 1939 la gérance d’un débit de boissons, le Café du Centre, sis place de la Poste, tout en continuant d’assumer les responsabilités de secrétaire du syndicat. Pendant la drôle de guerre, il fut mobilisé en avril 1940. Démobilisé, il retourna à Auboué et reprit son activité de cafetier.
Sous l’Occupation, la famille allait connaître deux épreuves. Le 16 juin 1941, son épouse Marie-Jeanne décéda, probablement des suites d’un accident survenu en 1932. Joseph resta seul avec ses trois enfants. À partir du mois de juillet, commença une nouvelle série d’épreuves dues à la répression. Compte tenu de son engagement militant passé, Joseph devint un suspect pour les autorités préfectorales mises en place à Nancy par le gouvernement du Maréchal Pétain. Et d’autant plus qu’Auboué, à partir du début de l’année 1941, se signala par l’essor des « menées communistes ». « Le Parti communiste ayant manifesté une recrudescence d’activité dans le bassin de Briey », le commissaire de police de cette ville proposa au sous-préfet Maurice Mancel « l’arrestation d’un communiste notoire dans chacune des cinq localités » (Homécourt, Joeuf, Auboué, Piennes et Mancieulles). Joseph Schneider fut désigné dans le rapport comme « ex-secrétaire de la cellule communiste d’Auboué ». C’est donc en application de l’arrêté préfectoral du 9 anvier 1941 qui permettait l’internement de communistes notoires dans les communes où étaient découverts des tracts que Joseph fut interné pendant 30 jours à la maison d’arrêt de Briey, à compter du 4 avril 1941. Pour tenter d’enrayer cette résistance grandissante, une liste de 33 communistes aubouésiens fut fournie au préfet le 8 avril 1941, sur laquelle Joseph Schneider figurait en deuxième position. Les groupes clandestins se manifestèrent massivement en juillet. D’abord avec la distribution du tract "Bas les pattes devant l’Union soviétique" puis avec les actions commémoratives du 14 juillet. En représailles au pavoisement de la ville, le sous-préfet de Briey fit interner 8 communistes aubouésiens. Le gendarme Tilland, commandant provisoire de la brigade d’Auboué, lui avait décrit les évènements : « Malgré la surveillance exercée, dans la nuit du 15 au 16 courant, des éléments communistes ont trouvé le moyen de faire des inscriptions à la peinture sur les murs de différentes maisons particulières et notamment au centre de la localité. La teneur de ces inscriptions est la suivante : "Vive le Parti communiste, Vive l’Armée rouge, Femmes de France, unissez vous" (…) Cette (dernière) inscription est faite tout approximativement du domicile de Schneider Joseph, militant notoire. (…) Notons qu’il serait nécessaire d’arrêter à nouveau le nommé Schneider Joseph… Cet individu paraît l’instigateur de tout. » Joseph Schneider subit donc un second internement administratif, par arrêté préfectoral du 24 juillet, d’une durée de 30 jours, à la prison de Briey. Il fut inscrit également sur la « liste des communistes et individus dangereux résidant dans le secteur du commissariat de Briey », établie en juillet 1941. Il y était signalé « ex secrétaire CGT Dangereux ». Fin juillet, le chef de la brigade fit le constat qu’ « il y a certainement à Auboué un noyau assez important de communistes, mais il s’avère très difficile de pouvoir s’allier des indicateurs sérieux du fait que la population est rouge à 75 %... ». (8 Rapport n° 8/4 du gendarme Tilland daté du 16 juillet 1941)
Cependant, la répression préfectorale ne se réduisit pas à son fichage et à son internement. Le préfet prit une mesure de fermeture du café, sur la proposition du sous-préfet de Briey. Ce fut une fermeture provisoire. En effet, le sous-préfet, qui venait de faire emprisonner Joseph Schneider pour 30 jours, revint sur sa décision. « … Ce café pourra être tenu par la fille de M. Schneider, Mme Do Charles (…) J’en ai autorisé la réouverture… ». (Note du sous-préfet de Briey au préfet datée du 26 juillet 1941). Il était difficile de priver complètement les enfants de ressources.
Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de cinq FTP effectua un sabotage à l’intérieur de l’usine d’Auboué. Il s’agissait du premier sabotage perpétré contre une installation industrielle du département. Pour faire pièce à la GFP qui diligenta immédiatement sa propre enquête sur place, le sous-préfet de Briey se rendit à Auboué et ordonna au commissaire Maurice Renard et à l’inspecteur Yves Courcoux qui l’accompagnaient, « de commencer l’enquête, de perquisitionner chez toutes les personnes signalées par la Direction et le personnel de l’usine à quelque titre que ce soit, (…) de perquisitionner chez Schneider débitant qui avait toujours été signalé comme chef d’un lieu de rassemblement de communistes. » Au cours de cette perquisition, les policiers de Briey saisirent un paquet de tracts dans la chambre de son fils Serge, qui fut immédiatement arrêté avec 4 consommateurs communistes René Favro, Maurice Froment, Emma Pagnoni, Elide Capitani. Le 7 février, parce qu’il figurait sur la liste de 20 communistes établie au cours de la nuit par le préfet et transmise par le sous-préfet Mancel le 6 février à une heure du matin à la Kreiskommandantur de Briey, Joseph fut arrêté par la Feldgendarmerie. Il fut enfermé à la prison de Briey puis transféré au quartier allemand de la prison Charles III à Nancy. Le 3 mars, avec 17 de ses camarades dont son fils Serge, il fut transféré au frontstalag 122 à Compiègne. Le 6 juillet, avec 69 militants lorrains internés, Joseph Schneider fut déporté à Auschwitz, comme otage, en représailles de l’attentat de l’usine d’Auboué. Il fut enregistré le 8 juillet sous le n° matricule 46 258. Il devait y périr le 29 novembre 1942 selon les registres du camp, « en décembre » sans autre mention, selon le Journal officiel. Homologué déporté-résistant, il fut déclaré Mort pour la France en 1947. La Médaille de la Résistance lui fut décernée le 30 avril 1974.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article232977, notice SCHNEIDER Joseph par Jean-Claude Magrinelli, version mise en ligne le 13 octobre 2020, dernière modification le 13 octobre 2020.

Par Jean-Claude Magrinelli

Joseph Schneider avec sa femme Marie-Jeanne, sa fille Gisèle et son fils Serge (vers 1935)

SOURCES : Arch. Dép. Meurthe-et-Moselle, 6 M 33-28 : Recensements de 1931 et 1936, commune d’Auboué ; AD 54 : 10 M 100 : Dossier « Syndicat des ouvriers des métaux d’Auboué et similaires » ; AD 54 : 10 M 64 : Dossier « Grève du 30 novembre 1938 » ; (WM 325 : Rapport du commissaire de police de Briey au sous-préfet Mancel daté du 4 avril 1941 ; AD 54 : WM 325 : Rapport du maréchal des logis chef Hubert, de la brigade d’Auboué, daté du 8 avril 1941 ;WM 325 : Rapport du sous-préfet de Briey au préfet daté du 17 juillet 1941 et WM 332 : Arrêté préfectoral d’internement daté du 24 juillet 1941 ; AD 54 : WM 333 : « Liste des communistes et individus dangereux résidant dans le secteur du commissariat de Briey », établie par ce dernier en application de la circulaire préfectorale du 2 juillet 1941 ; AD 54 : WM 325 : Rapport n° 8/4 du gendarme Tilland daté du 16 juillet 1941 sur l’« agitation communiste à Auboué » ; et rapport du maréchal des logis chef Hubert daté du 21 juillet 1941 ; AD 54 : W 1304-96 : Note du sous-préfet de Briey au préfet datée du 26 juillet 1941 ; AD 54 : WM 312, W 1304-6 et W 1304-21/24 : Dossiers relatifs au sabotage de l’usine d’Auboué ; AD 54 : W 1304-21/24 : Rapport non daté et non signé, sans entête, portant la mention manuscrite Note de l’Intendt (Intendant régional de police ?) ; AD 54 : W 1304-21/24 : Rapport du sous-préfet de Briey au préfet daté du 9 février 1942. — Magrinelli Jean-Claude et Yves : « Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle 1920-1945 », SNIC Nancy, 1985, sa biographie page 345. — « Parcours de Serge Schneider, résistant », Collège Berty Albrecht, 32 avenue Gaston Rebuffat 83120 Saint-Maxime, 28 avril 2014, sur le site : http://www.clg-berty-albrecht.ac-ni... — J.O. du 23 juin 2000 : Arrêté du 3 mars 2000 portant mention « Mort en déportation » dans les actes administratifs et d’état civil. — Site : http://politique-auschwitz.blogspot.fr, pour la biographie de Joseph Schneider. — Site : www.memoirevive.org pour la biographie de Joseph Schneider.

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