GABARDI Lucien

Par Daniel Grason

Né le 11 mars 1915 à Paris (XXe arr.), mort le 22 octobre 1944 à Neuengamme (Allemagne) ; agent des PTT ; résistant FTP, déporté.

Lucien Gabardi
Lucien Gabardi

Fils de Léopold, journalier et de Victorine Duvau, fleuriste, Lucien Gabardi, naquit rue de la Chine. La famille vivait rue des Panoyaux à Belleville (XXe arr.). Il alla à l’école primaire, obtint le CEP. De la classe 1935, il fut mobilisé en 1940 à la base aérienne 102 au 702e CTA à Dijon (Côte-d’Or). Il a été démobilisé le 11 août 1940 à Saint-Géry dans le Lot. Agent titulaire des PTT depuis le 21 octobre 1938, il travaillait à la gare Saint-Lazare en service de nuit, chargé du télégraphe et du téléphone. Il était domicilié depuis quatre ans 40 rue des Blancs Manteaux à Paris (IVe arr., en fait il vivait souvent chez Renée Berger au 27 rue des Partants à Paris (XXe arr.).
Des inspecteurs exercèrent une surveillance, il fut appréhendé le 25 octobre vers 13 heures au moment où il se présentait dans l’immeuble. Dans son logement, les policiers saisissaient dans la poche d’un pantalon laissé par Edmond Deck dit Sadi un papier, au recto : « Mme Fiser Château du Theil, Saint-Agnan près de Crocq (Creuse) ».
Au verso d’autres indications : « Prendre le train de Bordeaux. Descendre à Coutras et demander à la patronne du buffet au dépôt des locomotives, Marius Veyry de Cussen (ou Cusson), Ingénieur à la S.N.C.F. »
Deux inspecteurs principaux adjoints de la BS2 Gaston Barrachin et B. accompagnés d’inspecteurs se rendaient immédiatement dans la Creuse. De gros moyens humains furent déployés, le vendredi 29 à 6 heures 30, le château du Theil était cerné : un commissaire divisionnaire, un commissaire chef de section, six inspecteurs de police de Sûreté, douze brigades de police de Sûreté dirigées par un commissaire et un inspecteur, douze brigades de police de Sûreté avec un commissaire et un inspecteur, le Service de répression des menées antinationales (SRMAN) avait envoyé un commissaire et trois inspecteurs, enfin la gendarmerie de Crocq dépêcha un brigadier et quatre gendarmes.
Les policiers et gendarmes se dissimulèrent dans les taillis, le commissaire Divisionnaire et les trois commissaires se présentèrent à la châtelaine. Poliment le divisionnaire expliqua que selon des renseignements « le château était aménagé en hôpital clandestin pour les FTP blessés. »
Grande dame, la châtelaine leur proposa une visite guidée pièce par pièce, le moindre recoin ne fut pas ignoré. Ils ne trouvèrent le moindre FTP hospitalisé. Elle fit part d’un appel récent du docteur Jourdan qui avait fait ses études de médecine avec elle à Paris. Elle avait gardé des relations avec lui. Elle précisa que celui-ci : « bien que n’appartenant à aucun parti politique avait une grande sympathie pour les partis politiques nationaux et avait une haine marquée pour les communistes et en général pour les partis d’extrême-gauche. »
Lucien Gabardi était emmené dans les locaux des Brigades spéciales à la Préfecture de police, pour y être interrogé. Selon ses déclarations, un homme prénommé Edmond vint chez madame Berger le 7 octobre, il apprenait le lendemain qu’il se nommait Deck. Maurice Deck dit Auguste dit Le Bref. Il avait participé avec Louis Furmanek et Maurice Charpentier à l’action le 27 septembre 1943 vers 9 heures contre le docteur Guérin membre du PPF. Celui-ci déposait son courrier à la poste de la rue de Courty (VIIe arr.), un FTP tira, une balle toucha l’artère du bras droit du docteur.
Un docteur prénommé Edmond venait donner régulièrement des soins à Deck. Interpellé, il affirma qu’il n’avait « jamais été membre d’une organisation politique quelconque. » Les policiers se présentèrent au domicile de Renée Berger, employée de bureau. Son domicile fut perquisitionné, ils saisissaient une carte postale et un tract ronéotypé sous enveloppe sur laquelle était écrit « Un groupe de maman du 20ème ». Sur la cheminée de la chambre un carnet à couverture rouge, à l’intérieur une ordonnance sur laquelle figure l’adresse du docteur Jourdan 5 rue Julien-Lacroix à Paris (XXe arr.) Questionnée elle déclara qu’il avait amené « Sadi » chez elle.
Dans son sac à main une feuille de tickets de pain du mois d’octobre 1943, catégorie T, portant la griffe de la mairie de Marolles-en-Hurepoix. La feuille était entamée, elle reconnaissait que c’était « Sadi » qui lui avait donné.
Sommée d’être plus explicite, elle déclara : « Mon cousin, monsieur Gabardi et « Sadi » sont partis ce matin à la pêche vers Ris-Orangis, je ne puis vous dire exactement à quel endroit. » Quatre inspecteurs restèrent sur place pour le cas échéant interpeller les deux hommes. Quant à Renée Berger, elle fut emmenée dans les locaux des Brigades spéciales.
Quant à Lucien Gabardi, interpellé, interrogé dans les locaux des Brigades spéciales il fut probablement frappé. Incarcéré, il était le 7 juillet 1944 dans le convoi de soixante-et-un hommes enfermés dans des wagons de 3e classe au départ de la gare de Lyon-Bercy parmi eux onze FTPF qui étaient déportés pour activités communiste dont Lucien Gabardi, Edouard Ladsous, Georges Mandy. Tous étaient étiquetés « NN », Nacht und Nebel (Nuit et Brouillard), ce qui signifiait condamnés à disparaître sans laisser de traces. Cette expression avait été empruntée par Hitler au livret de L’Or du Rhin de Richard Wagner.
Ils prirent la direction du camp de Dachau en Allemagne, Lucien Gabardi fut envoyé à Neuengamme, puis à Gross-Rosen et Dora, enfin au kommando de travail de Buchenwald-Dora. Lucien Gabardi mourut le 23 février 1945 à Boelcke-Kaserne très probablement de mauvais traitement, d’épuisement.
L’un des policiers qui interrogea Lucien Gabardi, l’inspecteur principal adjoint Gaston Barrachin était entré à la Préfecture de police en 1928. Jean Marc-Berlière écrivit à son sujet : « cet ancien garde républicain est un violent. Ses interrogatoires se terminent parfois tragiquement. Le groupe qu’il dirigeait fut l’un des plus actifs. Pourchassant inlassablement les « communo-terroristes », les interrogeant avec violence, il a commis de gros dégâts. Jugé en octobre 1945, Barrachin est condamné à mort et fusillé, non sans avoir tenté, aidé de sa fille, de se battre jusqu’au bout sur le terrain politique. » Il fabriqua dans sa cellule de Fresnes « à l’aide d’une imprimerie de fortune des faux documents pour compromettre des résistants. »
Gaston Barrachin a été fusillé le 19 janvier 1946 au fort de Chatillon à Montrouge (Hauts-de-Seine).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article233002, notice GABARDI Lucien par Daniel Grason, version mise en ligne le 14 octobre 2020, dernière modification le 14 octobre 2020.

Par Daniel Grason

Lucien Gabardi
Lucien Gabardi

SOURCES : Arch. PPo. GB 137 (transmis par Gérard Larue), 77 W 502-191173. – Jean-Marc Berlière avec Laurent Chabrun, Les policiers français sous l’occupation, Éd. Perrin, 2001, pp. 146, 167, 171, 177. – État civil numérisé 20N 300 acte n° 660.

Photographie : Arch. PPo. GB 178

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